Poids carbone des logements : comment optimiser les actions de rénovations énergétiques ?

Fin 2019, l’OID se penchait sur le poids carbone d’un bâtiment de bureaux tout au long de son cycle de vie. L’objectif de l’étude était d’élargir le spectre des actions comptabilisées, et de raisonner en consommation réelle pour la partie exploitation. Dans le cadre d’un projet étudiant mené avec CentraleSupelec, voici un nouveau volet consacré cette fois aux bâtiments de logements. Importance du mode de chauffage existant, impacts de l’effet rebond, priorisation des travaux de changement de chauffage par rapport aux travaux d’isolation : voici quelques-uns des enseignements à tirer de ce travail.

 

Les logements pèsent lourd dans la consommation énergétique du pays

Pour mémoire, le secteur du bâtiment représente en France près de 45% de la consommation d’énergie finale et génère plus de 25% des émissions de gaz à effets de serre nationales. Parmi ces émissions, les deux tiers environ proviennent des logements particuliers. L’efficacité énergétique des logements est donc un rouage important de la mise en œuvre de l’objectif de neutralité carbone à horizon 2050.

Pour autant, la transition énergétique se heurte ici à une difficulté : le parc de logements est détenu de manière diffuse, et les propriétaires et/ou locataires de logements n’ont pas nécessairement l’argent nécessaire à investir dans des travaux de rénovation énergétique. Pire, la priorité des particuliers consiste plutôt à viser des travaux de réfection esthétique plutôt que de s’attaquer à l’enjeu énergétique, moins visible et de ce fait moins générateur de dopamine !

Cet état de fait explique la multiplicité des aides et dispositifs mis en œuvre par les services de l’Etat – au détriment parfois de leur lisibilité par les personnes concernées – afin de mettre le pied à l’étrier des propriétaires et les inciter à engager ces travaux de rénovation énergétique. Le résultat est mitigé : seules 30 000 rénovations annuelles sont engagées, alors que l’objectif est aux alentours de 700 000 !

Analyse du cycle de vie des bâtiments de logements

C’est dans ce contexte que se décline la démarche visant à estimer le poids carbone d’un bâtiment de logements tout au long de son cycle de vie. Pour ce faire, les élèves ingénieurs ont mis au point un calculateur permettant de déterminer le poids carbone en fonction de plusieurs paramètres tels que le moment où les travaux sont menés ou encore le mode de chauffage de départ et d’arrivée par exemple. La durée de vie du bâtiment a été fixée à 50 ans, en ligne avec les conventions usuelles reprises dans la RE2020. Outre les travaux de rénovation énergétiques, d’autres travaux courants tels que des rafraîchissements ou encore des travaux de second œuvre ont été intégrés au modèle. Pour le cycle de vie présenté, ce sont les facteurs d’émissions pondérés par le mix énergétique français qui ont été pris en compte.

Sans rénovation énergétique, le poids carbone du bâtiment se situe autour de
3,6 tonnes CO2eq/m² sur 50 années, comme détaillé dans le schéma suivant :

Lorsqu’une rénovation énergétique est menée, le résultat est significativement amélioré, puisque le poids carbone total passe à 3 tonnes CO2eq/m² sur 50 ans, soit une baisse de 17%. Les émissions de carbone liées aux matériaux et à la conduite des travaux de rénovation énergétique sont en effet compensées par une baisse significative des émissions liées au chauffage notamment.

La rénovation énergétique est donc un outil de diminution du poids carbone des logements. Plusieurs effets peuvent toutefois diminuer la portée de ce résultat.

Des résultats tempérés par l’effet rebond

Le paradoxe de Jevons, connu sous le nom d’effet rebond, est un phénomène à l’œuvre dans tous les pans de la vie économique. Le postulat en est le suivant : à chaque fois qu’un gain d’efficacité énergétique est observé, l’utilisateur augmente son volume de consommation, ce qui vient atténuer, voire annuler l’effet de ce gain d’efficacité énergétique.

Appliqué à l’immobilier, c’est pour simplifier la température de consigne qui sera l’élément-clef de ce mécanisme. Lors de travaux ayant pour but d’améliorer l’efficacité d’un chauffage, limitant ainsi la facture, il semble logique que la consommation énergétique du logement baisse. Toutefois, l’utilisateur peut être tenté d’en profiter pour améliorer son confort, en augmentant sa température de chauffe – à coût égal. Cette augmentation de température venant accroître les émissions de GES associées, il est clair que l’efficacité des mesures de rénovation énergétique sera fortement consolidée par une sensibilisation et un engagement des utilisateurs finaux.

Changer le chauffage est le geste de rénovation énergétique le plus efficace

Depuis plusieurs années, l’Etat met l’accent sur le concept de rénovation globale : un bouquet de travaux qui en intégrant simultanément un volet isolation, le changement des fenêtres, et le cas échéant le changement du mode de chauffage, permettra une amélioration nette des consommations énergétiques du logement.

Toutefois, en dépit des aides disponibles, les rénovations globales restent compliquées à mener. L’une des raisons de cette situation est simplement que les ménages ne sont pas forcément en mesure de financer – même avec les aides – l’ensemble de ces travaux au même moment. Il leur faut donc souvent choisir quelle action d’amélioration mener en priorité.

A choisir, un changement de chauffage est plus efficace en termes de temps de retour carbone que des travaux d’isolation, 4 ans comparé à 17 ans. Il est donc à privilégier. Par ailleurs, les changements de mode de chauffage n’ont pas tous le même impact, on observe ainsi une forte disparité de temps de retour carbone, allant de 4 ans à 127 ans. Le changement de mode de chauffage est très rentable d’un point de vue carbone dans les cas extrêmes : du charbon ou fioul vers une PAC, du chauffage électrique ou de la biomasse.

 

Orienter les ménages en priorité vers le changement du mode de chauffage, moduler les dispositifs incitatifs en fonction des modes de chauffage préexistants, prévoir un volet de sensibilisation des occupants avant et après travaux : telles seraient les conditions propres à initier une dynamique vertueuse de la rénovation énergétique des logements, afin de bénéficier à plein des gains carbone, et réduire l’empreinte carbone globale des bâtiments de logements en France.

 

Retrouvez l’étude Poids carbone des bâtiments de logement en cliquant ici.

Retrouvez le replay du Webinaire de restitution des résultats en cliquant ici.

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