La BCE évalue les risques climatiques : quels impacts pour le secteur immobilier ?

Début 2022, la Banque centrale européenne a évalué la résistance en matière climatique de 104 banques de la zone euro. Quelles répercussions cette enquête peut avoir pour le secteur immobilier européen ?

 

L’immobilier est un secteur tributaire d’importants financements. L’écosystème immobilier européen dépend fortement de l’accès au crédit. Les banques commerciales sont donc des actrices majeures de ce marché, elles-mêmes tributaires de la Banque centrale européenne (BCE) pour leurs politiques internes. Depuis l’annonce de sa première stratégie climat en juillet 2021, la BCE affirme ses ambitions environnementales, notamment en testant la résistance des banques de la zone euro aux risques climatiques.

L’implication des banques dans la prise en compte des risques climatiques est assez récente. La Banque de France est une institution pionnière dans ce domaine. A l’origine de la création du Réseau des banques centrales et superviseurs pour le verdissement du système financier en 2017, elle met en place dès 2018 une politique d’investissement responsable, qui exclut des sociétés dont plus de 20% du chiffre d’affaires est lié au charbon thermique. En 2021 la BCE annonce un « plan d’action sur le changement climatique » qui prévoit l’élaboration de nouveaux indicateurs relatifs aux instruments financiers verts, à l’empreinte carbone des sociétés financières ainsi qu’à leur exposition aux risques climatiques.

 

En quoi ces récentes prises de positions de la BCE peuvent impacter les acteurs de l’immobilier en Europe ?

 

L’évaluation de la prise en compte des risques climatiques des banques nationales

 

Il est urgent que les banques de la zone euro intensifient leurs efforts pour mesurer et gérer les risques climatiques, en remédiant à l’insuffisance actuelle des données et en adoptant les bonnes pratiques déjà existantes dans le secteur 

Déclaration d’Andrea Enria, président du conseil de surveillance prudentielle de la BCE, à la suite des résultats du stress test climatique 

 

Le test de résistance aux risques climatiques

 

Chaque année, la BCE réalise des tests de résistance (ou stress test) conformément à la directive relative aux exigences de fonds propres. Début 2022 un test de résistance prudentiel aux risques climatiques a été conduit auprès de 104 banques commerciales de la zone euro. Cet exercice orienté sur la pédagogie pour les gestionnaires a notamment permis de recueillir des informations sur

Le premier élément évalué était les capacités des banques en matière de résistance aux risques climatiques. Le test révèle que près de 60% des banques n’ont pas de dispositif de tests de résistance climatique. De manière plus générale, la majorité des répondants n’intègre pas les risques climatiques dans leurs modèles de risque de crédits. Seuls 20% des établissements bancaires tiennent compte de ces risques lors de l’octroi de prêts.

La dépendance des banques aux secteurs très carbonés a également été estimée. Il en ressort que près de deux tiers des revenus issus des sociétés non financières perçus par les banques proviennent de secteurs fortement émetteurs. Les scopes d’émission carbone considérés sont larges : scope 1, 2 et 3.

Enfin ce test de résistance prudentiel a permis la modélisation des différents scénarii de transition sur plusieurs horizons temporels. Deux cas ont été étudiés : le court terme (3 ans) pour mesurer la réponse des banques à une possible hausse du carbone (risque de crédit et risque marché), et le long terme (30 ans), pour déterminer comment les banques font face au risque de transition dans l’obtention de leurs crédits à leurs clients. Les risques physiques étudiés dans les deux scénarii ont été limités aux risques suivants : sécheresse, vague de chaleur et inondation. Dans le scénario de transition désordonnée à court terme, les pertes de crédit et de marché s’élèvent à environ 70 milliards d’euros, en termes agrégés, pour les 41 banques étudiées. Ces résultats sont sous-évalués, à cause notamment du manque de données disponibles et de l’évaluation rudimentaire des facteurs climatiques.

 

Quelles conséquences pour le secteur immobilier ?

 

Ce test de résistance était principalement à visée pédagogique pour les gestionnaires de banque. Les résultats montrent tout de même un manque de prise en compte des risques climatiques. La BCE a annoncé via sa stratégie climat l’imposition aux banques de normes minimales communes en matière d’intégration des risques climatiques dans leurs systèmes de notations et d’évaluation du crédit d’ici fin 2024. Il est donc probable dans un futur proche que ces nouvelles exigences conditionneront l’accès au crédit et au financement des banques européennes, et quun reporting détaillé des risques climatiques soit exigé, notamment de la part des acteurs de l’immobilier.

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