Label RE 2020 : vers une intégration des enjeux liés à la biodiversité dans le futur label réglementaire ?

La nouvelle réglementation environnementale des bâtiments neufs, la RE2020, se verra accompagnée d’un label d’Etat. L’objectif de ce dernier serait double : permettre de valoriser les bâtiments qui prendront de l’avance sur les étapes de la réglementation et constituer un moyen pour les concepteurs d’innover, notamment au travers de thématiques qui ne sont pas abordées dans la RE2020, comme celle de la biodiversité.

 

Le label d’Etat : un levier pour aller au-delà de la RE2020

Le Plan Bâtiment Durable a été missionné par le ministère du logement pour mener les travaux d’animation autour de la création du label d’accompagnement de la RE2020. Au début de l’année 2021, le groupe Réflexion Bâtiment Responsable et Territoires (RBR-T) a engagé un travail préparatoire sur le label, en vue d’une première étape de concertation avec les acteurs du secteur du bâtiment, qui s’est déroulée entre le 6 avril et le 7 mai dernier.

Sept thématiques pourraient être couvertes par le label. Parmi elles, la neutralité carbone et la mesure de la performance énergétique des bâtiments sont déjà abordées par la RE2020 mais, dans le cadre du label, les concepteurs pourraient être amenés à dépasser les ambitions visées par la réglementation. En revanche, les cinq autres thématiques sont nouvelles, sortant du prisme énergie-carbone de la RE2020. Parmi celles-ci, on retrouve les thématiques de bâtiments en coopération avec les réseaux, de confort et santé, de gestion durable de l’eau, d’économie circulaire et de biodiversité, chacune abordées dans le cadre d’un groupe de travail dédié. Le groupe de travail biodiversité est piloté par le CSTB, et rassemble une variété d’acteurs différents, dont des associations, des bureaux d’études et des acteurs du secteur du bâtiment qui collaborent pour construire une démarche et des indicateurs pour la prise en compte de la biodiversité dans les projets de construction urbains.

 

La prise en compte de la biodiversité dans le label réglementaire pourrait se faire en deux temps

Une des premières étapes en vue de l’élaboration du label a été la production de notes de synthèse thématiques par les différents groupes de travail, restituant leurs premières réflexions sur la démarche et les méthodologies qu’il serait judicieux de mettre en place. La synthèse du groupe de travail dédié à la biodiversité rappelle l’existence des grandes pressions responsables de l’érosion de la biodiversité, alimentées en partie par les activités du secteur du bâtiment, ainsi que la perte de services écologiques rendus par la nature occasionnée. Dans ce cadre, il devient urgent que les acteurs du secteur s’emparent de la thématique et puissent être capables de mesurer leur contribution à la protection et à la valorisation de la biodiversité.

Toutefois, la prise en compte actuelle de la biodiversité dans les projets urbains reste timide et présente un certain nombre de limites. En effet, les méthodes de calcul existantes tel que le Coefficient Biotope par Surface (CBS) ou les indicateurs utilisés dans les dispositifs de labellisation permettent essentiellement d’étudier la biodiversité du site où est implémenté le bâtiment, dite biodiversité locale ou in-situ, sous le prisme de la pression de changement d’usage des sols. Les autres pressions anthropiques et les enjeux liés à la biodiversité ex-situ, faisant référence à la biodiversité impactée de manière indirecte lors des autres étapes du cycle de vie d’un bâtiment (extraction des matériaux, transport, etc.), sont rarement considérés. Le groupe de travail biodiversité a donc l’ambition de développer, au moins dans un second temps, des indicateurs plus ambitieux pour évaluer la biodiversité de manière plus adéquate.

Dans ce contexte, deux propositions d’indicateurs, à court et moyen terme, ont été effectuées pour permettre aux acteurs publics de décider de l’intégration de la thématique dans le label.

 

Utilisation d’un CBS harmonisé dans la piste à court terme pour intégrer les enjeux liés à la biodiversité dans le premier volet du label

La proposition à court terme, qui constitue une première étape pour aborder les enjeux liés à la biodiversité, s’éloigne peu des méthodes utilisées aujourd’hui. Elle se concentre sur le facteur de changement d’utilisation des terres pour évaluer les impacts d’un projet sur la biodiversité à l’échelle locale.

Soumise actuellement à consultation auprès de la DHUP, cette proposition se décline en trois types d’outils de mesure. Un premier indicateur qualitatif permettrait de mesurer le niveau d’engagement de moyen développé pour considérer les enjeux initiaux du site du projet en matière de biodiversité. Cet indicateur reposerait sur la réalisation d’un questionnaire à points qui reflètera le degré d’effort déployé par les acteurs d’un projet pour diagnostiquer et prendre en compte les enjeux liés à la biodiversité du site initial.

Le deuxième indicateur, quantitatif cette fois, correspondrait à une nouvelle variante du CBS de Berlin, nommé CBS harmonisé, qui permettra de mesurer la performance d’un projet en matière de biodiversité. Celui-ci doit être plus axé sur les enjeux liés à la biodiversité. Là où le score du CBS de Berlin reposait en grande partie sur l’épaisseur du substrat des parcelles du site considéré, le CBS harmonisé ajoutera la prise en compte du niveau de stratification végétale reposant sur le substrat. Pour que cet indicateur soit facilement utilisable par les professionnels non-experts de la biodiversité, le groupe de travail veille à trouver un juste équilibre entre sa précision en matière de mesure des enjeux liés à la biodiversité et son opérationnalité.

Enfin, ces deux indicateurs seraient complétés par un indicateur bonus qui permettra de valoriser les bonnes pratiques mises en place par les acteurs d’un projet, comme la présence d’espèces indigènes, l’insertion adéquate du projet au sein des trames écologiques, l’installation de nichoirs ou encore l’existence d’une démarche de labellisation spécifique à la biodiversité.

La proposition à moyen terme est, elle, structurée en deux approches plus innovantes. La première consiste à enrichir l’indicateur CBS en ajoutant les enjeux liés à la fragmentation des habitats et à la présence d’espèces invasives. Cette démarche a été bien accueillis lors de la concertation avec les acteurs du bâtiment. Cependant, ces derniers se sont montrés moins favorables à l’ajout d’indicateurs d’évaluation de la biodiversité ex-situ. En effet, cette seconde approche de la proposition à moyen terme est jugée encore trop complexe et ambitieuse. Avant d’envisager de l’intégrer dans le futur label RE2020, il serait alors judicieux de rendre les travaux en cours (par exemple la méthodologie HIBOU) plus accessibles en les vulgarisant et en sensibilisant davantage.

En attendant les retours de la DHUP, le groupe de travail biodiversité affine la construction de l’indicateur CBS harmonisé. Une première version, élaborée à partir de la synthèse de l’ensemble des variantes du CBS existantes à travers l’Europe est en cours de réalisation. En ce début d’année, le groupe de travail a également entamé son amélioration afin de produire une seconde version du CBS harmonisé. Après la conduite de tests et l’ajout de dernières modifications basées sur les retours d’expérience, les indicateurs de la proposition à court terme pourraient être intégré au premier volet du label réglementaire de la RE2020, dont l’instauration et l’entrée en vigueur sont prévues avant le 31 décembre 2022.

 

Un grand merci aux équipes du CSTB et du Plan Bâtiment Durable pour la relecture de cet article !

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