Refonte du DPE logements : lutter contre les déperditions énergétiques via un outil fiabilisé

Article rédigé par Frank Ngueuga Kouemo

 

Face aux enjeux climatiques auquel nous faisons face, les dynamiques de décarbonation se mettent en place dans chaque secteur d’activités. Le bâtiment, pesant à hauteur de 44% de la consommation énergétique en France, a besoin de voir sa consommation énergétique drastiquement revue à la baisse. Cela va passer par l’identification et la rénovation des logements les plus énergivores et émetteurs de Gaz à Effet de Serre (GES). Depuis sa création en 2006, le Diagnostic de Performance Energétique (DPE) s’impose comme l’outil de référence de l’efficience énergétique des logements. Cet outil a longtemps posé un souci de fiabilité car non seulement la méthode de calcul n’était pas unique mais elle était étroitement liée aux habitudes de consommation des occupants. Une refonte a donc été menée et promulguée en juillet 2021 pour pallier les carences du DPE.

 

Vers un outil plus fiable et complet

L’intérêt majeur de la refonte est de rendre le DPE fiable. Pour cela, la méthode de calcul, dénommée « 3CL-2021 », sera désormais unique et basée sur les consommations conventionnelles du bâtiment, en prenant en compte les caractéristiques intrinsèques du logement telles que le bâti, son année de construction, la qualité de l’isolation, le type de chauffage etc. De plus, la disposition des éléments au sein du diagnostic a été revue dans un souci de compréhension et de clarté. En effet, le DPE reste avant tout un document du quotidien utilisé par tous.

Ensuite, le DPE est désormais opposable et possède une portée juridique. Ainsi, le diagnostiqueur s’engage à fournir des informations fiables ; et engage sa responsabilité civile en cas de malhonnêteté professionnelle. Tout ceci concourt à renforcer sa crédibilité en tant que référence incontournable de la performance énergétique d’un bâtiment.

Enfin, l’ancien DPE était très énergie-centré. Afin de lutter efficacement contre le réchauffement climatique, il est primordial de le rendre complet en considérant la donnée émissive des logements. Ainsi, les différentes classes seront évaluées selon deux seuils : le premier se réfère à la consommation en énergie primaire du logement ; et le second aux émissions de GES. Et chacune de ces deux variables s’est vue affecter une échelle qui attribuera les étiquettes « énergie » et « climat ». La classe finale du logement sera quant à elle définie par la moins performante des deux étiquettes.

 

Quel impact sur la répartition des étiquettes dans le parc ?

L’intégration d’un seuil climatique a été l’une des raisons majeures de rebattre les cartes. En effet, beaucoup de logements chauffés au fioul ou au gaz n’étaient pas particulièrement pénalisés par l’ancien DPE qui n’était pas structuré pour juger efficacement l’impact climat des logements. Avec l’entrée en vigueur du nouveau seuil, les logements avec ce type de chauffage fortement émetteur de GES, sont descendus dans le classement.

Source : Ministère de la transition écologique, 2022

Pour les résidences principales, à l’exception de la classe C, la différence de répartition est moins marquée qu’attendue. Cela s’explique par le fait que ce nouveau DPE a promu l’étiquette de certains logements chauffés électriquement. Ainsi, tout ceci a donc aidé à contrebalancer le déclin des logements usant des énergies fossiles. Estimée à 16,7% en 2018, la proportion des passoires énergétiques dans le parc de résidences principales a légèrement augmenté avec le nouveau DPE. Elle représente désormais 17,3%, soit une évolution quantitative de 400 000 logements : de 4,8, on passe à 5,2 millions de logements au 1er janvier 2022

La véritable inquiétude vient surtout des résidences secondaires et vacantes. En effet, avec l’ancienne méthode de calcul, leurs DPE étaient surtout vierges du fait de l’absence de factures de consommation. Après la refonte, on a pu définir que 32 % des résidences secondaires (1,2 million de logements) et 27 % des logements vacants (0,8 million) sont des passoires énergétiques (étiquettes F et G). En couplant cela aux résidences principales, le nombre de passoires est donc finalement estimé à 7,2 millions, soit 20 % du parc national ! Ce nombre dépasse donc de 40% les prévisions précédentes qui estimaient à 5 millions le nombre de passoires énergétiques.

Le graphique ci-dessous résume tout cela en donnant la claire répartition des étiquettes sur l’ensemble du parc national de logements.

Source : Ministère de la transition écologique, 2022

Le plan de lutte contre les passoires énergétiques

Le DPE étant désormais harmonisé et fiabilisé, l’Etat peut s’appuyer dessus pour déployer sa politique réglementaire vis-à-vis des passoires énergétiques. Cela passe dans un premier temps par le gel des loyers des passoires énergétiques (classés F et G), mesure de la loi Climat & Résilience entrée en vigueur le 24 août 2022. De plus, un plan de bannissement progressif des passoires énergétiques du parc immobilier français est prévu : 2023 pour les logements consommant plus de 450kWhEF/m2.an, 2025 pour les logements étiquetés G, 2028 pour les logements F et 2034 pour la classe E.

Néanmoins, pour des raisons de stabilité du marché de l’immobilier, ce changement d’ère ne sera pas brutal. La validité des anciens DPE, c’est-à-dire réalisés avant juillet 2021, sera prolongée jusqu’au 31 décembre 2024 ou dans la limite de leur validité actuelle (10 ans). Il en est de même pour les loyers signés avant le 24 août 2022 : les propriétaires pourront les renégocier à leur guise jusqu’en décembre 2024.

 

La refonte du DPE s’inscrit dans la dynamique de rénovation du secteur du bâtiment qui compte pour plus de 40% des consommations énergétiques. Etant donné l’importance de la situation, la Commission Européenne continue les réflexions autour du DPE afin de l’harmoniser à l’échelle du continent. Il faudra également suivre de près la mise en place et le respect des normes contre les passoires énergétiques ; ainsi que la réaction des acteurs et investisseurs en résidentiel face à ces évolutions réglementaires.

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