Pour mieux envisager l’adaptation au changement climatique, le Conseil National de la Transition Ecologique retient à présent l’hypothèse d’un réchauffement climatique pouvant aller jusqu’à 4°C en France métropolitaine d’ici la fin du siècle. Quels significations, niveaux d’ambitions et conséquences ce changement implique-t-il ?
L’adaptation a trop été mise à l’écart, c’est le constat auquel le gouvernement essaie actuellement de remédier. Pourtant citée dès 1992 au Sommet de Rio, l’adaptation fut longtemps le parent pauvre des politiques publiques, alors même qu’atténuation et adaptation constituent un couple vertueux et que l’un sans l’autre ne peuvent garantir des conditions de vie satisfaisante face au changement climatique.
De multiples scénarios d’adaptation
L’atténuation au changement climatique vise à réduire l’ampleur du changement climatique et passe par une réduction des émissions de gaz à effet de serre quand l’adaptation s’intéresse à la réduction de l’impact des conséquences du changement climatique. L’adaptation implique donc de prendre en compte le risque climatique.
Cette prise en compte du risque ne signifie en aucun cas qu’un renoncement ait lieu quant à l’atténuation. L’adaptation doit, pour être correcte, participer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, sans quoi les mesures relèvent de la maladaptation.
En revanche, la prise en compte du risque doit nécessairement reposer sur une prise en compte de toutes les éventualités possibles, les moins souhaitables y compris, afin de mieux dimensionner les solutions à mettre en avant.
Les modélisations de projections climatiques permettent d’évaluer les risques selon les choix réalisés. Ces scénarios ont porté des noms différents depuis quelques dizaines d’années : A1/A2 et B1 /B2 en 2007, RCP2.6 RCP4.5 et RCP8.5 en 2014, à leurs tours remplacés par les SSP1-2.6, SSP2-4.5, SSP5-8.5 en 2022.
Pour plus de compréhension du changement climatique et de ses conséquences, les mentions des scénarios climatiques évoluent en politique, on ne mentionne plus les noms des scénarios mais les degrés additionnels de réchauffement.
On observe ainsi dans ce graphique les risques pour différents systèmes terrestres qui s’aggravent à des rythmes différents face à l’augmentation de la température moyenne mondiale avec des degrés de réchauffement correspondant à des périodes de bascules plus ou moins marquées. Chaque dixième de degré compte !
Les conséquences du changement climatique sont nombreuses. Parmi elles, deux mois de canicules, des feux de forêts de plus en plus nombreux, longs et ravageurs et sur des latitudes de plus en plus hautes, des précipitations et autres événements météorologiques intenses (tempêtes, sécheresses, etc) sont à envisager, pour ne citer que celles qui impactent directement le secteur du bâtiment.
Une ambition politique affirmée, mais pas encore aboutie
Le scénario tendanciel nous inscrit, en 2023, dans une tendance de réchauffement climatique de +2.8 à +3.2 degrés à la fin du siècle en augmentation de température mondiale, si aucun effort supplémentaire n’est réalisé en termes de politiques de réductions d’émissions GES. Ce scénario n’est atteignable que si les politiques de réductions de gaz à effet de serre mise en place aujourd’hui aboutissent dans leur intégralité, à l’échelle mondiale. Par ailleurs, les modélisations prises en compte dans ces projections ne prennent pas en compte toutes les boucles de rétroactions positives qui peuvent être à l’origine d’un emballement climatique. Pour plus d’informations sur ces éléments, retrouvez notre article d’Août 2022 ici.
Le Conseil National de la Transition Ecologique retient à présent l’hypothèse d’un réchauffement climatique pouvant aller jusqu’à +4°C en France métropolitaine d’ici la fin du siècle, soit +3°C environ à l’échelle mondiale. Les scénarios d’adaptation envisagés ne sont donc pas pessimistes, mais seulement tendanciels, et ce ne sont pas des scénarios qui prennent en compte tout l’éventail des risques. Pour être complet dans une analyse de risques, c’est l’ensemble des scénarios de projection qu’il faudrait analyser, y compris les scénarios à +4°C environ à l’échelle mondiale, soit +6°C minimum à l’échelle de la France. En effet, si on se prépare à une France à +6°C et qu’à la fin on a un réchauffement climatique qui n’est que de +4°C, c’est moins grave que si on se prépare à une France à +4°C et qu’on finit à une France à +6°C.
De plus, le changement climatique ne s’arrêtera pas à 2100 et il est impératif de prendre en compte l’évolution continue du climat dans les mesures choisies dès aujourd’hui.
La prise en compte des « TRACC » dans le PNACC 3
Les deux premières versions du Plan National d’Adaptation au Changement Climatique ont été proposées respectivement en 2011 et 2018 et ne prenaient en compte que l’hypothèse des objectifs de l’Accord de Paris, visant à limiter le réchauffement de la planète en dessous de 2°C et de préférence à 1,5°C par rapport à la période préindustrielle, soit une hausse de maximum 3°C pour la France à 2100.
La prochaine édition du PNACC, le PNACC 3, tiendra compte, lui, de trajectoires de réchauffement de référence pour l’adaptation de la France (TRACC).
Une consultation publique est lancée afin de définir les trajectoires de réchauffement de référence pour l’adaptation de la France (TRACC). Les contributions doivent être envoyées d’ici mi-septembre et devront répondre à ces 3 questions :
- Question 1 : La France doit-elle se doter d’une trajectoire de réchauffement de référence d’ici la fin du siècle pour pouvoir s’adapter, tout en poursuivant la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre en ligne avec les objectifs de l’Accord de Paris ?
- Question 2 : Que pensez-vous d’une trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation de la France (TRACC) dont les niveaux de réchauffement de référence seraient : +2 °C en 2030, +2,7 °C en 2050 et +4 °C en 2100 (France métropolitaine) ?
- Question 3 : Quels outils et quel accompagnement technique et financier devraient être mis à la disposition des collectivités, des acteurs économiques et du public pour qu’ils puissent prendre en compte les impacts envisagés dans le futur du réchauffement climatique ?
Quels impacts pour les acteurs du bâtiment ?
La définition des TRACC permettra notamment de mettre à jour les référentiels, normes et réglementations techniques qui doivent prendre en compte les effets du changement climatique dans tous les domaines (bâtiment, transport, énergie, réseaux, risques naturels…)
L’accompagnement des collectivités territoriales dans l’adaptation sera renforcé, avec la TRACC intégrée dans l’ensemble des documents de planification territoriaux.
Des études de vulnérabilité de chaque secteurs économiques, basées sur la TRACC, permettront d’élaborer des plans d’adaptation au changement climatique sectoriels, qui seront repris dans certaines réglementations pour établir une cohérence entre les différentes échelles (cf. étape 4 de l’article Bâtir une stratégie d’adaptation en 5 étapes). On note notamment déjà cet impératif existant dans les critères DNSH Adaptation de la Taxinomie Européenne.
Afin de mieux environner le sujet, l’Institut de l’Economie pour le Climat (I4CE) et l’Observatoire de l’immobilier durable (OID) travaillent conjointement sur une évaluation économique des coûts de l’adaptation en France selon les TRACC, pour le secteur du bâtiment.
L’arrivée du Plan National d’Adaptation au Changement Climatique, début 2024, marquera probablement le début de la mise en place de politiques d’adaptation contraignantes, intégrant l’éventualité de climats avec des extrêmes chauds et autres événements intenses. Le secteur du bâtiment aura un important rôle à jouer dans la mise en œuvre de ces nouveaux chantiers d’adaptation de la France au changement climatique, tant en tant que secteur économique majeur qu’en tant qu’acteur des territoires.