La Maladaptation, mauvais réflexe face au changement climatique

La maladaptation désigne un processus d’adaptation qui résulte directement en un accroissement de la vulnérabilité à la variabilité et au changement climatiques et/ou en une altération des capacités et des opportunités actuelles et futures d’adaptation[1]. Comment repérer ces fausses solutions dans le secteur immobilier ? Et quelles sont leurs conséquences ? Les réponses dans cet article.

La maladaptation est un facteur d’aggravation de la vulnérabilité climatique par report de vulnérabilité spatiale ou temporelle. Cette aggravation peut également être causée par une action qui avait pour but de réduire une vulnérabilité première, mais qui dégrade les capacités de résilience d’un système secondaire. La non-prise en compte des incertitudes afférentes à l’action peuvent également constituer un facteur de vulnérabilité aggravante. C’est quatre principes constituent des lignes directrices pour reconnaître une action de maladaptation.

Les 4 questions à se poser en pour éviter la maladaptation sont les suivantes :

  • Cette action peutelle engendrer un report de vulnérabilité temporel ?
  • Cette action peutelle engendrer un report de vulnérabilité spatial ?
  • Cette action peutelle engendrer un report de vulnérabilité sur d’autre systèmes, ou écosystèmes ?
  • Cette action peutelle devenir un facteur d’aggravation car les incertitudes liées au changement climatique n’ont pas été prises en compte ?

Les réponses doivent être négatives pour l’ensemble de ces 4 questions pour éviter la maladaptation.

Voici quelques exemples pour le secteur de l’immobilier pour les aléas les plus courants.

Maladaptation face au stress thermique : 5 points de vigilance

La climatisation est un facteur d’aggravation de la vulné­rabilité climatique par :

  • Report de vulnérabilité spatial : La climatisation provoque un rejet d’air chaud dans la ville ce qui a pour effet d’augmenter les températures dans les zones adjacentes.
  • Report de vulnérabilité temporel : Le recours à la climatisation émet des gaz à effet de serre ce qui à long terme empire les conséquences du réchauffement climatique. De plus, le dimensionnement des équipements actuels ne permettra pas de répondre à un climat sévérisé à 2050, ce choix d’équipement reporte donc la vulnérabilité temporellement.
  • Non prise en compte des incertitudes : Les choix de dimensionnement ne permettent pas non plus de prendre en compte les incertitudes liées au changement climatique ce qui peut conduire à l’obsolescence des équipements.

Les brumisateurs peuvent être un facteur d’aggravation de la vulnérabilité climatique par :

  • Report de vulnérabilité spatial : L’extraction d’eau induite par l’utilisation de cette solution augmente la vulnérabilité d’autres espaces dépendants de cette ressource en particulier dans un contexte de raréfaction due aux effets du changement climatique.
  • Report de vulnérabilité temporel : La raréfaction de la ressource en eau induit également un report de vulnérabilité temporel. Cette solution sera possible tant que la pression sur cette ressource ne sera pas trop importante. Ainsi, elle peut induire des investissements devenant obsolètes avec le temps.
  • Report de vulnérabilité sur d’autres systèmes : La ressource pourra être amenée à manquer pour les écosystèmes et d’autres systèmes humains comme l’agriculture.
  • Non prise en compte des incertitudes : Cette solution ne permet pas de prendre en compte les incertitudes liées à la disponibilité de cette ressource dans un contexte de sécheresse.

Les façades végétalisées intégrant des plantes non endémiques dans la paroi peuvent être un facteur d’aggravation de la vulnérabilité climatique par :

  • Report de vulnérabilité temporel : La mort des plantes provoque la perte des investissements et reportent la nécessité d’adaptation dans le temps.
  • Report de vulnérabilité sur d’autres systèmes : Cette solution peut conduire à une dégradation des murs. Elle nécessite également un entretien et un apport en eau qui se fera au détriment d’autres systèmes. Enfin, les espèces invasives pouvant proliférer dans ce contexte (en particulier les moustiques), augmentent la vulnérabilité sanitaire des occupants des bâtiments.
  • Non prise en compte des incertitudes : Dans le cas où les essences ne seraient pas prévues en fonction des variations du changement climatique, il s’agirait d’une solution de maladaptation.

Un système de géothermie mal étudié peut être un facteur d’aggravation de la vulnérabilité climatique par :

  • Report de vulnérabilité sur d’autres systèmes : Dans le cas où le système et la profondeur des éléments n’auraient pas été bien étudiés, les sols pourraient être amenés à se réchauffer ou se refroidir perturbant ainsi les écosystèmes présents.
  • Non prise en compte des incertitudes : Dans le cas où les mouvements de terrains et en particulier les phénomènes de retrait et gonflement des argiles n’auraient pas été étudiés au préalable, l’installation deviendrait obsolète.

La neige artificielle peut être un facteur d’aggravation de la vulnérabilité climatique par :

  • Report de vulnérabilité spatial : L’extraction d’eau induite par l’utilisation de cette solution augmente la vulnérabilité d’autres espaces dépendants de cette ressource en particulier dans un contexte de raréfaction due aux effets du changement climatique.
  • Report de vulnérabilité temporelle : Le recours à la neige artificielle est couteux en énergie et émet des gaz à effet de serre ce qui à long terme empire les conséquences du réchauffement climatique.
  • Report de vulnérabilité sur d’autres systèmes : La ressource en eau pourra être amenée à manquer pour les écosystèmes et d’autres systèmes humains comme l’agriculture. Cette solution amplifie également l’érosion des sols.
  • Non prise en compte des incertitudes : Face à l’augmentation des effets du changement climatique, cette solution n’est pas pérenne et ne pourra pas être utilisée indéfiniment.

Maladaptation face aux inondations / submersions marines : 3 points de vigilance

Les barrages ou digues peuvent être un facteur d’aggravation de la vulnérabilité climatique pour les inondations et submersions marines par :

  • Report de vulnérabilité spatial : Le barrage ou la digue provoque l’érosion des zones adjacentes ce qui augmente leur vulnérabilité aux inondations ou submersions marines.
  • Report de vulnérabilité temporel : Le barrage ou la digue empêche l’acculturation au risque des habitants et à long terme peut augmenter la vulnérabilité du territoire au risque d’inondation en particulier en cas de rupture soudaine.
  • Report de vulnérabilité sur d’autres systèmes : Les barrages ou digues provoquent la fragmentation des écosystèmes ce qui augmente leur vulnérabilité au changement climatique en empêchant le libre déplacement des espèces.
  • Non prise en compte des incertitudes : En cas d’un dimensionnement non adéquat comme une surélévation minimale, ces solutions constitueraient un facteur d’aggravation de la vulnérabilité climatique par non prise en compte des incertitudes. Elle provoquerait des inondations décalées dans le temps et le coup d’investissement serait perdu.

Le détournement des cours d’eau peut être un facteur d’aggravation de la vulnérabilité climatique pour les inondations par :

  • Report de vulnérabilité spatial : Cette solution peut provoquer des inondations dans les zones adjacentes vers lesquelles le cours d’eau aurait été redirigé.
  • Report de vulnérabilité sur d’autres systèmes : Le détournement des cours d’eau peut perturber les écosystèmes et provoquer leur fragmentation des écosystèmes ce qui augmente leur vulnérabilité au changement climatique.

Maladaptation face aux sécheresses : 2 points de vigilance

L’irrigation des espaces verts peut être un facteur d’aggravation de la vulnérabilité climatique pour les sécheresses par :

  • Report de vulnérabilité spatial : L’extraction d’eau induite par l’utilisation de cette solution augmente la vulnérabilité d’autres espaces dépendants de cette ressource en particulier dans un contexte de raréfaction due aux effets du changement climatique.
  • Report de vulnérabilité temporel : La non-adaptation des essences végétales induite par leur irrigation peut conduire à la mort de ces espèces.
  • Report de vulnérabilité sur d’autres systèmes : La ressource pourra être amenée à manquer pour les écosystèmes et d’autres systèmes humains comme l’agriculture.
  • Non prise en compte des incertitudes : Cette solution ne permet pas de prendre en compte les incertitudes liées à la disponibilité de la ressource en eau dans un contexte de sécheresse.

De la même façon, la lutte contre les RGA par humidification des sols peut être un facteur d’aggravation de la vulnérabilité climatique pour les sécheresses car elle repose sur l’utilisation de ressources en eau.

Maladaptation face aux feux de forêts : 1 point de vigilance

L’installation massive de capteurs de fumée peut être un facteur d’aggravation de la vulnérabilité climatique pour les feux de forêts par :

  • Report de vulnérabilité temporel : Cette solution implique des émissions de gaz à effet de serre, notamment pour la liaison satellitaire et la consommation de métaux rares. Ceci a pour effet de reporter la vulnérabilité climatique de façon temporelle en empirant les futurs effets du changement climatique.

Maladaptation face aux tempêtes : 1 point de vigilance

L’installation d’arbre à proximité des bâtiments peut être un facteur d’aggravation de la vulnérabilité climatique pour les tempêtes par :

  • Report de vulnérabilité temporel : Les arbres plantés dans le cadre de la réduction de vulnérabilité aux aléas inondation ou vague de sécheresse peuvent causer des dégâts aux bâtiments adjacents en cas de tempêtes.

Cet article avait pour objectif de présenter quelques actions de maladaptation à éviter. Il en existe bien d’autres ! Le choix d’actions d’adaptation sobres en ressources et en énergie et se basant sur la nature, tout en prenant soin de choisir des espèces adaptées au milieu sont quelques-uns des principes permettant de viser une stratégie de bonne adaptation au changement climatique.

[1] IDDRI, Magnan, A., Éviter la maladaptation au changement climatique, Climat Policy brief n°08, 2013.

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