Le 15 mars 2022, l’initiative Taskforce on Nature-related Financial Disclosures ou TNFD, un groupe de travail dédié aux divulgations financières liées à la nature, proposait une première version d’un cadre commun. Ce dernier permettra aux organisations d’évaluer les risques et opportunités liés à la nature et de les intégrer dans leurs prises de décisions financières et commerciales. En proposant un tel cadre, l’ambition de la TNFD est d’opérer un changement dans l’économie mondial, en orientant les flux financiers vers des impacts positifs pour la nature.
Qu’est-ce que la Taskforce on Nature-related Financial Disclosures ?
Lancée en juillet 2020, la TNFD est une initiative mondiale dédiée à l’évaluation des risques et opportunités liées à la nature pour les acteurs économiques et financiers. La TNFD est l’alter ego consacré à la nature et à la biodiversité de la TCFD (Taskforce on Climate-related Financial Disclosures) avec qui elle collabore. Elle prend la forme d’un groupe de travail mené par quatre organisations partenaires (le Programme des Nations Unies pour le développement, l’Initiative financière du Programme des Nations Unies pour l’environnement, WWF et Global Canopy), comptant une trentaine de membres internationaux, qui sont principalement des acteurs du monde du marché mais également des représentants d‘entreprises et de fournisseurs de services financiers.
En conséquence des nombreuses pressions humaines s’exerçant sur la biodiversité, le taux d’extinction des espèces augmente considérablement et les effectifs des populations diminuent. Face à ce constat bien établi de sixième crise d’extinction de masse de la biodiversité, la mise en place d’une telle initiative a été amorcée pour permettre aux acteurs financiers de financer la réhabilitation de la biodiversité et des écosystèmes, pour assurer une stabilité financière durable. La TNFD fournira à un large éventail d’acteurs financiers une méthodologie pour intégrer les risques liés à la nature et à la biodiversité dans leurs processus de gestion et d’investissement. L’utilisation d’un tel cadre par l’ensemble des organisations visées pourrait rendre l’économie mondiale plus favorable à la biodiversité.
Que contient la première version bêta du cadre de la TNFD ?
Un an après sa création, la TNFD a publié en mars dernier un document, qui constitue la première version bêta du cadre de gestion et de reporting (c’est-à-dire de communication dans les rapports annuels) sur les risques et opportunités liés à la nature. Ce premier prototype s’inspire volontairement de l’approche développée par la TCFD de manière à garder une cohérence entre les deux initiatives et simplifier l’appropriation de ce nouveau cadre par les acteurs financiers.
Cette version contient trois composantes principales. La première est un ensemble de concepts fondamentaux et de définitions liés à la nature et aux risques qui lui sont associés. Elle permettra à tous les acteurs de comprendre la nature et d’évaluer et communiquer sur les risques avec un langage commun. La TNFD propose ainsi une terminologie biodiversité adaptée au monde du marché, de la même manière qu’il en existe une pour le climat aujourd’hui.
Le deuxième élément du cadre est un projet de recommandations pour reporter sur les risques et opportunités liées à la nature. Les recommandations se répartissent selon les quatre mêmes piliers que la TCFD : la gouvernance de l’organisation concernant la gestion des risques liés à la nature, sa stratégie, sa gestion des risques, et les métriques et objectifs utilisés pour évaluer et gérer les risques et opportunités.
Enfin, le cadre de la TNFD inclut également une première méthodologie, prenant la forme de conseils pratiques, pour analyser les risques liés à la nature et réaliser le reporting, dénommée LEAP (Locate, Evaluate, Assess, Prepare). Comme son nom l’indique, le processus LEAP est constitué de quatre phases :
- Les organisations doivent en premier lieux localiser leurs interfaces à la nature, c’est-à-dire savoir dans quel type d’écosystèmes se trouvent les actifs, opérations et activités.
- Dans un second temps, elles doivent évaluer les dépendances et impacts de leurs activités en se basant sur le travail de localisation préalablement effectué.
- La troisième phase consiste à évaluer la manière dont ces dépendances et impacts sont susceptibles de générer des risques et opportunités pour la société.
- Enfin, pour la quatrième étape, les entreprises doivent établir une stratégie de diminution des dépendances et impacts et rendre compte de manière transparente des risques et opportunités lors de leur exercice de reporting.
L’approche LEAP est déclinée en deux versions pour les entreprises et les institutions financières, chacune détaillée en un certain nombre d’étapes précises pour faciliter sa transposition aux stratégies internes.
Vers une version aboutie pour la fin de l’année 2023
Pour favoriser l’opérationnalité du cadre proposé, la TNFD développe ses recommandations selon un mode d’innovation ouverte et d’amélioration continue. La première version bêta est donc actuellement soumise à consultation des acteurs du marché, qui ont l’opportunité de communiquer leurs critiques via une plateforme en ligne. Sur la base des retours émis, une seconde version du cadre devrait être publiée en juin 2022. Après une série de versions successives, qui passeront toutes par une phase de concertation et de test, la TNFD sera en mesure de proposer un cadre final scientifiquement valide et opérationnel à la fin de l’année 2023. Celui-ci devrait contenir les résultats de travaux en cours comme ceux sur le lien entre climat et biodiversité ou sur les outils de mesures, et comprendra des recommandations spécifiques à chaque secteur financier et commercial.
Comme pour la TCFD, le cadre développé par la TNFD pourrait constituer la méthodologie de référence pour analyser et communiquer sur les risques liés à la nature. Aujourd’hui, le reporting sur le climat a été inscrit dans le droit de certains pays, comme le Royaume Uni et le Canada, et s’appuient sur les recommandations élaborées par la TCFD. Il en sera peut-être de même pour le reporting sur la nature et la biodiversité. En France, le cadre TNFD pourrait être saisie par les acteurs financiers pour répondre aux obligations de reporting sur les risques liés à la biodiversité instituées par l’article 29 de la loi Energie Climat et son décret d’application. Pour les entreprises, il pourrait alimenter les réflexions dans le cadre de la taxinomie européenne ou de la Déclaration de Performance Extra-Financière (DPEF).