Quelle application du niveau 2 du Règlement SFDR par les acteurs de l’immobilier ?

Adopté en novembre 2019, le règlement européen (UE) 2019/2088, dit Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR) ou Règlement Disclosure vise à valoriser la prise en compte des enjeux environnementaux et sociaux par les sociétés financières. Pour cela, ce règlement impose des exigences de transparence et des règles communes en termes de reporting extra-financier. Le règlement SFDR est basé sur une approche dite de double matérialité, soit la prise en compte à la fois de l’exposition des activités financières aux risques de durabilités, ainsi que les incidences négatives sur l’environnement engendrées par l’activité en question (aussi appelées principal adverse impacts ou PAI). Ce règlement s’applique à l’échelle des entités (sociétés financières) et de leurs produits (notamment les fonds immobiliers). L’objectif est d’améliorer la comparabilité en matière ESG entre les produits et les sociétés financières pour les investisseurs finaux. Pour une présentation plus complète du règlement SFDR retrouvez le décryptage de l’OID sur le sujet.

Les obligations imposées par SFDR sont divisées en deux niveaux d’exigences, dont le premier est en vigueur depuis 2021. Depuis janvier 2023, le second niveau d’exigence entre progressivement en application. Il s’agit de la publication des templates issus des Regulatory Technical Standards (ou RTS) dans la documentation précontractuelle, périodique ainsi que sur le site web des produits article 8 et 9. Comment ces exigences dites de niveau 2 sont-elles appliquées par les acteurs investissant dans le secteur immobilier ? L’OID a procédé à l’analyse des templates pour la documentation précontractuelle publiés en février 2023 de 30 fonds immobiliers classés article 8, 8 hybride et 9. Ces 30 fonds représentent environ de l’encours immobilier sous gestion en France.

 

Comment les fonds immobiliers répondent aux exigences de niveau 2 ?

Le cas des fonds immobiliers article 8

Le règlement SFDR instaure une classification des produits financiers (dont les fonds immobiliers) en fonction de leur prise en compte des enjeux ESG. Les fonds article 8  promeuvent des caractéristiques environnementales et/ou sociales. De nombreux fonds immobiliers ont rejoint cette catégorie. Selon l’étude sur les fonds immobiliers réalisée par l’OID et l’ASPIM en octobre 2022, 34 % des fonds immobiliers (en valeur) se déclarent article 8. Parmi les fonds article 8 analysés dans cette étude, 21 templates publiés en février 2023 ont été consultés.

De nombreuses similitudes apparaissent entre les thématiques obligatoires du label ISR et les caractéristiques promues. La diminution des consommations énergétiques, des émissions de gaz à effet de serre, l’amélioration du confort des occupants et la mobilité sont des thématiques majoritairement sélectionnées. Des caractéristiques de gouvernance s’ajoutent souvent, reflétant une démarche ESG complète, telle que demandée par le label ISR. Cela se matérialise principalement par la sensibilisation des parties prenantes. Cette porosité entre les caractéristiques promues par certains fonds et les thématiques du label ISR s’explique par le fait que le label ISR impose un reporting annuel sur des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance avec des indicateurs de suivi et de résultat. Les fonds labellisés promeuvent de fait des caractéristiques ESG, il est logique qu’ils se classent par la suite en article 8, et reprennent les thématiques déjà traitées. Parmi les fonds article 8 analysés qui ont publié le template dans leur documentation précontractuelle, 96% sont labellisés ISR (en valeur).

 

Les fonds immobiliers article 8 hybride et 9

Les fonds article 8 hybride et 9 sont caractérisés par leur objectif d’investissement durable. La définition même d’un investissement durable est complexe. Ce schéma issu des RTS illustre les différentes dimensions de cette définition :

Un investissement durable au sens du règlement SFDR comprends tout investissement de la section #1. Il peut être social ou environnemental. Dans le cas d’un objectif environnemental, ce dernier peut être aligné sur la Taxinomie ou non. La définition d’investissement durable selon la Taxinomie est donc un sous-ensemble de la définition du règlement SFDR.

La lecture des templates publiés en février 2023 par les fonds immobiliers article 8 hybride et 9 (soit 3 fonds article 8 hybride et 9 fonds article 9, représentant au total de l’encours immobilier sous gestion total), montre bien qu’il n’existe pas aujourd’hui de consensus sectoriel sur la notion d’un investissement durable pour le secteur immobilier. La plupart des fonds font référence aux objectifs de développement durable (ODD) portés par l’ONU dans leur définition. Le Carbon Risk Real Estate Monitor (ou CRREM), outil permettant de définir des trajectoires de décarbonation à horizon 2050 basés sur les Accords de Paris, est également souvent mentionné.

Enfin, la définition d’investissement durable selon le règlement SFDR implique que les investissements «ne cause de préjudice important à aucun des objectifs » (article 2, point 17). Ce critère, dit Do No Significant Harm, est essentiellement vérifié par la prise en compte des PAI, sans que des seuils d’exclusion d’actifs soient explicitement chiffrés et définis. Cette pluralité de définitions d’investissement durable ne favorise pas la lisibilité et la comparabilité entre les fonds.

 

Quel impact sur les stratégies d’investissement et plus précisément sur les acteurs de l’immobilier ?

Le choix de caractéristiques environnementales et/ou sociales ainsi que l’objectif d’investissement durable poursuivi conditionne la stratégie d’acquisition et de gestion des actifs immobiliers détenus. Certains acteurs rappellent leur stratégie générale (typologie d’actifs, périmètre géographique, critères souhaités en termes d’emplacement, de qualité d’actifs et de locataires) et mentionnent la présence d’une grille ESG de due diligence.

L’influence du label ISR se retrouve également. Peu d’acteurs détaillent leur grille ESG. Les thématiques sont parfois citées, plus rarement les indicateurs de mesure et les unités associées. A l’exception de quelques fonds indiquant exclure les actifs liés aux énergies fossiles, peu de politiques d’exclusion sont mises en œuvre. La stratégie est souvent expliquée par rapport au label ISR, et le choix est indiqué entre stratégie best-in-progress ou best-in-class.

 

Quelles sont les pratiques de marché en termes de divulgation d’informations ?

A quel point les templates SFDR ont été repris par les acteurs dans leur documentation précontractuelle ?

Parmi tous les fonds étudiés lors de l’étude sur les fonds immobiliers grand public, la plupart de ceux classés article 8 ont repris le template pour leur documentation précontractuelle, soit environ 82% des fonds (en valeur). Tout les fonds article 9 sélectionnés ont repris ce format. Les questions du template ont été généralement interprétées de la même façon par tous les acteurs, à l’exception peut-être de la question portant sur la politique suivie pour évaluer les pratiques de bonne gouvernance des sociétés bénéficiaires des investissements. Deux tendances se dégagent clairement : les fonds considérant que l’immobilier n’est pas concerné étant donné que l’investissement se fait dans des actifs et non des sociétés ; et les fonds mentionnant les procédures internes de sélection des prestataires (tels que les chartes achats responsables) et la lutte contre le blanchiment, la corruption et le travail illégal.

 

Divergences et similitudes : quels sont les PAI mentionnés par quels types de fonds ?

98% des fonds article 8 analysés déclarent prendre en compte les PAI (principales incidences négatives), ainsi que 100% des fonds article 9. Parmi les fonds qui prennent en considération les PAI, la majorité s’appuient sur les indicateurs obligatoires à l’échelle de l’entité définis dans le règlement SFDR, bien que cela ne soit pas strictement obligatoire.

Outre les PAI obligatoires (exposition à des combustibles fossiles via des actifs immobiliers et exposition à des actifs inefficaces sur le plan énergétique), les acteurs ont choisi majoritairement comme PAI optionnel l’intensité des consommations d’énergie (43% des fonds article 8 qui ont rempli le template en valeur, et 63% en valeur des fonds article 9) et les émissions de gaz à effet de serre (34% des fonds article 8 qui ont rempli le template en valeur, et 82% des fonds article 9 en valeur). Ces choix peuvent s’expliquer par les exigences du Décret Tertiaire comme par l’influence du label ISR. On constate également que plusieurs fonds s’intéressent à l’indicateur relatif à la biodiversité. En revanche, celui sur les ressources n’est jamais utilisé.

 

Alignement avec la Taxinomie européenne : quelles sont les pratiques ?

 

Pour les fonds article 8 comme pour les fonds article 9, l’engagement vers un alignement taxinomique est assez faible. Il est de 0% pour 71% des fonds article 8 en valeur et pour 42% des fonds article 9 en valeur. Même pour les fonds article 9, seuls deux fonds déclarent plus de 11% d’alignement taxinomique, parmi les 9 étudiés. Cet engagement relativement faible s’explique par l’aspect très élitiste des critères techniques de la Taxinomie européenne. Certains fonds déclarent des engagements vers un alignement taxinomique plus élevé, jusqu’à 20%. Ces chiffres seront à mettre au regard des indicateurs d’alignement effectifs, qui seront publiés dès les rapports périodiques 2023, sur les données de l’exercice 2022.

 Retrouvez le décryptage complet du Règlement SFDR

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