L’ambition de réduire l’artificialisation des sols pour atteindre le « Zéro Artificialisation Nette » à horizon 2050 a été inscrite en France dans le cadre réglementaire par la Loi Climat et Résilience en août 2021. Il s’agissait alors d’un véritable changement de paradigme quant à la logique de développement urbain pour les acteurs de la ville, privés comme publics, largement salué par les organisations de défense de l’environnement. Un an et plusieurs décrets d’application plus tard, l’enthousiasme retombe lorsque le ministre Christophe Béchu adresse une circulaire aux préfets freinant sur l’application du ZAN. L’OID vous propose de revenir sur ces actualités des dernières semaines, et d’en décrypter les implications.
L’ambition du Zéro Artificialisation Nette
Longtemps sous-estimée, l’importance des sols est aujourd’hui de plus en plus connue et documentée. Ils sont le support de cinq principaux cycles qui rendent la vie possible sur terre : le cycle de la matière organique, le cycle du carbone, le cycle des nutriments, le cycle de l’oxygène à travers la photosynthèse, ainsi que le cycle de l’eau dont les sols sont des filtres efficaces pour purifier l’eau. Ils abritent par ailleurs une diversité biologique considérable et indispensable pour de nombreuses activités humaines.
Le 21 août 2021, la Loi Climat et Résilience met les sols à l’honneur, en retenant une approche fonctionnelle dans la nouvelle définition de l’artificialisation, définie comme « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques, climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage » (Art L-101-2-1 du Code de l’urbanisme). Le calendrier est fixé : la zéro artificialisation nette doit être atteinte d’ici 2050, avec un objectif intermédiaire à horizon 2031, visant une réduction de 50% de consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici à 2031. Une série de décrets sont parus début 2022 pour préciser les modalités d’application de la nouvelle législation ainsi que son calendrier opérationnel. Toutefois, depuis début août, les contestations sur le ZAN n’ont cessé de s’enchaîner, jusqu’à remettre en question parfois l’objectif de la loi. Le 4 août dernier, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu envoyait une circulaire aux préfets leur demandant de ne pas anticiper les échéances de la loi, pour s’assurer d’une bonne coordination entre les différents territoires (actuellement en concertation). De nombreuses organisations se sont alors mobilisées pour dénoncer un abandon par le gouvernement des objectifs initiaux de la loi. Le Ministre est depuis revenu sur cette circulaire, précisant qu’elle ne remet aucunement ni l’esprit de la loi ni ses objectifs.
Des améliorations en cours
Certaines dispositions pourraient toutefois être revues pour répondre aux nombreuses critiques qui ont été avancées depuis la publication de la loi et des décrets. La première concerne la complexité et le caractère binaire de la nomenclature d’occupation des sols qui a été présentée en avril 2022. Elle classe effectivement des espaces comme des jardins privés comme artificialisés, au même titre qu’un parking imperméabilisé, perdant ici toute la notion de « fonctionnalités écologiques des sols » qui avait été l’esprit de la loi. Après de nombreuses critiques, la nomenclature pourrait faire l’objet de certains ajustements dans les mois à venir. Elle sera la base de l’objectif ZAN à partir de 2031. Par ailleurs, la méthode de calcul qui sera appliquée jusqu’en 2031, présentée elle aussi dans le décret, repose sur une logique de consommation foncière (consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers). Elle ne reprend pas le principe « comptable » de la zéro artificialisation nette, et les démarches de restauration d’écosystèmes ne pourront donc pas y être valorisées, ce qui risque de décourager certains acteurs à les mettre en place, ou en tous cas les pousser à les différer dans le temps. Alerté sur ces limites, le gouvernement pourrait également réintégrer ces actions dans la loi. Cela s’inscrirait notamment en cohérence avec le contexte européen, notamment la loi pour la restauration de la nature soumise à consultation le 22 juin dernier, qui vise l’accroissement des espaces végétalisés en milieu urbain de 3% d’ici à 2040 et 5% d’ici à 2050.
Des objectifs qui restent aujourd’hui difficilement applicables pour les collectivités
Avant toute critique, c’est aujourd’hui surtout le manque d’outils mis à disposition des collectivités qui est dénoncé. De nombreuses collectivités n’ont en effet pas les moyens financiers de répondre aux obligations de mesure ou de suivi du ZAN sur leur territoire, ni les moyens humains et les compétences en interne. Selon une étude de Intercommunalités de France parue récemment, 56% des intercommunalités interrogées considèrent la ZAN comme un frein au développement économique de leur territoire (jusqu’à 68% sur les répondants « élus »). Lors d’une table-ronde organisée par la commission des affaires économiques du Sénat sur le déploiement des objectifs ZAN en juillet dernier, les associations d’élus (AMF, AMRF, AdCF et France Urbaine) déploraient l’inscription dans la loi d’un objectif qui manquait de préparation, et demandaient davantage d’aide financière, notamment pour les plus petites communes.
Après une entrée fracassante dans le texte de la Loi Climat et Résilience, l’objectif Zéro Artificialisation Nette n’arrêtera pas de faire parler de lui. Selon les dernières communications officielles, plusieurs décrets d’application pourraient être revus prochainement. La prochaine échéance arrive dans quelques semaines : les conférences des SCoT (Schéma de Cohérence Territoriaux) doivent remettre leurs recommandations aux régions d’ici au 22 octobre prochain.
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