« Nouvelles mobilités, à quoi ressemblera la ville de demain » : retour sur la conférence du 26 septembre 2018

 
Dans le cadre du cycle Immobilier & Prospectives, l’OID et le Plan Bâtiment Durable ont abordé les évolutions du secteur immobilier liées aux problématiques des nouvelles mobilités. Dominique Desjeux, Professeur émérite d’anthropologie sociale et culturelleParis V Sorbonne, a apporté son témoignage, suivi d’une table-ronde réunissant Lucas Quinonero, FondateurMobeelity, et Frédéric Malefant, Mobility Service Projects Manager – Renault. La conférence a été introduite par Xavier Pelton, Directeur du Département Investissements, Arbitrages & Asset ManagementAG2R LA MONDIALE et animée par Gérard Degli-Esposti, PrésidentOID.
 
A Paris, 50% de l’espace public est dédié aux voitures, alors que celles-ci ne représentent que 13% des déplacements dans la capitale. Parallèlement, en Île-de-France, l’occupation moyenne d’un véhicule pour les déplacements pendulaires (les déplacements domicile-travail) est de 1,1 à 1,2 personnes par voiture. Un taux d’occupation moyen de 1,7 personnes par véhicule permettrait de réduire considérablement les problèmes de congestion dans la région. En outre, la pollution de l’air représenterait près de 40 000 décès par an en France.
Ces différentes problématiques nous amènent à remettre en cause les modes de transport actuels et à imaginer un réagencement des territoires. La mobilité se situe en effet au cœur des politiques urbaines et des tourments actuels des transformations de modes de vie, de modes de déplacements et de modes de pensée.
 

La mobilité, un concept ambivalent au cœur des politiques urbaines, nationales et globales

Pour Dominique Desjeux, la compréhension de la ville de demain passe avant tout par l’observation. La mobilité représente la circulation physique et numérique des biens et services, des capitaux, des informations et des personnes. La diversité est inhérente à la notion de mobilité, recouvrant les champs de diversité d’usages et des modes de transports.
La mobilité est un élément-clé de la géopolitique, conditionnée par le tourisme, le commerce et les tensions internationales. Elle est fortement reliée à l’histoire mais participe dans le même temps à la fabrication de l’histoire. Ainsi, par exemple les migrations liées aux conflits religieux, politiques ou climatiques sont des illustrations de la mobilité des personnes, mais elles n’ont été rendues possibles que grâce au développement des mobilités et des modes de transport.
Les grandes révolutions énergétiques sont également au cœur des transformations de la mobilité. Cette dernière se reposait tout d’abord sur les énergies humaine et animale qui conditionnaient tous déplacements (mobilité en agriculture, mobilité des biens et des personnes). Au 18ème siècle, le charbon a fait son apparition, poussé par la tension entre les ressources disponibles et la démographie, et a ainsi transformé la mobilité. Plus tard, avec l’extraction des sources d’énergie fossiles, une autre révolution des mobilités a vu le jour. A partir de 2000, on a assisté à un retour des bioénergies sous une forme moderne, à travers le vélo, la trottinette, la voiture électrique, la voiture sans conducteur et les transports collectifs, ce qui a contribué à l’émergence d’une nouvelle ville. Pour s’adapter à ce changement, les villes enlèvent de la place aux voitures et replacent les vélos et autres mobilités durables au centre de la ville. On voit petit à petit les trottoirs et voies de mobilités douces s’agrandir alors que les espaces dédiés aux voitures sont limités.
Mais le changement de mobilités urbaines est également une chance pour la démocratie participative, car elle replace le citoyen au cœur de cette dynamique. Les nouvelles mobilités sont donc sources de changement des modes de vie et d’énergie, mais sont aussi les conséquences de ces changements.
 

Comment de grands acteurs de la mobilité comme les constructeurs peuvent-ils s’insérer dans cette dynamique de transformation des mobilités ?

Le groupe Renault a vu revenir les mobilités douces à l’ordre du jour et a développé une offre conséquente de véhicules électriques adaptés aux nouveaux enjeux, comme l’a illustré Frédéric Malefant. L’objectif de ces innovations n’est pas seulement de réduire l’empreinte carbone de la mobilité, mais également d’élaborer des solutions d’indépendance énergétique. De même, les tendances observées actuellement ne sont plus la propriété d’un véhicule, mais la location et le partage pour favoriser l’optimisation de l’espace urbain et la densification des passagers par véhicule. La transformation de l’écosystème des transports implique pour les gros groupes de constructeurs automobiles de travailler avec d’autres grandes entreprises mais également des start-ups afin de prendre en compte toutes les problématiques locales et globales, car il ne s’agit plus uniquement de solutions de transports mais de solutions aux nouveaux modes de vie. Les véhicules électriques pourraient également transformer notre vision de la mobilité, passant de véhicules dont on remplit le réservoir à des sources d’échanges électriques via leurs batteries. Celles-ci ont des coûts qui baissent continuellement, grâce au recyclage et à l’optimisation des usages de ces batteries. Le groupe Renault a ainsi mis en place un projet de recherche dans le bâtiment Ampère e+, siège social de SOGEPROM, pour employer les batteries usagées des véhicules électriques pour stocker l’électricité dans les bâtiments et le libérer suivant les besoins.
 

La multimodalité au cœur des aménagements de la ville de demain

Partant du constat que de moins en moins de jeunes passent leur permis de conduire car ils se tournent plus que leurs aînés vers les transports en commun et les nouveaux usages de la mobilité, la start-up Mobeelity a développé une application pour que les particuliers et les entreprises s’y retrouvent dans la jungle de la mobilité. Lucas Quinonero a ainsi partagé sa vision de la multimodalité. Les modes d’utilisation des transports varient énormément suivant le lieu, le moment et la raison des déplacements. L’application propose donc à l’utilisateur un large panel d’options de modes de transport, s’adaptant aux particularités du moment (météo, embouteillages, problématiques locales etc.). Mobeelity travaille également avec les entreprises pour les accompagner vers des plans de mobilités, grâce à l’analyse des données de mobilité des collaborateurs. Les mobilités sont donc, via le numérique notamment, un levier de transformation de l’adaptabilité de la ville et des moyens de transports associé aux problématiques urbaines de la mobilité (embouteillages, handicaps, travaux, etc.).
 
 
La mobilité comme déplacement apparaît comme un phénomène naturel et existant depuis toujours. Ses formes, la distance ou l’intensité de la mobilité ont quant à elles évoluées, montrant bien que la mobilité se trouve au cœur des transformations sociales, sociétales et environnementales de chaque époque. Grâce à tout ce qu’elle implique, l’évolution actuelle des mobilités transformera donc de manière profonde les villes futures. En outre, le confort ne sera probablement pas en reste des évolutions de la mobilité ; le développement des véhicules autonomes ouvrant une nouvelle fenêtre d’opportunités.
 
 
Depuis 2014, le cycle de conférences « Immobilier & Prospectives », organisé par le Plan Bâtiment Durable et l’Observatoire de l’Immobilier Durable, accueille des personnalités françaises sur des sujets de société et d’immobilier : Philippe Moati à propos de la nouvelle révolution commerciale, Nicolas Bouzou sur les mutations de l’immobilier tertiaire, Jean Viard expert sur les nouveaux modes de travail, Jean Jouzel sur les suites de la COP 21, Pierre Radanne sur l’acceptabilité sociale de la transition écologique, Alexandre Jost à propos du bonheur au travail, Philippe Clergeau sur la biodiversité urbaine, et Xavier Lépine à propos du rapport des Millenials à l’immobilier.

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