La performance des activités immobilières sur l’économie circulaire et la biodiversité bientôt encadrée par la Taxinomie européenne

Si la Taxinomie européenne a déjà adopté une version définitive des critères de durabilité pour les objectifs climatiques en avril 2021, la Plateforme pour la Finance Durable a dévoilé cet été une première ébauche de ceux susceptibles d’être retenus pour les autres objectifs environnementaux.

 

Depuis fin 2020, les entreprises et acteurs des marchés financiers se mobilisent pour anticiper au mieux ce qui devrait devenir un cadre majeur en matière de performance extra-financière : la Taxinomie européenne. Ce règlement européen est au cœur du Plan d’action de la Commission Européenne pour financer la croissance verte. Il s’agit de l’élaboration d’un référentiel commun permettant de déterminer sous quelles conditions une activité économique, telle que la production d’énergie éolienne ou bien la construction de nouveaux bâtiments, peut être exercée de manière durable. Pour ce faire, la Commission adoptera plusieurs actes délégués définissant des critères de durabilité techniques permettant d’encadrer ces activités économiques. Si les premiers critères pour les objectifs climatiques d’atténuation et d’adaptation ont déjà été publiés le 21 avril 2021, une première version des critères de durabilité pour les autres objectifs environnementaux a été publiée le 3 août 2021. Celle-ci couvre notamment les objectifs de gestion durable des ressources en eau, d’économie circulaire, de prévention de la pollution et de préservation de la biodiversité. Ces critères permettront aux entreprises et aux acteurs financiers de calculer puis publier la part verte de leurs activités, selon des méthodologies formalisées dans l’Acte délégué à l’article 8, qui a été publié le 6 juillet 2021.

 

Le projet d’acte délégué aux objectifs environnementaux

Long d’à peine moins de mille pages, le document a été rendu disponible par le Technical Working Group (TWG) de la Plateforme pour la finance durable, l’antenne de la Commission Européenne en charge de développer un cadre économique et financier pour une croissance verte. La fin de la semaine passée a signé la clôture pour la première phase de consultation (du 3 août au 24 septembre) sur les critères de durabilité pour les objectifs environnementaux qui n’étaient pas encore couverts. L’ensemble des contributions qui y ont été apportées sera étudié par la Plateforme pour la finance durable, pour une soumission à la Commission fin 2021. Ce processus respecte celui qui avait déjà été suivi lors de l’élaboration des critères de durabilité relatifs aux objectifs climatiques de la taxinomie, et devrait aboutir à une version définitive des critères au premier semestre 2022.

 

Les critères pour la filière bâtiment

Pour le secteur du bâtiment et de l’immobilier, déjà concerné par les critères climatiques, ce sont quatre nouvelles activités qui peuvent contribuer de manière significative à deux des objectifs environnementaux : la Construction de nouveaux bâtiments et rénovations majeures, et la Démolition de bâtiments pour l’économie circulaire, et la Construction de nouveaux bâtiments et rénovations majeures ainsi que l’Acquisition et propriété de bâtiments pour la biodiversité.

Les critères de contribution à l’économie circulaire, OID 2021

Selon certains promoteurs, l’objectif de 90% des déchets recyclés ou réutilisés ne représente pas un défi particulièrement élevé, déjà sensibilisés du fait d’une réglementation française stricte en la matière. Toutefois, la méthodologie, notamment le traitement des déchets suivant leur masse en tonnage, ne suit pas les pratiques de la filière davantage habituée à traiter la problématique en volume. L’utilisation d’au minimum 30% des matériaux issus du réemploi ou recyclés représente également un défi. Des enjeux d’approvisionnement se posent en effet dans cette filière qui doit encore être structurée, malgré des initiatives sectorielles. Le recours au biosourcé et la notion de circuit court sont également absents des critères.

Les critères de contribution à la biodiversité, OID 2021

En matière de contribution à la biodiversité, la stratégie de la Plateforme qui consiste à s’appuyer sur des critères quantitatifs questionne, en particulier dans la partie « Acquisition et propriété ». En effet, cela exclut d’office certains bâtiments pour lesquels une végétalisation est impossible, bien qu’ils puissent représenter un enjeu fort pour la biodiversité en étant localisés au milieu d’un corridor écologique. De la même manière, le développement massif des ruches en région parisienne et les dégâts écologiques que cela a créé sur les autres insectes pollinisateurs a démontré encore une fois la complexité du vivant, pour lequel une approche au cas par cas reste souvent la plus adaptée. L’obligation de faire appel à un écologue pour la mise en place d’un plan de gestion doit donc représenter le point fort de la contribution à la biodiversité.

La gestion de l’eau, notamment des eaux pluviales, semble manquer à l’appel dans cette première version des critères. En effet, et les évènements tragiques de cet été l’ont démontré en Europe et ailleurs, l’imperméabilisation massive des sols accroit significativement les risques d’inondations en renforçant le ruissellement. La prise en compte de cet enjeu dès la phase de conception du bâtiment, avec un objectif de gestion des eaux pluviales à la parcelle, semble être un élément essentiel pourtant mis de côté dans cette version de la Taxinomie.

 

La Taxinomie est au cœur de la stratégie de l’Union Européenne pour financer une croissance durable. Le secteur de l’immobilier est déjà régulièrement confronté aux contraintes liées aux enjeux climatiques, notamment aux enjeux de consommations énergétiques et d’émissions de gaz à effet de serre, pour lesquels les critères ont déjà été publiés début 2021. En permettant aux acteurs de contribuer aux autres objectifs environnementaux, la Commission européenne appelle la filière à se saisir de ces enjeux pour lesquels l’impact des activités immobilières est significatif. Le travail  pour assurer une bonne applicabilité ces nouveaux critères reste aujourd’hui à réaliser par les instances européennes d’ici début 2022.

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