CSRD : la normalisation des rapports extra-financiers s’accélère

La Corporate Sustainability Reporting Directive dite CSRD est la future règlementation qui définira le contenu des reportings extra-financiers pour les entreprises présentes sur le sol européen. Sa mise en œuvre entraînera des transformations majeures : le périmètre des entreprises soumises s’élargit considérablement, tandis que le contenu s’harmonise. Jusqu‘au 7 juillet, le Règlement délégué précisant l’application de la CSRD ainsi que ses trois annexes étaient en consultation pour l’ensemble de la communauté européenne. Quelles évolutions sont apportées par cette version ? Quels seront les impacts de la CSRD pour le secteur immobilier ?

 

Quels changements ont été apportés aux standards depuis la version de novembre 2022 ?

Adoptée le 10 novembre 2022, la Corporate Sustainability Reporting Directive dite CSRD est la future règlementation européenne concernant la publication annuelle d’informations extra-financières. Les exigences sont précisées via des standards de reporting. Plusieurs versions en ont déjà été publiées : une en avril 2022, une seconde en novembre 2022, et enfin une version en juin 2023, récemment en consultation. Une version définitive doit être adoptée d’ici la fin de l’été. Quelles évolutions peut-on observer entre la version de novembre 2022 et celle de juin 2023 ?

La principale évolution réside dans le fait que tous les standards, et donc toutes les exigences de divulgation, sont soumis à une analyse de matérialité préalable. Seuls les enjeux matériels, c’est—à-dire pour lesquels au moins un risque, une opportunité ou un impact est significatif pour l’entreprise, feront l’objet de divulgations. De plus, une entreprise n’est plus contrainte d’expliquer pourquoi elle juge qu’un enjeu n’est pas matériel. Toutefois, il est possible que les standards sectoriels, une fois qu’ils seront adoptés, définissent les enjeux obligatoires pour chaque secteur d’activité.

La deuxième évolution est l’introduction d’une approche échelonnée (dit phase-in) pour certaines exigences de divulgation. Toutes les entreprises pourront omettre lors de leur première année de reporting les informations liées aux effets financiers anticipés pour les enjeux environnementaux non climatiques ainsi que certains indicateurs liés à l’ESRS S1 Travailleurs de la société (ceux liés à la protection sociale, aux salariés en situation de handicap, etc.). Des délais supplémentaires sont accordés aux entreprises ou aux groupes qui ne dépassent pas 750 salariés pour les informations suivantes :

  • Pour la première année de reporting, ne sont pas exigés le scope 3 du bilan carbone ainsi que toutes les exigences contenues dans le standard ESRS S1 Salariés ;
  • Pour les deux premières années de reporting, les entreprises peuvent omettre toutes les exigences de divulgation liées au standard ESRS E4 Biodiversité ainsi que celles des trois autres ESRS sociaux, soit les standards sur les travailleurs de la chaîne de valeur (ESRS S2), les communautés affectées (ESRS S3) ainsi que les consommateurs et utilisateurs finaux (ESRS S4).

Enfin, certaines exigences de divulgation sont rendues volontaires, comme les plans de transition en biodiversité ou certains indicateurs liés aux travailleurs non-salariés. L’exigence rendue volontaire la plus impactante reste l’explication de la non-matérialité d’un enjeu.

 

Que demande la CSRD aujourd’hui ?

La CSRD remplace la directive NFRD (pour Non Financial Reporting Directive) qui encadre aujourd’hui ces mêmes reportings extra-financiers. Ce nouveau texte concernera plus d’entreprises que le régime de la NFRD. Actuellement environ 10 000 entreprises sont concernées par la production d’une déclaration de performance extra-financière à l’échelle européenne. Ce nombre sera progressivement réhaussé et, à terme, plus de 50 000 entreprises seront soumises à la CSRD.

En outre, la CSRD vise une normalisation des reportings extra-financiers afin d’améliorer la comparabilité entre les entreprises. Celle-ci sera renforcée par un format numérique commun, permettant l’automatisation du traitement et de l’analyse des données, à l’instar des données financières. Un format uniformisé sera requis pour chaque divulgation, basé sur des exigences tant qualitatives que quantitatives.

Pour favoriser l’émergence d’un langage commun autour de la durabilité, le Règlement délégué de la CSRD, récemment en consultation, inclut en Annexe les standards de reporting dit ESRS pour European Sustainability Reporting Standards. Ces standards ESRS sont divisés en plusieurs catégories :

  • Les standards agnostiques ou trans-sectoriel, comprenant les standards cross-cutting ou généraux, donnant les définitions clés et précisant toutes les autres catégories de standards (ESRS 1 et ESRS 2) et les standards thématiques (ou topical) (environnementaux, sociaux et de gouvernance)
  • Les standards sectoriels, déclinant les enjeux ESG pour chaque secteur d’activité. Les standards sectoriels pour l’immobilier, soit Construction & ingénierie et Immobilier & Services, sont attendu pour 2024.

Dans le cas où les exigences règlementaires ne permettent pas de couvrir tous les risques, impacts ou opportunités identifiés par l’entreprise, celle-ci peut compléter sa déclaration de durabilité avec des informations propres à son entité (dites entity-specific).

 

Chaque standard thématique contient des Disclosure Requirements, soit des Exigences de Divulgations (parfois abréviées DR). Ces exigences de divulgation sont composées de plusieurs Datapoints ou points de données, qui peuvent être des indicateurs quantitatifs comme des informations narratives qualitatives.

L’analyse de matérialité permet de déterminer quels enjeux sont matériels pour l’entreprise, et donc quelles exigences de divulgation et quels Datapoints doivent être couverts. Tous les enjeux (environnementaux, sociaux et de gouvernance) sont soumis à l’analyse de matérialité. Pour cela, l’entreprise doit analyser les risques, opportunités et impacts associés à chaque enjeu, en les classant avec un système de notation. Ce travail aboutit à une hiérarchisation, mettant en valeur les sujets à traiter en priorité.

La directive CSRD recommande fortement d’impliquer les parties prenantes affectées : internes (salariés, organes de gouvernance, etc) et externes (prestataires, clients, communautés affectées, soit l’ensemble de la chaîne de valeur en amont et en aval). La CSRD élargit le concept des parties prenantes externes, en intégrant une nouvelle catégorie : les parties prenantes silencieuses, comme l’Ecosystème local par exemple. Ces dernières peuvent être représentées par des experts ou une revue de la littérature scientifique lors de l’analyse de matérialité.

 

L’OID a répondu à la consultation publique pour l’adoption du règlement délégué précisant l’application de la CSRD, contenant en annexe les projets de standards agnostiques généraux et thématiques. Notre réponse complète est consultable sur le site de la Commission européenne. Deux points majeurs sont à souligner. La justification de la non-matérialité d’un enjeu semble indispensable, sur le modèle du principe « comply or explain » largement utilisé dans le règlement SFDR pour les acteurs financiers. De plus, et compte tenu de la gravité et de l’urgence absolue de la crise climatique, la norme ESRS E1 sur le changement climatique doit être exempte d’analyse de matérialité. L’érosion de la biodiversité et des services écosystémiques associés, également critique, exige que l’ESRS E4 sur la biodiversité ne fasse pas non plus l’objet d’une analyse de matérialité.

L’OID a pour vocation d’accompagner la transition écologique du secteur immobilier, et vise à guider les acteurs dans la compréhension et l’application de la directive CSRD.  Pour cela, un premier décryptage de la directive CSRD sera publié prochainement sur notre centre de ressources.

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