La loi AGEC[1] a été publiée le 10 février 2020, pour une entrée en vigueur des mesures progressives de 2020 à 2023 sur l’ensemble des activités économiques en France. Deux dispositions principales vont impacter le secteur du bâtiment.
L’obligation de mener un diagnostic Produits-Matériaux-Déchets (PMD) pour les rénovations lourdes dès janvier 2022, puis, la mise en place d’une filière de Responsabilité Élargie Producteur (REP) pour les déchets du bâtiment. Cette REP devait entrer en vigueur au 1er janvier 2022 mais l’État a finalement décidé son report à une date ultérieure : dès qu’un éco-organisme aura été agréé, et au plus tard au 1er janvier 2023.
Le diagnostic ressources pour mieux maîtriser les données sur les déchets
Depuis 2012, seuls les bâtiments démolis (ou déconstruits) de plus de 1000 m² ou ayant accueilli des activités polluantes étaient soumis au diagnostic déchets règlementaire. La loi AGEC fait évoluer le rapport vers un diagnostic produits-matériaux-déchets (PMD) qui sera applicable aux déconstructions mais aussi aux rénovations dont le coût de travaux est supérieur à 25% de la valeur vénale du bien. Ce diagnostic devra être réalisé en amont des demandes administratives telles que les demandes de permis de construire par exemple.
Le diagnostic PMD fournit les informations nécessaires sur les produits, les matériaux et les déchets afin de donner la priorité à leur réutilisation ou, si cela n’est pas possible, à leur recyclage, en indiquant les voies de recyclage recommandées et en recommandant des analyses complémentaires pour garantir la réutilisation de ces produits et matériaux. Il fournit des orientations pour assurer la traçabilité de ces produits, matériaux et déchets. Si la réutilisation ou la valorisation n’est pas possible, l’évaluation doit indiquer les filières d’élimination des déchets.
Cette « réemployabilité » est étudiée selon plusieurs facteurs. Tout d’abord, d’un point de vue technique, afin de s’assurer que la mise en œuvre et le démontage du chantier permettent de récupérer le matériau.
Puis, d’un point de vue économique, en vérifiant que la revente permette une opération a minima à coût neutre. Enfin, d’un point de vue temporel, en déterminant s’il peut y avoir un repreneur intéressé par ce matériau dans des délais compatibles avec le projet, ainsi que l’impact éventuel du démontage sur le planning de l’opération
Tous les produits et les matériaux de construction destinés aux particuliers ou aux professionnels sont concernés. Les matériaux, produits ou équipements biosourcés ou dirigés vers des filières de réemploi ne prennent pas le statut de déchets et ne seront donc pas soumis à ce diagnostic.
Ce diagnostic PMD va permettre aux acteurs de développer et maitriser l’analyse de leurs déchets afin de pouvoir gérer plus efficacement leur reprise par les éco-organismes.
La mise en place d’une filière Responsabilité Élargie Producteur pour organiser la reprise des déchets
Le principe de cette REP est que les producteurs de matériaux (fabricants, distributeurs ou importateurs) prennent en charge la gestion des futurs déchets issus de leurs produits. La reprise de ces déchets dans les points de collecte ne sera gratuite qu’à la condition que les déchets soient triés selon un tri 7 flux (métal, plastique, verre, bois, fraction minérale, plâtre et papier) et que le tri respecte le cahier des charges établi par la structure de collecte pour faciliter le recyclage.
Elle s’inscrit dans le principe « pollueur-payeur », c’est-à-dire que celui qui fabrique un produit doit financer, donc anticiper sa fin de vie. Dans le secteur de la construction, cela signifie que les producteurs de produits et matériaux de construction devront s’organiser en filières afin d’assurer notamment la reprise gratuite des déchets triés par le futur utilisateur. C’est donc un nouvel écosystème d’acteurs qui doit se créer et se structurer afin de pouvoir enclencher le soutien financier au plus tard le 1er janvier 2023.
Le maillage des points de reprise des déchets est élaboré en tenant compte des plans de prévention et de gestion des déchets ou des schémas régionaux d’aménagement et de développement durable des territoires. La distance maximale entre le lieu de production et le lieu de reprise des déchets est fixée en moyenne à 10 km et peut-être portée à 20 km dans les zones d’emploi où la densité d’habitants et/ou d’entreprises du bâtiment est faible.
Tous les acteurs de la filière devront remplir un registre des déchets qui rassemble des informations sur tous les déchets produits par l’entreprise : déchets de construction et déchets de bureau. Ce registre est accompagné d’une fiche de dépôt (bordereau) que la structure de collecte doit remettre à l’entreprise de construction qui vient déposer ses déchets inertes et non dangereux.
Par ailleurs, chaque devis de rénovation, de construction ou de démolition devra mentionner une estimation de la quantité de déchets générés par l’entreprise pendant toute la durée des travaux et les coûts associés à leur gestion, les modalités de cette gestion et les exutoires possibles.
Au sein de cette REP les produits et matériaux sont classés en deux catégories principales. Les matériaux constitués majoritairement de minéraux (béton par exemple), et ceux qui ne le sont pas (bois, plastique, laines, textiles, plâtre). La filière couvre également les produits et matériaux dont la mise sur le marché a été interdite avant le 1er janvier 2022 (amiante notamment).
En résumé, dès la création d’un éco-organisme agréé, les acteurs du bâtiment devront élaborer un plan d’action de prévention et d’éco-conception tous les 5 ans, verser des cotisations aux éco-organismes agréés par l’État pour bénéficier gratuitement des collectes de déchets, soutenir les réseaux de réemploi, de réutilisation et de réparation.
Publiée sur le fil au journal officiel le 31 décembre 2021, la Responsabilité Élargie Producteur appliquée au bâtiment prendra effet dès qu’un premier éco-organisme sera créé et agréé. Les premiers organismes agréés sont attendus pour les premiers mois de 2022. Bien que les acteurs du secteur émettent des réserves sur le délai qu’ils ont pour se préparer à la mise en place concrète de cette REP, l’État délivre donc un message clair à la filière : les acteurs vont devoir accélérer leurs travaux et procéder à l’analyse de leurs déchets tout en se préparant à de nouvelles organisations sur les chantiers.
[1] Loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire