A l’occasion d’un voyage d’étude à Brest, les membres et partenaires de l’Observatoire de l’Immobilier Durable ont pu approfondir les thématiques de rénovation, et de réappropriation des bâtiments, le long d’un parcours riche en rencontres et en découvertes. Retour sur les principaux enseignements de ce voyage.
Brest, une ville de transformation
Assiégée à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la ville de Brest a été lourdement bombardée. A la fin des combats, sur les 16 500 immeubles existant avant-guerre, seuls 200 étaient encore debout, dont quatre seulement dans le centre-ville. La ville a été reconstruite sur les vestiges de ces lourdes destructions, et structurée autour de l’axe formé par les rues de Siam et Jean Jaurès, qui relient la mer aux quartiers Europe et Saint-Marc, plus haut. Brest est donc une ville dont l’identité est marquée par ces thématiques de transformation et de réappropriation.
La dynamique de transformation insufflée à la fois par des initiatives privées et publiques, trouve dans ce patrimoine récent un environnement fertile, qui lui permet d’élargir le champ des possibles. La métropole de Brest joue notamment un rôle clef en imaginant et réalisant dans cette dynamique, en portant des projets ambitieux et originaux.
Laisser le temps aux usages spontanés, le cas des Capucins
De l’autre côté de la Penfeld, le fleuve côtier qui traverse la ville, se niche le quartier des Capucins. Surplombant la base navale, les ateliers des Capucins, ont été au cœur d’un projet de redynamisation du quartier, amorcé en 2005. Ces anciens ateliers industriels, qui accueillaient 1800 ouvriers à la fin du 19ème siècle ont été rétrocédés à la ville, qui y engage de grands travaux en 2012.
Quatre ans plus tard, le bâtiment rénové ouvre ses portes, il s’agit désormais d’un espace couvert de plus de 25 000 m², relié, d’un côté, au bas de la rue Siam par le téléphérique livré la même année, et donnant sur le plateau des Capucins et son nouveau quarter, de l’autre.
Pour permettre aux Brestois de se l’approprier pleinement, le bâtiment est livré en 2016 sans usages. Autre choix fort, il n’est pas régi par un quelconque règlement intérieur, afin de permettre aux utilisations spontanées de fleurir librement. Ce n’est qu’en fonction de ces appropriations par les habitants de la ville, que l’espace sera ensuite modulé et commencera à accueillir une médiathèque, un auditorium, quelques commerces choisis, tout en conservant un vaste espace libre qui accueille tous types d’usages, comme notamment l’impressionnante Place des Machines, de 10 000 m².
Cette méthode porte ses fruits ! Les Brestois se sont approprié les nouveaux ateliers des Capucins, qui accueillent désormais une foule d’usages paraissant cohabiter naturellement. Les habitants du quartier viennent travailler sur les tables de la Place des Machines, pendant qu’autour d’eux d’autres font du roller, du skate ou du vélo. A certains endroits on voit se dérouler cours de yoga, répétitions de danse, tandis que plus loin une partie de l’espace a été réservée à la programmation culturelle du site, sans que cela amène à bloquer entièrement les ateliers. Symbole de cette appropriation, la Fabrique citoyenne et poétique s’est installée au cœur du bâtiment ; c’est lieu de rencontres, de tables communes, et autres ateliers, pour accompagner l’évolution du quartier et de la ville.
Miser sur la continuité, l’ambition de la PAM et du Quartz
De retour dans le quartier de Siam, les locaux des Papeteries armoricaines (PAM), fermées en 2018, ont été rachetés par un collectif de Brestois, qui compte transformer les espaces pour en faire un tiers lieu dédié aux enjeux sociaux et environnementaux.
Riche en histoire et patrimoine, ce site abrite notamment une collection de près de 3 000 pierres lithographiques, qui sera intégrée au nouveau projet, puisque la future PAM accueillera le musée vivant de l’imprimerie brestoise. Ce projet permettra au bâtiment de conserver une continuité historique, et ainsi d’ouvrir aux Brestois un lieu avec une résonance familière.
Une continuité que l’on retrouve dans la volonté des porteurs de projets de garantir l’accueil de projets associatifs au cours des travaux, mais qui se traduit également géographiquement, puisque le lieu devra héberger commerces, artistes et artisans locaux. Une continuité préservée, enfin par une rénovation frugale, permettant rester en cohérence avec les ambitions sociétales et environnementales du projet.
Non loin de la PAM, les travaux du Quartz, la scène nationale de Brest, se poursuivent. Lancés en avril 2021, ils ont pour but de donner un nouveau souffle à cette enceinte culturelle. Les travaux du Quartz, sont présentés comme une mue, qui ne doit rien enlever à l’âme des lieux, ou à ses capacités d’accueil (1500 personnes), tout en apportant de nouvelles fonctionnalités et possibilités. Le Quartz doit notamment s’ouvrir sur la ville, grâce à un espace situé au rez-de-chaussée : l’agora du Quartz. On retrouve ici la même volonté : impliquer les habitants en misant sur une continuité géographique et historique, et leur donner les clés de la réappropriation des lieux.
Combiner les usages, et tabler sur la résilience, les cas du CNBB et du bâtiment Arkéa Aube
Le Conservatoire National Botanique de Brest, situé au cœur du Jardin botanique, a été conçu par l’architecte Philippe Madec de manière à maximiser la résilience du bâtiment tout en développant un bâtiment modulable capable de répondre à plusieurs besoins. La partie serre fait écho au thème du lieu. Dégagée, elle permet d’accueillir différents types d’évènements ou de réunion de grande ampleur. Cette partie n’est pas chauffée mais un système d’ouverture automatisée, permet, de réguler la température en été. L’autre partie, s’appuie sur une isolation paille, et un revêtement bois qui répond aux besoins spécifiques du conservatoire (salle réfrigérée, salle d’herbiers, laboratoire).
Non loin, la société Arkéa a, elle aussi, fait le choix de la résilience dans le cadre du réaménagement de ses locaux. Ancien centre logistique, le bâtiment Aube a été repensé afin d’accueillir de nouveaux usages. Ainsi l’étage du bâtiment a été rénové en espace de bureaux, et accueille désormais le département juridique. Ici aussi, on retrouve également une forme de continuité : le rez-de-chaussée conserve sa fonction logistique puisqu’on y imprime et traite le courrier de la société.
La résilience est un enjeu majeur pour le secteur de l’immobilier, de plus en plus fermement confronté au changement climatique et à l’effondrement de la biodiversité. Privilégier la rénovation de bâtiments, en réfléchissant soigneusement aux questions des usages qui en seront faits, au-delà de minimiser l’impact carbone des projets, permet également une meilleure réappropriation des lieux par les futurs occupants. Enfin, dernière leçon, et non des moindres, sur ces enjeux de rénovation, transformation et réappropriation, les usages pratiques et les réalités de terrains jouent un rôle fondamental et rien n’est plus parlant que de découvrir les bâtiments, leurs occupants et leur quotidien en allant sur le terrain.
Merci à : Camille Hurel (Arkéa REIM), Romain Roget (Atelier des Capucins), Cédric Peinturier (Brest Métropole), Bruno Filliard (Brest Métropole), Mikaël Greze (Brest Métropole), Yann Coat (Crédit Mutuel Arkéa), Gilles Ramage (Crédit Mutuel Arkéa), Pascal Frélau (Crédit Mutuel Arkéa), Pauline Dubois (Crédit Mutuel Arkéa), Anne-Claire Richardot (Delphis Association), Pascal Kerloc’h (GRDF), Réza Salami (Mairie de Brest), Marie Verrot (Nexity), Antoine Horellou (PAM).
Et un remerciement tout particulier à Steve Ho Koo Kine (Crédit Mutuel Arkéa) pour avoir conçu avec l’équipe de l’OID les contours de ce voyage !