Végétaliser les toitures : une tendance durable en plein essor

Longtemps pratique de niche, l’installation de toitures végétalisées fait progressivement son chemin pour recouvrir nos bâtiments. Avec l’entrée en vigueur prévue le 1er juillet 2023 des premières obligations de végétalisation pour certains projets de construction et de rénovation suite à la Loi Energie Climat, cette pratique devrait progressivement devenir incontournable. Une consultation publique est actuellement en cours jusqu’au 16 juin pour déterminer les caractéristiques minimales à atteindre des toitures végétalisées.

 

Un fort potentiel pour la végétalisation du bâti

Ces dernières années ont vu augmenter significativement le nombre de bâtiments équipés de toitures végétalisées en France, avec une croissance annuelle du marché de 16% entre 2016 et 2021. La pratique représenterait 1,6 million de m² posés par an, selon une étude de l’Adivet publiée récemment. Une bonne nouvelle car la végétalisation des bâtiments représente un levier essentiel dans le contexte de crise environnementale actuelle. Ces toitures constituent des refuges pour la biodiversité dans des environnements urbains souvent particulièrementcontraints, et contribuent notamment au prolongement des trames vertes urbaines. Des travaux de recherche récents établissent que les toitures végétalisées abritent quatre fois plus d’oiseaux, plus de sept fois plus d’arthropodes (insectes) et deux fois plus de gastéropodes (la familles des escargots) que les toitures classiques.

En outre, la végétalisation offre de nombreux avantages pour l’adaptation de nos sociétés au changement climatique, en réduisant la température en milieu urbain, en améliorant la qualité de l’air, en réduisant les besoins énergétiques des bâtiments qui possèdent une meilleure inertie thermique, en réduisant les risques de surengorgement des réseaux d’évacuation des eaux pluviales lors de fortes précipitations… Ces espaces deviennent aussi des lieux ressources pour les populations urbaines en quête de contact avec la « Nature ». La fréquentation d’espaces végétalisés contribue significativement au bien-être physique et mental des individus, en plus d’être des lieux de rencontre et de socialisation.

 

Des avancées encore nécessaires pour développer la pratique

La pratique reste tout de fois insuffisante aujourd’hui lorsqu’elle est rapportée à l’ensemble des projets immobiliers qui voient le jour annuellement en France. Insister sur les bienfaits à long terme de la végétalisation en toiture doit contribuer à développer le marché, notamment les gains économiques en matière d’économies d’énergie, mais aussi sur le prolongement de la durée de vie des dispositifs d’étanchéité du bâtiment, par exemple. Chez certains pays voisins, comme l’Allemagne, la surface sur bâti végétalisée dépasse ainsi les 8,3 millions de m² par an, poussée par des incitations de la part de collectivités territoriales notamment.

La pratique reste également marginale pour les projets de rénovation et de réhabilitation, qui représentent seulement 10% des opérations de végétalisation selon les chiffres de la même étude de l’Adivet. Si certains freins techniques existent, notamment en termes de structure porteuse, la végétalisation du parc existant reste un enjeu crucial pour la transition écologique des villes. Le taux de renouvellement du parc immobilier français est seulement de 1% par an. Si tous les bâtiments rénovés et construits sont végétalisés, il nous faudra encore 100 ans pour atteindre 100% des bâtiments végétalisés ! Le potentiel est pourtant important : sur le territoire parisien, l’APUR estimait déjà en 2013 que 80 hectares de toitures pourraient être végétalisés sans adaptations majeures (sur les 460ha de toitures plates comptabilisés).

 

Une réglementation de plus en plus ambitieuse, aussi pour les bâtiments existants

Face à ces enjeux, la réglementation qui encadre la profession immobilière se renforce aujourd’hui pour pousser les donneurs d’ordre publics et privés à végétaliser les bâtiments. Depuis la Loi Energie Climat de 2019, certains bâtiments de logistique ou commerciaux étaient soumis à une obligation de couvrir de végétation ou de panneaux photovoltaïques 30% de la surface de toiture (entrée en application au 1er juillet 2023). Cette obligation a été élargie par la Loi Climat et Résilience en 2021 et la Loi sur l’accélération des énergies renouvelables en 2023. Ainsi, tous les projets de construction ou de rénovation lourde de bâtiments commerciaux et industriels d’une emprise au sol supérieure à 500m², ainsi que les bâtiments tertiaires, publics, d’enseignement et hospitaliers d’une emprise au sol supérieure à 1000m², sont désormais concernés par cette obligation. Récemment, la Loi portant accélération des énergies renouvelables est venue renforcer ces exigences en prévoyant d’augmenter à 40% la surface de toiture d’ici 2026 et 50% à compter du 1er juillet 2027.

Une consultation publique est en cours jusqu’au 16 juin pour déterminer les caractéristiques de végétalisation des toitures ainsi que les critères d’exonération pour les projets de rénovation lourde (surcoût trop important, risque sécuritaire, impossibilité technique, etc.). Concernant les exigences de végétalisation, celles-ci définiront notamment l’épaisseur minimale de substrat, c’est-à-dire de terre, en toiture (8cm en rénovation et 10cm en construction neuve), le type de végétation (diversité d’espèces), l’obligation de proximité avec un point d’eau, ou encore un passage d’entretien a minima annuellement.

 

Dépasser le stricte minimum pour maximiser les co-bénéfices

L’augmentation de l’installation de toitures végétalisées devrait donc se prolonger les prochaines années, poussée par ces réglementations ambitieuses. Il reste toutefois vigilant de s’assurer de la bonne mise en place d’une toiture végétalisée, afin d’éviter tout écueil. Toutes les toitures ne sont pas susceptibles d’apporter le même niveau de bénéfices. Plus l’épaisseur de substrat est élevée, plus les avantages seront importants en matière d’accueil de biodiversité, de régulation thermique, d’isolation, de rétention des eaux pluviales, et plus encore. Les toitures extensives, c’est-à-dire qui ont une épaisseur de substrat inférieure à 12cm, et sont donc considérées comme moins ambitieuses, représentent aujourd’hui 85% du marché (Adivet). Face au développement de ces pratiques, de nombreux travaux scientifiques sont en cours pour déterminer l’impact réel de la végétalisation, mettant en avant notamment les gains économiques à long terme.

 

Face au défi environnemental actuel, revoir les pratiques pour développer de nouveaux modèles urbains est indispensable. La végétalisation des bâtiments, notamment existants, doit devenir un levier incontournable à l’heure où de nombreux acteurs engagent des actions lourdes de rénovation sur leurs bâtiments. Le cadre réglementaire ambitieux mis en place en France va dans cette direction, offrant de nouvelles opportunités pour créer des environnements urbains plus durables.

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