Taxonomie verte européenne : encore une semaine pour les acteurs de l’immobilier pour participer à la consultation publique

Alors que les acteurs de la finance structurent leurs stratégies d’investissement afin d’anticiper les crises environnementales, la taxonomie européenne doit permettre l’élaboration d’un langage commun entre les entreprises et les investisseurs autour de la définition d’un actif vert, à l’échelle européenne. Un Groupe d’experts techniques (TEG), mandaté en 2018 par la Commission Européenne, a émis en mars 2020 des recommandations quant aux critères qui caractériseraient un actif vert pour différents secteurs. Si certaines des recommandations ont été reprises par la Commission Européenne dans la version draft du règlement qui a été publiée en novembre 2020, d’autres changent complètement, avec des conséquences significatives.

 

Un référentiel européen pour plus de lisibilité

Ce règlement s’inscrit dans le Plan de financement de la Croissance Verte de la Commission Européenne, lancé en 2018. La Taxonomie Verte Européenne (TVE), en déterminant des critères techniques communs aux acteurs économiques et financiers européen, doit permettre de flécher les investissements financiers en direction des activités vertueuses pour l’environnement, sur la base de six enjeux environnementaux. Dès lors, un actif vert est un actif qui contribue significativement à l’un des six enjeux identifiés, qui ne nuit pas aux autres enjeux environnementaux, et qui respecte un certain nombre de normes sociales en matière de droit du travail et des Droits de l’Homme notamment. La Taxonomie doit être adoptée fin 2021 pour les enjeux d’atténuation du changement climatique et d’adaptation au changement climatique, et fin 2022 pour les enjeux de préservation des ressources en eau, de prévention de la pollution, d’économie circulaire ainsi que de préservation de la biodiversité. Alors que le Groupe d’experts techniques a publié des recommandations pour la Commission Européenne quant aux critères qui devraient être retenus pour les enjeux d’atténuation et d’adaptation au changement climatique en mars 2020, la version draft du règlement, publiée et soumise à consultation publique mi-novembre 2020 présente quelques différences.

 

L’immobilier et le bâtiment : toujours identifié comme secteur clé

Le secteur de l’immobilier et du bâtiment, du fait de l’ampleur de son impact sur les différents enjeux environnementaux identifiés, a été retenu parmi les secteurs d’activités identifiés dans le cadre de la Taxonomie Européenne, et décliné en sept activités, dont certaines nouvellement intégrées : la construction de nouveaux bâtiments ; la rénovation de bâtiments existants ; l’installation, la maintenance et la réparation d’équipements d’efficacité énergétique ; l’installation, la maintenance et la réparation de stations de recharges de véhicules électriques ; l’installation, la maintenance et la réparation de services de mesure et de contrôle de la performance énergétique des bâtiments ; l’installation, la maintenance et la réparation de technologies basées sur les énergies renouvelables ; l’acquisition et gestion de biens immobiliers. Pour chacune de ces activités, des critères spécifiques viennent déterminer dans quelle mesure elles peuvent être pratiquées de manière vertueuse pour l’environnement.

 

Un nouveau critère très ambitieux pour l’acquisition et la gestion des biens immobiliers

Dans la version la plus récente, deux exigences s’appliquent de manière distincte aux actifs immobiliers par rapport à l’enjeu Atténuation du changement climatique. Les bâtiments construits après 2021 doivent respecter le critère énoncé pour l’activité Construction de nouveaux bâtiments, c’est à dire avoir une consommation en énergie d’au moins 20% inférieure à celle fixée selon les normes NZEB en vigueur dans le pays, soit la RT2012 en France. L’entrée en vigueur de la RE2020, attendue pour l’été 2021, devrait remplacer ce critère et le rendre plus difficile à appliquer.

Pour les bâtiments construits avant 2021, le groupe d’experts techniques avait suggéré de fixer un seuil en valeur absolue basé sur le Top 15% du marché local en consommation d’énergie primaire, en tenant compte des différentes typologies de bâtiment. En juillet 2020, à partir de sa base de données, constituée d’un parc couvrant plus de 6,5 millions de m² d’actifs immobiliers sur le territoire français, l’OID avait estimé ce seuil à 247 kWh/m² pour le bureau. Toutefois, un nouveau critère a été retenu par la Commission Européenne dans le projet publié mi-novembre 2020 : les actifs verts doivent afficher un Diagnostic de Performance Energétique de classe A (DPE A). Pour le secteur du bureau, cela revient à se baser sur le seuil très ambitieux de consommations en énergie primaire à 50 kWh/m², ce qui correspondrait à 2% du marché de bureau d’après le Baromètre de la performance énergétique 2015 de l’OID.

 

Un seuil trop ambitieux ?

Le choix de la Commission Européenne de faire porter le critère sur le DPE répond à des problématiques politiques et techniques. Il est plus simple à mettre en œuvre car les Etats membres utilisent déjà ce dispositif. Toutefois, cela entraîne plusieurs problèmes et biais. En effet, les seuils de consommation énergétiques retenus dans le DPE sont propres à chaque Etat membre. Ainsi, si le DPE français est plutôt sévère pour la classe A, ce n’est pas forcément le cas de tous les pays. On risque alors de voir se mettre en place des stratégies d’investissement, pour la constitution de fonds verts notamment, qui fuiraient le parc immobilier français pour se diriger vers des pays où les seuils du DPE permettent d’inclure plus d’actifs immobiliers. En outre, ce seuil très ambitieux pourrait dissuader les acteurs de mettre en place des stratégies d’amélioration de leur portefeuille immobilier, dès lors que les mesures à entreprendre pour atteindre ces objectifs sont bien trop conséquentes par rapport à la valeur de l’actif. Enfin, une question de cohérence se pose entre les différents dispositifs français, notamment avec le dispositif éco-énergie tertiaire [anciennement décret tertiaire] qui vient fixer des objectifs de consommations énergétiques au secteur tertiaire en énergie finale tandis que le DPE se base sur les consommations d’énergie primaire. Le dispositif du DPE est actuellement en cours de révision dans le cadre de la loi ELAN, et si on peut présager que la comptabilité en énergie primaire se maintienne, des évolutions sur les méthodes de calcul sont attendues, et pourraient venir modifier les observations.

 

La Taxonomie verte européenne est une réelle opportunité pour les acteurs de l’immobilier qui souhaitent pouvoir attester de leur engagement dans la transition environnementale. Les critères techniques permettant de discriminer les actifs verts des autres actifs proposés dans la version draft du règlement final sont aujourd’hui disponibles et une consultation publique est ouverte jusqu’au 18 décembre pour les acteurs qui souhaitent faire des retours et des propositions.

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