Publication du rapport final sur la taxonomie européenne : quelles implications pour les acteurs de l’immobilier ?

Le 9 Mars 2020, le Groupe d’experts européens (TEG) missionné par la Commission Européenne publie son rapport final sur le projet de taxonomie européenne. La taxonomie, ou taxinomie, vise à créer un référentiel européen des pratiques environnementales destiné aux entreprises et aux investisseurs. Le but est ainsi d’avoir une définition commune des activités vertes, de lutter contre les diverses pratiques de Greenwashing et d’accroitre la lisibilité sur les marchés financiers. Les futures réglementations et labels en matière de finance verte s’appuieront sur cette réglementation, ce qui en fait une réglementation très attendue par les entreprises et les investisseurs.

Historique

En Mars 2018, la Commission européenne publie un Plan d’action de financement de la croissance verte, et missionne un groupe d’experts (TEG) sur le sujet. Les membres du Technical expert group on sustainable finance (TEG) ont donc procédé à une analyse technique en profondeur de 67 activités pour déterminer à quelles conditions elles apportent une « contribution significative à la lutte contre le changement climatique sans provoquer des dommages collatéraux », reclassées en 7 grands secteurs : agriculture & forêt, industrie, énergie, eau, transport, information et communication ainsi que l’immobilier. Le 9 Mars 2020, le TEG a remis à la Commission européenne le rapport technique final sur la taxonomie européenne.

L’UE prévoit de pouvoir inclure de nouvelles activités économiques dans la Taxonomie à l’avenir, par le biais d’une nouvelle Plateforme sur la Finance Durable. Celle-ci devrait être en place d’ici à la fin de 2020. Les premiers rapports de sociétés et informations aux investisseurs utilisant la Taxonomie sont attendus avant le 31 décembre 2021.

Qu’est-ce qui caractérise une activité verte selon la taxonomie européenne ?

Les six objectifs environnementaux de la taxonomie :

Afin d’être comptabilisées parmi les activités durables, les activités économiques sont analysées au prisme de quatre conditions :

  • Contribuer à au moins l’un des 6 objectifs environnementaux mentionnés ci-dessus ;
  • Ne causer de préjudice significatif à aucun des 5 objectifs environnementaux (Do No Significant Harm, DNSH) ; l’atténuation au changement climatique est exclue de cette obligation (l’émission de GES est commune à la plupart des activités) ;
  • Être exercées dans le respect de normes minimales en matière sociale ;
  • Répondre à des critères d’examen technique spécifiques.

Certains critères d’exclusion sont appliqués, notamment concernant les activités liées aux énergies fossiles.

La taxonomie pour les objectifs d’atténuation du changement climatique et d’adaptation au changement climatique devrait être établie pour la fin de 2020, afin qu’elle puisse être pleinement appliquée pour la fin de 2021. Pour les quatre autres objectifs, la taxonomie devrait être établie pour la fin de 2021 en vue de son application pour la fin de 2022.

Et l’immobilier dans tout ça ?

Au sein de l’Union Européenne, le bâtiment représente le secteur qui consomme le plus d’énergie, responsable d’environ 40 % de la consommation d’énergie et de 36 % des émissions de carbone d’après le TEG.

Face aux multiples difficultés rencontrées dans l’élaboration de critères techniques pour le secteur de l’immobilier, le TEG a décidé d’adopter d’abord une approche transitoire basée sur la décision initiale d’utiliser des mesures énergétiques, qui sera étendue pour inclure les émissions de GES dès que des données suffisantes seront disponibles pour ces dernières.

Cette phase transitoire doit déboucher sur de nouveaux seuils ainsi que de nouvelles pratiques à horizon moyen terme. Le TEG recommande ainsi de :

  • Définir des seuils en valeur absolue par typologie de bâtiment en se basant sur le top 15% du marché local, avec une diminution progressive de ces seuils au fil du temps, en cohérence avec la trajectoire de neutralité carbone de l’UE ;
  • Fixer des seuils pour les consommations d’énergie et les émissions de GES en phase d’utilisation et pour les matériaux de construction ;
  • S’appuyer de plus en plus sur des données réelles mesurées (compteurs etc.) ;
  • Intégrer les émissions de GES de scope 1, 2 et 3 sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment ;
  • Intégrer de nouveaux critères techniques de sélection pour les activités qui nuisent de manière significative aux objectifs environnementaux. Il s’agit de critères de la taxinomie dite « polluante » ou « brune », dans le but de valoriser les évolutions incrémentales.
  • Afin d’éviter les effets de Lock-in / effets-rebond, introduire une obligation de rénovation lors de l’acquisition de bâtiments ayant une longue durée de vie (afin d’assurer qu’ils seront rénovés selon les objectifs de performance énergétique).

Concernant l’atténuation au changement climatique, quatre activités ont été identifiées par le TEG pour le secteur de l’immobilier : la construction de nouveaux bâtiments, la rénovation de bâtiments existants, les mesures de rénovation individuelles et les services professionnels, et enfin l’acquisition/gestion de bâtiments. Trois types d’activités ont été identifiées comme contribuant de manière substantielle à l’atténuation du changement climatique : les activité bas carbone (déjà compatibles avec l’objectif zéro émissions nettes d’ici 2050), les activités en transition (qui contribuent à la transition vers une économie neutre en carbone mais n’ont pas encore atteint l’objectif zéro émission nette de CO2 d’ici 2050), et les activités facilitant la transition (permettant le développement des activités ci-dessus).

Elles doivent toutes les quatre contribuer à l’atténuation du changement climatique et n’infliger de dégâts significatifs à aucun autre objectif (DNSH). Comme pour les autres secteurs, seuls les bâtiments exerçant des activités liées à l’exploitation de combustibles fossiles sont exclus.

Le rapport final du TEG publié ce 9 Mars 2020 a permis de préciser les seuils et critères d’examen techniques spécifiques pour la contribution à l’objectif d’atténuation du changement climatique. Ainsi, le tableau suivant reprend les seuils relatifs aux activités immobilières :

Le TEG précise que « lorsque la neutralité carbone est déjà imposée par la réglementation (comme cela peut être le cas pour certains types de bâtiments dans certains États membres), la taxonomie ne devrait pas exiger de meilleures performances, car le carbone zéro peut être considéré comme suffisant (du côté des nouvelles constructions) pour permettre à l’ensemble du parc immobilier d’être climatiquement neutre d’ici 2050. »

En France, pour la construction de bâtiments, la nouvelle réglementation environnementale des bâtiments neufs RE2020 prévue pour l’automne 2020 prévoit l’obligation pour toute nouvelle construction de se conformer aux exigences BEPOS (Bâtiment à Energie Positive). Dans cette mesure, il semblerait que l’ensemble des nouvelles constructions françaises à partir de 2021 pourront être considérées comme « vertes » (si les autres critères garde-fous sont par ailleurs respectés).

 

Pour ce qui est de l’adaptation au changement climatique, le TEG a recensé 2 secteurs clés : la construction de nouveaux bâtiments, ainsi que la rénovation de bâtiments existants. Pour rappel, un bâtiment adapté au changement climatique est un bâtiment résilient face aux aléas (changement climatique, vague de chaleur etc.). Les critères de contribution substantielle ainsi que les enjeux environnementaux pouvant être concernés par le DNSH sont regroupés dans le tableau récapitulatif suivant :

Malgré les initiatives prometteuses de ce rapport, la Taxinomie soulève quelques points de discussion identifiés dans le Baromètre 2019 de l’immobilier responsable, parmi lesquels :

  • Le poids carbone dans le domaine de la construction ne sera abordé qu’une fois la base de données sur les émissions de GES enrichie. Cet aspect peut limiter l’action de certains acteurs de l’immobilier souhaitant avancer sur ce sujet.
  • La méthodologie de classification des activités décrites par la Taxinomie reste complexe et peut causer des confusions dans la mesure où l’on suppose que « une entreprise = un secteur ». Or, une majorité de grandes entreprises opèrent sur plusieurs secteurs.
  • Enfin, il peut être légitime de se demander si la France, de même que les autres pays européens, détiennent réellement les outils afin d’assurer le respect des normes attendues, notamment relativement à la résilience, l’eau ainsi que les déchets.
 
Merci à Cédric Nicard – Horizon AM pour la relecture de l’article.
 

Sources :

https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2019/12/18/sustainable-finance-eu-reaches-political-agreement-on-a-unified-eu-classification-system/ 

Ensemble des publications du TEG disponibles sur : https://ec.europa.eu/info/publications/sustainable-finance-teg-taxonomy_en

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