« Il s’agit de mettre l’intelligence humaine au centre d’un usage raisonné des ressources et des technologies » annonce Loïs Moulas, Directeur général de l’OID qui accueille cette conférence. Celle-ci a permis d’observer la résilience du secteur de l’immobilier face au changement climatique en s’appuyant sur nos travaux, les études menées par les étudiants sur le Low-Tech et les retours d’expérience de la Ville de Paris.
Animée par Loïs Moulas, Directeur Général de l’OID cette conférence a pour maître mot la « résilience » dont l’amélioration se base entre autres sur « la prévention, l’atténuation et l’adaptation ». En effet, le changement climatique induit des changements à tous les niveaux. Limiter les changements climatiques ne suffit plus, nous allons devoir nous y adapter. Dans le secteur de l’immobilier, les Low-Tech répondent à ces besoins d’atténuation du changement climatique et d’adaptation. C’est dans ce sens que vont les travaux menés par l’OID : la réflexion sur la résilience met en avant l’intersectionnalité des méthodes à privilégier.
Julie Roussel, cheffe de projet Adaptation au changement climatique à la Ville de Paris explique que face au changement climatique, la Ville de Paris a mis en place une stratégie d’adaptation articulée notamment autour de l’aménagement durable du territoire, de la capacité à appréhender et protéger les Parisiens des événements climatiques extrêmes à venir, de l’approvisionnement du territoire en énergie et enfin de l’accompagnement au changement vers de nouveaux mode de vie. Cette stratégie (2015) est désormais intégrée dans leur Plan Climat Air Energie qui doit permettre « d’adapter Paris aux effets du dérèglement climatique et à la raréfaction des ressources tout en la rendant plus attractive, plus agréable à vivre et plus résiliente ».
Sakina Pen Point cheffe de projets Adaptation au changement climatique à l’OID a ensuite présenté l’outil cartographique open-source Bat-ADAPT, mis en ligne le jour de la conférence, qui présente les risques liés au changement climatique en fonction de l’emplacement géographique, des caractéristiques du bâtiment et de l’horizon temporel choisi. Cet outil qui concatène information sur les aléas (vagues de chaleur, sécheresse, retrait/gonflement des argiles, inondations et submersions marines) et aide à l’adaptation, s’appuie sur les études présentées par le GIEC et sur les données d’instituts de recherche français. Il se veut accessible et entre dans la logique de vulgarisation nécessaire à la prise de conscience collective, car la compréhension des risques climatiques suivant les territoires est nécessaire afin de mettre en place des actions adaptatives.
Dans ce travail d’adaptation et suite aux recherches et publications de Philippe Bihouix, l’OID a dirigé des travaux en collaboration avec des étudiants de Sciences Po et de La Sorbonne sur la ville et les bâtiments tertiaires Low-Tech, disponible depuis le 28 avril sur Taloen, car l’adaptation passe aussi par la sobriété et des solutions limitant leur impact sur le changement climatique. Quel modèle de ville souhaitons-nous voir émerger ? Quelle place pour le citoyen et le travailleur du secteur tertiaire dans la ville Low-tech ? Telles ont été des questions au cœur de leur réflexion.
Violette de la Croix Etudiante à Sciences Po Paris indique que la ville Low-Tech doit être basée sur les comportements humains, les sens, les interactions, applicable à l’échelle du quartier et basée sur un principe de sobriété. Cette sobriété passe par la mutualisation de lieux, d’objets, le développement de secteurs prônant la réutilisation à défaut de la consommation. De plus, il s’agit d’entamer un « changement de paradigme » de certains secteurs de métiers en misant sur le développement de l’artisanat à défaut du marketing par exemple. Cette transformation qui inclue aussi le localisme au niveau alimentaire, une participation citoyenne, des pratiques plus solidaires, une reconnexion à la nature doit être accompagnée par l’éducation. En effet, l’enseignement supérieur doit évoluer dans la formation des ingénieurs, des acteurs du monde de demain afin qu’ils soient plus résilients et plus inscrits dans la démarche Low-tech. Aussi il est essentiel que l’humain soit reconnecté à la nature, plus sauvage.
Abigail Morgan Etudiante à la Sorbonne alerte sur la nécessité de penser autrement le secteur de l’immobilier dans un souci de résilience. Celui-ci génère des déchets, participe fortement à l’imperméabilisation des sols par leur artificialisation. Il s’agit non pas de penser la ville du futur comme ultra-connectée avec une demande accrue en métaux rares comme cela peut aujourd’hui être préconisé, mais de penser sobriété et d’orienter le développement de l’immobilier, notamment tertiaire dans ce sens. « La moitié de la consommation énergétique en France est liée au secteur du bâtiment », ce qui implique que la rénovation énergétique doit être la priorité. Enfin, le bâtiment Low-tech est « réhabilité, éco-construit, permettant une sobriété des usages, d’accessibilité et de réparabilité », c’est la raison pour laquelle tous les acteurs de la chaine de valeur immobilière doivent être sensibilisés aux enjeux pour accepter la démarche. Les innovations doivent ainsi intervenir des ressources humaines -par l’initiation des populations aux Low-tech- aux réseaux en passant par les équipements.
Infographie du bâtiment Low-tech (OID, 2020)
C’est en illustrant ce besoin que Nathalie Chazalette Directrice de Programmes Recherche et Développement et Architecte pour la Ville de Paris présente le projet de la Petite Fabrique d’Ivry-Levassor réalisée avec 100% d’isolation biosourcée et en chantier depuis octobre 2019. L’écoconstruction de ce bâtiment scolaire démonstrateur de 228 m² s’appuie d’une part sur une démarche collaborative avec les usagers et les entreprises d’insertion sociale et d’autre part sur des méthodes architecturales innovantes, alliant performance énergétique et faible coût carbone. A titre d’exemple, l’isolation performante permettant un confort en toute saison est rendue possible par l’utilisation de matériaux biosourcés, ces derniers ayant une « meilleure capacité de déphasage » que les matériaux conventionnels. Aussi, l’accent a été mis sur l’utilisation et le stockage des énergies naturelles rétrogradant la consommation d’énergie au second plan. C’est le principe même de la sobriété énergétique.
Isabelle Lardin Chargée de Mission en économie circulaire et étude de coûts pour la Ville de Paris démontre quant à elle que le réemploi des matériaux et équipements in situ, entrant et sortant est déjà possible par l’exemple de la réhabilitation de la Maison des Canaux. Grâce à une mutualisation entre les acteurs de l’immobilier parisien et « l’écosystème d’entreprises solidaires du grand Paris », c’est tout un process de ré-usage local qui se développe. Le double avantage résidant en la non-production de déchets d’une part et le non-besoin de matières premières d’autre part. Grâce à un travail d’ingénierie préalable, la majorité des matériaux et produits utilisés pour les travaux ont eu une 2nde vie et le taux de valorisation de matière est de 95%, le tout avec un bilan économique satisfaisant et une reproductibilité de l’opération dans le futur.
Ces initiatives montrent bien qu’un certain nombre d’initiatives Low-tech existent déjà mais qu’un changement de paradigme est nécessaire afin de généraliser ces pratiques pour une ville et un bâtiment Low-tech.
Cette première partie de conférence est disponible à ce lien.
L’outil Bat-ADAPT est disponible à ce lien.
La publication sur les traductions des Low-tech à l’échelle de la ville et du bâtiment de bureaux est disponible à ce lien.