Ressources et déchets du bâtiment : L’économie circulaire pour améliorer les pratiques de gestion des déchets.

Article rédigé par Noah Vicens


Le secteur du BTP représente 227 millions de tonnes de déchets annuels en France, soit plus des deux tiers du total français. Le bâtiment compte pour environ 46 millions de tonnes, dont la moitié est générée par les chantiers de démolition.

Dans ce contexte, la loi anti-gaspillage et pour l’économie circulaire (AGEC) du 10 février 2020 prévoit la mise en place dune filière de Responsabilité Elargie Producteur (REP) pour les déchets du bâtiment à compter du 1er janvier 2022. Cette disposition va permettre d’encadrer la gestion des déchets et d’améliorer la transparence sur la manière dont ils sont gérés et recyclés sur les chantiers. Les acteurs du secteur vont donc devoir apprendre à composer avec ce nouveau cadre.

Les déchets du bâtiment : état des lieux

Le monde du bâtiment produit des déchets aux différentes étapes de la vie d’un immeuble, qu’il s’agisse de sa construction, de sa rénovation ou encore de sa démolition :  plus de la moitié des déchets produits concerne les actions de démolition ! Selon les estimations données par la FFB, ces déchets se divisent en trois catégories. Les déchets inertes qui représentent les trois quarts du volume produit : ce sont ceux qui ne se décomposent pas, ne brûlent pas et ne produisent aucune réaction physique ou chimique dans l’espace et dans le temps (béton, gravats, tuiles, …). Les déchets non dangereux non inertes (bois non traité, plastiques, textiles…) en constituent 21%. Enfin, une petite proportion (3%) correspond à des déchets dangereux, nocifs pour la santé et/ou l’environnement.

Il est certain que ces différents types de déchets nécessitent une gestion différenciée par les acteurs. Actuellement, les déchets inertes sont en majorité envoyés en remblaiement de carrière ou des installations de recyclage. Les déchets non dangereux du bâtiment sont quant à eux valorisés à 25%, dont 15% de recyclage et 10% de valorisation énergétique : ce taux de valorisation peut donc être largement amélioré. Au total, 50% des déchets non dangereux du BTP sont non triés sur le chantier. Le besoin de cadrer et de prendre des mesures pour gérer cet afflux de déchets est donc bien réel.

Plus globalement, pour le secteur du bâtiment, ce sont plusieurs millions de tonnes de déchets qui continuent à aller en décharge chaque année.

Pire, concernant les dépôts sauvages, une étude réalisée par l’ADEME en 2020[1] montrait que les déchets du bâtiment, en particulier les déchets amiantés, étaient fréquemment présents dans ces dépôts. L’ADEME estime par ailleurs que le coût de la gestion de ces dépôts sauvages est de l’ordre de 400 M€/an pour les collectivités.

La REP élargie au bâtiment pour améliorer les pratiques de gestion de déchets

C’est notamment pour traiter cette problématique des déchets du bâtiment que la REP a été étendue au secteur du BTP lors de la publication de la loi AGEC du 10 février 2020. Les objectifs de cette loi consistent en la mise en place d’actions pour éviter les dépôts sauvages, ce qui passe par la densification du maillage des points de reprise et la reprise sans frais des déchets. Mais elle prévoit également le développement des filières de réemploi et de recyclage dans un secteur où les marges de progrès sont substantielles, la prise en charge de la gestion des déchets amiantés ainsi qu’une meilleure traçabilité du devenir des déchets.

Plus précisément, l’organisation de la collecte gratuite des déchets triés se diviserait en sept flux : métal, papier, verre, plastique, bois, produits inertes et plâtre. Les déchets seraient triés directement sur le chantier et ensuite récupérés gratuitement pour assurer leur réutilisation. Les opérateurs en charge de la collecte gratuite pourraient ensuite bénéficier d’une compensation, directement versée par un éco-organisme. Ces éco-organismes collecteront aussi l’écocontribution affectée aux produits et matériaux du bâtiment.

Les entreprises de construction et les maîtres d’ouvrage ont un intérêt direct au tri des déchets des chantiers de construction, car ils n’auront pas à supporter les coûts de la collecte des gravats et du tri des déchets. Cela permettra également de limiter le phénomène des décharges illégales.

Concernant les dépôts sauvages de déchets, il convient de noter que la loi prévoit qu’ils soient désormais pris en charge par les éco-organismes, même si le dépôt sauvage a eu lieu avant l’entrée en vigueur de la REP. Cette spécificité de la REP pour le secteur de la construction la rend, dans une certaine mesure, rétroactive.

Par ailleurs, les déchets dangereux font l’objet d’une procédure d’acceptation dans une usine de traitement des déchets et d’une traçabilité spécifique.

Enfin, les matériaux, produits ou équipements biosourcés ou dirigés vers des filières de réemploi ne prennent pas le statut de déchets et ne sont donc pas soumis aux mêmes exigences de traitement, de traçabilité, de transport.

Les conséquences économiques de cette filière REP

Dans un contexte de pénurie des matériaux et de hausse des prix, il est évident qu’une source supplémentaire de hausse des coûts peut inquiéter les acteurs du secteur : la reprise des matériaux va générer un coût estimé (selon une étude réalisée par l’ADEME en 2020[2]), à 2,7 milliards d’euros chaque année.

Toutefois, à la question de savoir qui sera considéré comme un « producteur » dans le secteur de la construction, la réponse du gouvernement est claire : les artisans et les entreprises de construction ne devront pas payer pour la gestion des déchets. Ce sont les producteurs des matériaux de construction qui devront payer l’écocontribution pour leurs produits. Cette écocontribution risque de se faire ressentir chez le consommateur puisqu’elle sera répercutée sur le prix final.

La création de cette REP va générer un nouvel écosystème d’acteurs économiques dans le monde du bâtiment et créer une dynamique qui va permettre à la filière de se structurer – en accentuant les échanges entre les différentes parties prenantes sur la question des déchets – et de se développer via notamment la création de nouveaux emplois.

La loi AGEC constitue un tournant majeur sur la gestion des ressources et déchets du bâtiment. Ce système de responsabilité permet d’avoir plus de transparence pour les clients qui pouvaient payer la gestion des déchets. Bien que cette pratique puisse engendrer quelques surcoûts et nécessiter des changements de pratiques chez les acteurs, elle constitue également une opportunité et favoriser l’émergence d’une filière structurée.

 

[1] Déchets chiffres-clefs 2020

[2] Etude de préfiguration de la filière REP Produits et matériaux

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