Quelles stratégies européennes et nationales adressent les risques naturels liés à l’eau ?

Depuis 2021, l’OID analyse la manière dont différents pays européens gèrent les questions ESG dans le secteur immobilier. Le sujet de l’adaptation est couvert dans les thématiques de travail de l’OID, et la façon dont chaque pays européen intègre le défi dans ses réglementations nationales a été abordée dans un article publié plus tôt dans l’année. Cette fois, l’OID se concentre sur les stratégies ou réglementations européennes et nationales traitant des risques naturels liés à l’eau en Europe. 

 

Union européenne : porter les questions mondiales au niveau national

Les États membres doivent appliquer le droit de l’Union européenne (UE), en raison de la primauté du droit européen. Selon ce principe, le droit primaire de l’Union (traités et protocoles associés) comme le droit dérivé de l’Union (règlements et directives) priment sur le droit des États membres. Toutefois, le champ d’application du droit européen est beaucoup plus étroit et, en vertu du principe d’attribution, l’UE n’agit que dans les limites de ses compétences.

De nombreuses directives, stratégies ou lois de l’UE, ainsi que leur mise en œuvre dans le droit national, ont été étudiées par l’OID. Dans le cadre réglementaire, les questions de l’eau et des risques naturels sont souvent traitées simultanément. En effet, les inondations sont les risques les plus couverts par la réglementation européenne, avec les questions de qualité de l’eau et de gestion des ressources en eau. Il s’agit notamment des 3 directives principales suivantes : EU Water Framework Directive, EU Drinking Water Directive, EU Floods Directive.

 

Quelles législations européenne et nationales abordent le défi de l’eau et des inondations
Réglementations sur l’eau

Conformément aux principales orientations données par les directives et stratégies de l’UE, de nombreux pays disposent de réglementations générales sur l’eau, telles que les stratégies nationales de l’eau (Allemagne (2021), Italie (2018), Royaume-Uni (2008)), les lois sur l’eau (Luxembourg, Pays-Bas, République Tchèque, Portugal)  ou des règlements spécifiques (comme le programme AGUA en Espagne).

Ces stratégies visent à améliorer la qualité de l’eau par une réduction de la pollution et des rejets de polluants, à sécuriser les ressources en eau en cas de sécheresse, à améliorer l’efficacité de l’utilisation des ressources grâce à la réutilisation des eaux usées et à la limitation de « l’empreinte eau » (en particulier sur les pratiques agricoles, comme dans la réglementation britannique), et à prévenir et gérer les risques d’inondation.

 

Gestion des inondations

Plus spécifiquement, les pays particulièrement sensibles au risque d’inondation sont mieux équipés en termes de réglementations sur la gestion de ce risque physique.

  • Les Pays-Bas, avec 26% du pays en dessous du niveau de la mer et 55% du pays situé dans des zones sujettes aux inondations, est un excellent exemple d’intégration des stratégies de l’eau dans la législation. La grande inondation de 1953 a eu des conséquences désastreuses, avec plus de 1800 morts à la suite de la tempête. Ces conséquences sont principalement dues à des fautes en matière de prévention et de gestion des crises. Après cette catastrophe, un changement majeur s’est produit dans l’organisation politique de la gestion de l’eau dans le pays. Le pays bénéficie d’une adaptation de la directive-cadre européenne sur l’eau et dispose également d’un programme national de l’eau. Une stratégie majeure sur lequel le pays s’appuie est programme Room for the River, lancé en 2007, qui a repensé la planification de l’utilisation des espaces compte tenu de l’impact majeur du risque d’inondation sur le territoire national.

 

  • Au Danemark, près de 10% de la population est menacée par les inondations, et le pays a également fortement intégré la directive européenne sur les inondations et créé un plan national d’adaptation, qui prend principalement en compte les risques d’érosion et d’inondation.

 

  • Toutes les grandes villes d’Irlande se trouvent dans des zones côtières soumises aux marées. En effet, 40% de la population vit près des côtes (à moins de 5km) et 70 000 ménages vivent sous le risque d’inondation côtière d’ici 2050. Ainsi, toute élévation significative du niveau de la mer aura des impacts économiques, sociaux et environnementaux majeurs. En Irlande, la directive de l’UE sur les inondations a également été fortement adaptée et le pays a pris des dispositions nationales pour les inondations dans la politique nationale des risques d’inondation et le programme d’évaluation et de gestion des risques d’inondation (2004).

 

  • Les 3 régions belges ont également leurs plans spécifiques de gestion des risques d’inondation (comme le plan P.L.U.I.E.S pour la Wallonie ou le plan pour la gestion de l’eau en Région de Bruxelles-Capitale). Le pays est très sensible à ce risque naturel car c’est le deuxième pays européen le plus exposé après les Pays-Bas).  Depuis la fin des années 1990, il y a eu une augmentation de la fréquence des inondations dans le pays, dont la dernière s’est produite à l’été 2021, tuant 39 personnes. En outre, 15% du territoire flamand n’est qu’à 5 m au-dessus du niveau moyen de la mer, ce qui le rend particulièrement vulnérable à l’élévation du niveau de la mer.

 

  • En raison de sa situation dans la chaîne alpine et de ses conditions climatiques, l’Autriche est exposée à des risques naturels, en particulier des inondations (notamment torrentielles) et des glissements de terrain. En 2013, une cartographie nationale estimait qu’environ 3 % du parc immobilier se trouvait dans les zones à risque d’inondations centennales. L’Autriche dispose d’une stratégie de gestion des risques d’inondation en ce qui concerne la gestion de l’eau, la planification spatiale, la réglementation de la construction, l’organisation et les mesures de sensibilisation.

 

  • En France, les Plans de Prévention des Risques Naturels ont été instaurés en 1995. Il s’agit d’un dossier réglementaire qui réglemente l’utilisation des sols en fonction des risques naturels auxquels ils sont soumis. Le règlement peut interdire ou soumettre à prescription les constructions et ouvrages, et imposer des aménagements. Les PPR couvre de nombreux types de risques naturels, comme les inondations. Un guide spécifique pour les PPR littoraux a également été établi. En 2012, le gouvernement a adopté la Stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte (SNGITC). Cette stratégie vise à guider l’ensemble des acteurs du littoral vers une gestion plus durable pour une plus grande résilience de ces territoires face aux effets du changement climatique, en favorisant une meilleure anticipation des évolutions du littoral. Par ailleurs, la Loi Climat et Résilience (2021) contient un volet sur le trait de côte visant à mieux connaître l’évolution du trait de côte et à encadrer l’aménagement du territoire dans les territoires littoraux. Un décret d’application a par ailleurs été publié en avril 2022. Ce dernier identifie 126 communes particulièrement exposées au risque de submersion marine.

 

  • La Norvège n’a pas mis en œuvre la directive de l’UE sur les inondations. Le principal document décrivant la gestion des inondations en Norvège est un livre blanc (Stortingsmelding 15 2011-2012). Il indique que les principales lois relatives aux inondations sont la Loi sur les ressources en eau) et la Loi sur la planification et la construction (2008). Le document indique également que le Ministère du pétrole et de l’énergie est responsable de la gestion nationale des inondations et des glissements de terrain, avec la Direction norvégienne des ressources en eau et de l’énergie comme autorité opérationnelle. Néanmoins, toutes les autorités nationales ont une responsabilité indépendante en matière de prévention et de gestion des inondations et des glissements de terrain dans leur région.

 

Une sécheresse inquiétante qui doit conduire à des stratégies adaptatives plus robustes

A l’arrivée du printemps 2023, la Commission européenne a tiré la sonnette d’alarme concernant la sécheresse. Selon le Centre commun de recherche (CCR) de la Commission, la plupart des pays du sud et de l’ouest de l’Union européenne sont touchés par une sécheresse naissante. Ceci fait suite à un hiver anormalement chaud et sec, et la situation pourrait s’aggraver en l’absence de pluie régulière lors du printemps.

En effet selon le CCR, l’humidité du sol et le débit des rivières présentent des anomalies déjà importantes, notamment en France, en Espagne et dans le nord de l’Italie. Par ailleurs, dans la région des Alpes, l’accumulation de neige a été bien inférieure à la moyenne ce qui conduira à une forte réduction de la contribution de la fonte des neiges aux débits des rivières dans cette région.

Le CCR indique que l’Europe, et particulièrement la région méditerranéenne, pourraient connaître un été extrême cette année, similaire à 2022. Le rapport recommande une surveillance étroite et une utilisation appropriée de l’eau ainsi que la mise en œuvre de stratégies d’adaptation sectorielles et d’une coopération renforcée.

La perspective climatique allant dans le sens d’une augmentation de la fréquence de ce type d’évènement, l’Union Européenne, et l’ensemble des pays européens, doivent sérieusement se pencher sur la question de la ressource en eau. Toutes les stratégies existantes doivent être à l’épreuve de la situation climatique réelle, et des révisions pourraient être envisagées pour faire face aux phénomène extrêmes attendus.

 

Des stratégies, plans ou orientations concernant les risques liés à l’eau existent à l’échelle nationale dans la plupart des pays d’Europe étudiés par l’OID. Le risque d’inondation est principalement couvert par ces documents, mais la question de la qualité de l’eau et des ressources en eau est également abordée, tant au niveau européen que national. La situation critique des ressources en eau au début du printemps 2023 fait craindre une sécheresse durable et remet en question les différentes stratégies (européennes et nationales) traitant des questions liées à l’eau. D’autre part, le défi de l’élévation du niveau de la mer et des conditions météorologiques extrêmes entraînant des inondations doit également être pris en compte dans la réglementation européenne. Un effort commun doit être fait pour assurer un avenir durable en ce qui concerne les ressources en eau ainsi que le risque croissant d’inondations.

 

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