L’adaptation dans la réglementation en Europe : comment les stratégies européennes et nationales relèvent le défi

Depuis 2021, l’OID analyse la manière dont différents pays gèrent les questions ESG dans le secteur immobilier. En tant qu’enjeu majeur de la question environnementale à l’échelle mondiale et européenne, l’adaptation est traitée par les différentes publications de l’OID. Chaque pays européen est confronté à des défis différents en matière d’adaptation et de gestion des risques physiques, et leurs réglementations nationales en tiennent compte.

 

Législation en Europe : porter les problèmes mondiaux au niveau national

Les États membres doivent appliquer le droit de l’Union européenne (UE), en raison de la primauté du droit européen. Selon ce principe, tant le droit primaire (traités et protocoles associés) que le droit dérivé (règlements, directives et décisions) de l’UE priment sur le droit des États membres. Toutefois, le champ d’application du droit européen est plus étroit et, en vertu du principe d’attribution, l’UE n’agit que dans les limites de ses compétences.

De nombreuses directives, stratégies ou lois de l’UE, ainsi que leur mise en œuvre dans le droit national, ont été étudiées par l’OID. Dans le cadre réglementaire, les questions de l’eau et des risques naturels sont souvent traitées simultanément. En effet, les inondations sont les risques les plus couverts par la réglementation européenne, accompagné également d’un volet sur la qualité de l’eau et de gestion des ressources. Il s’agit notamment des 3 directives principales suivantes : la directive-cadre sur l’eau (EU Water Framework Directive), la directive sur l’eau potable (EU Drinking Water Directive), la directive sur les inondations (EU Floods Directive).

D’autre part, les pays européens sont confrontés à des aléas climatiques tels que la sécheresse et la chaleur, et ont donc de multiples défis à relever en matière de risques physiques. Cependant, ces enjeux étant également liés à la performance énergétique des bâtiments et au respect du confort thermique des usagers, ils sont majoritairement intégrés dans les réglementations sur les normes construction comme de rénovation.

 

Quelles réglementations européenne et nationales adressent le sujet de l’adaptation

Au niveau européen

La Commission européenne a adopté sa nouvelle stratégie de l’UE en matière d’adaptation au changement climatique le 24 février 2021.  Elle définit la manière dont l’UE peut s’adapter aux effets inévitables du changement climatique et devenir résiliente au changement climatique d’ici à 2050. La stratégie repose sur 4 grands principes : rendre l’adaptation plus intelligente, plus rapide et plus systémique, et intensifier l’action internationale en matière d’adaptation au changement climatique.

Stratégies nationales

Cette stratégie de l’UE n’implique pas d’obligation juridique pour les États membres de mettre en œuvre des plans nationaux, contrairement aux plans nationaux énergie climat pour 2030, qui constituent le cadre permettant de définir les objectifs nationaux en matière de climat et d’énergie. Cependant, de nombreux pays ont élaboré ou avaient déjà leur propre stratégie d’adaptation aux changements climatiques pour faire face à ce défi.

  • L’Irlande a adopté son cadre national d’adaptation en 2018. Ce document vise à réduire la vulnérabilité du pays aux fortes précipitations et aux tempêtes, et aux inondations en général.
  • En Autriche, l’adaptation est abordée dans la stratégie d’adaptation au changement climatique publiée en 2017. Elle présente un ensemble de mesures pour 14 secteurs prioritaires, dont les bâtiments, la protection des écosystèmes contre les risques naturels, mais aussi des processus portant sur la gestion des risques et l’aménagement du territoire.
  • Le gouvernement tchèque a adopté sa stratégie d’adaptation au changement climatique en octobre 2015. En 2021, la stratégie a été mise à jour en mettant l’accent sur les interdépendances entre les secteurs et sera valable jusqu’en 2030. Cette stratégie est mise en œuvre dans le cadre du Plan d’action national sur l’adaptation au changement climatique, adopté en 2017 et également mis à jour en 2021. Pour les bâtiments, l’une des mesures consiste à promouvoir l’innovation et les technologies qui utilisent des sources d’énergie renouvelables pour le refroidissement et la climatisation des bâtiments.
  • Au Portugal, la Stratégie nationale d’adaptation au changement climatique (ENAAC 2020) a été publiée en 2015. Elle établit des objectifs et des solutions pour l’adaptation de certains secteurs. Les 3 objectifs principaux sont : améliorer le niveau de connaissance sur le changement climatique, mettre en œuvre des mesures d’adaptation et promouvoir leur intégration dans les politiques sectorielles. La stratégie recourra à la consultation des acteurs sectoriels et à la mise en commun de retour d’expériences de bonnes pratiques. En parallèle, un Programme d’action pour l’adaptation au changement climatique (P-3AC) vise à atteindre le deuxième objectif de l’ENAAC 2020.  Pour ce faire, il établit les mesures d’adaptation prioritaires, identifie les entités impliquées, surveille les indicateurs ainsi que les sources de financement potentielles.
  • Au Danemark, le gouvernement a publié son dernier plan national d’adaptation (PAN) en 2012. Il présente 64 initiatives telles qu’un cadre amélioré pour l’adaptation au climat, des bases de consultation et de connaissances et une collaboration renforcée. Ce plan demande aux municipalités d’élaborer des plans d’adaptation au changement climatique, notamment en ce qui concerne le risque d’inondation.
  • En Italie, la stratégie nationale d’adaptation au changement climatique présente un plan d’action multidisciplinaire visant à assurer des mesures d’adaptation efficaces et cohérentes entre les différents secteurs. Pour le secteur de la construction, la stratégie prévoit des actions non structurelles et structurelles à court et à long terme.
  • Le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) 2021-2030 est coordonné par le Bureau espagnol du changement climatique (OECC en espagnol) et présente le 1er rapport sur l’adaptation au changement climatique. Il pose les fondations en faveur d’une meilleure résilience au changement climatique. Les principales actions pour le secteur du bâtiment sont les suivantes : rendre les bâtiments plus résilients grâce à des infrastructures vertes et des solutions fondées sur la nature, lutter contre le phénomène des îlots de chaleur urbains dans la conception de nouveaux bâtiments, promouvoir la participation citoyenne, adapter les protocoles basés sur les diagnostics urbains.
  • Comme l’exige le Climate Change Act de 2008, le Climate Change Risk Assessment (CCRA) au Royaume-Uni est une évaluation des principaux risques et opportunités liés au changement climatique au sein du Royaume-Uni, publiée tous les 5 ans. Dans le pays, le Programme national d’adaptation est la stratégie pour faire face aux principaux risques et possibilités identifiés dans la CCRA. Il comprend les domaines clés suivants : sensibilisation à la nécessité de l’adaptation au changement climatique, amélioration des décisions fondées sur des données pertinentes et prise de mesures améliorant la résilience.
  • Pour la France, le second Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC 2) couvre la période 2018-2022. Le premier plan (2011-2015) recommandait des mesures pour tous les secteurs économiques autour de 4 objectifs principaux : protéger les personnes et les biens, éviter les inégalités face aux risques, imiter les coûts et tirer parti des avantages, préserver le patrimoine naturel. Les axes proposés dans le 2ème plan concernent l’amélioration du lien entre les échelles territoriales, le renforcement de la coordination entre les acteurs internationaux et transfrontaliers et la promotion de solutions fondées sur la nature.

 

La taxinomie européenne – L’adaptation parmi six objectifs environnementaux

Adoptée en 2020, la taxinomie européenne vise à développer un cadre commun pour les entreprises et les détenteurs d’entreprises financières, basé sur une classification des activités économiques en fonction de leur durabilité environnementale. Le but est de flécher les investissements vers des entreprises ou des projets durables sur le plan environnemental, grâce à une plus grande transparence sur les marchés financiers.

La taxinomie encouragera les entreprises et les investisseurs à publier des informations extra-financières sur leurs activités à partir de 2022.  Les secteurs concernés devront déterminer si leurs activités répondent aux critères d’une contribution substantielle à l’un des six objectifs environnementaux. En outre, les activités devront répondre aux critères « Ne pas causer de préjudice significatif » (DNSH) pour les six objectifs et respecter les garanties sociales minimales. L’adaptation au changement climatique est l’un de ces six objectifs environnementaux.

Pour accompagner les acteurs de l’immobilier dans l’analyse des risques climatiques requise pour se conformer à la taxinomie, l’OID a développé un nouvel outil : R4RE – Resilience For Real Estate. Il respecte les exigences réglementaires et permet de répondre aux critères sur l’adaptation dans la taxinomie, ainsi qu’aux obligations de déclaration de la loi Energie et Climat.

R4RE est mis gratuitement à la disposition de tous depuis juin 2022 et peut être utilisé pour des bâtiments situés partout en Europe. L’OID a effectué des analyses de données pour produire des cartes visualisables et des indicateurs de risque pour les bâtiments. R4RE permet d’avoir de l’information sur les risques auxquels un bâtiment est exposé, en fonction de l’adresse. La vulnérabilité du bâtiment, déterminée à partir de questions techniques, est également analysée. Le croisement de l’exposition et de la vulnérabilité aboutit à un indicateur d’évaluation globale du risque climatique auquel le bâtiment est soumis.

R4RE sera composé de plusieurs sections, dont une composante sur les risques climatiques (Bat-ADAPT), qui sera étendue à davantage d’aléas et d’indicateurs, et une composante sur la biodiversité (BIODI-Bat), qui est un autre objectif environnemental de la taxinomie européenne.

Le mois prochain, un article sur les exigences de la taxinomie pour l’objectif d’adaptation sera publié.

 

Des outils et plateformes d’information sur le changement climatique

Dans le cadre de son travail de veille en Europe, l’OID a identifié différents outils ou plateformes qui visent à aider les parties prenantes à mieux appréhender les enjeux de l’adaptation au changement climatique. Tout d’abord, l’Europe propose Climate-ADAPT (un partenariat entre la Commission européenne et l’Agence européenne pour l’environnement), une plate-forme de ressources en matière d’adaptation et recueillant des données sur les risques et les pertes liés au climat.

Au niveau national, certains pays proposent également de telles plateformes. L’Irlande dispose d’une plate-forme d’informations et d’outils spécifique à la question du changement climatique appelée Climate Ireland. Le portail portugais sur le climat est une plateforme qui peut être utilisée comme ressource pour explorer, évaluer, synthétiser et en apprendre davantage sur les vulnérabilités et les risques liés au changement climatique dans le pays. Le  Natural Hazards Partnership est un partenariat de collaboration entre des agences scientifiques et des organismes gouvernementaux qui fournissent des informations, des recherches et des analyses dans le but de tirer parti des avis scientifiques pour l’examen des risques naturels dans le Royaume-Uni et la réponse face à ceux-ci. Des cartes sur la qualité de l’air et des outils sur les émissions sonores sont fournis par l’Agence allemande pour l’environnement (UBA). Elle fournit également des cartes sur les conditions de stress hydrique et le risque de sécheresse. En France, le centre de ressources sur l’adaptation au changement climatique est le résultat de l’une des actions principales du 2e Plan national  d’adaptation au changement climatique. Il donne accès à des informations sur les défis et les solutions face au changement climatique. L’objectif principal est d’accompagner l’ensemble des acteurs avec cinq parcours utilisateurs (élu, technicien de collectivité, particulier, acteur économique, bureaux d’études).

 

Ainsi, la plupart des pays mentionnés dans les travaux de l’OID présentent des stratégies, des plans ou des orientations nationales en matière d’adaptation. La question des inondations est principalement couverte par ces documents, et l’OID se penchera sur ce sujet plus spécifiquement. Reste la question des autres risques physiques (chaleur, sécheresses, tempêtes, glissements de terrain, …), dont les conséquences seront de plus en plus sévères du fait du changement climatique, et qui sont moins pris en compte dans les réglementations nationales. D’autre part, certains pays (comme la Belgique, la France ou l’Autriche) ont élaboré des plans et des stratégies d’adaptation locaux ou régionaux, en fonction de leur organisation administrative ou dans le but d’être plus précis sur les défis locaux et territoriaux en matière d’adaptation, mais cette dynamique n’est pas généralisée. Différents outils et plateformes sont à la disposition des acteurs de l’immobilier pour les informer et les aider à intégrer les enjeux d’adaptation dans leur métier et leurs actions. 

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