Projet de Loi Energie – Climat : où en est-on ?

Le texte doit être débattu à l’Assemblée Nationale entre le 5 et le 29 juin 2019 et compte huit articles. Il modifiera principalement les objectifs de la Loi de Transition énergétique pour la Croissance verte de 2015.
 
Voici les principales dispositions du projet de loi :

Réduction des émissions de gaz à effet de serre

Dans les termes de l’Accord de Paris, la « neutralité carbone » est entendue comme l’atteinte de l’équilibre entre les émissions de GES et les puits de carbone. Ce principe suppose de ne pas émettre plus de GES qu’un territoire ne peut en absorber via notamment les forêts ou les sols.
Pour atteindre cet objectif, la France s’est dotée d’une Stratégie française pour l’énergie et le climat,  déclinée en deux piliers majeurs : la Stratégie nationale bas-carbone et la Programmation pluriannuelle de l’énergie présentées fin 2018 par le Gouvernement, et qui entreront formellement en vigueur lorsque le projet de loi Energie – Climat aura été adopté par le Parlement.
Le projet de loi prévoit d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Cet objectif, plus ambitieux que le « facteur 4 » aujourd’hui présent dans la loi, sera atteint via une division des émissions de GES par un facteur supérieur à 6 par rapport à 1990. Il renforcera aussi les puits de carbone.
Cela nécessite de renforcer les efforts sur la baisse de l’utilisation des énergies fossiles. Les mesures qui seront prises dans le cadre de la PPE et de la SNBC, essentiellement dans les secteurs du bâtiment et des transports, en lien avec le projet de loi d’orientation des mobilités, permettront de réduire les consommations d’énergies fossiles de 40 % d’ici 2030, au lieu de 30 % visés jusqu’ici.
Les associations pour l’environnement estiment cet objectif insuffisant et chronophage. Selon Greenpeace France, pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, la neutralité carbone doit être atteinte au plus tard en 2040, et non en 2050.
 

Part du nucléaire dans le mix énergétique

La réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 %, prévue initialement pour 2025, a été repoussée à 2035. Cette part dans le mix énergétique étant actuellement à plus de 70% en France.
Pour ce faire, la feuille de route énergétique de la France prévoit la fermeture de 14 réacteurs nucléaires sur 58 d’ici 2035. L’horizon initial 2025, aurait nécessité, en parallèle d’une forte accélération du développement des énergies renouvelables, la construction de nouvelles centrales au gaz.
RTE, le service public qui gère le réseau de transports et d’électricité en France, envisage 4 scénarios contrastés à l’horizon 2035 relatifs au système électrique de demain. Selon cette étude, il est possible de baisser la part du nucléaire dans le mix énergétique à 50% d’ici 2035, sous plusieurs conditions : évolution de la consommation électrique, croissance des énergies renouvelables : il faut quadrupler le rythme actuel de leur développement, essor massif du véhicule électrique, etc.
D’autre part, cet objectif semble impossible à tenir en même temps que les autres initiatives du plan climat. Selon Jean Marc Jancovici par exemple, remplacer le nucléaire par un ensemble d’éolien et solaire n’aide pas à baisser les émissions de CO2.
 

Fin du charbon

Le chapitre consacré aux centrales thermiques indique que le Gouvernement s’engage à fermer les dernières centrales à charbon d’ici 2022.

 
 
Source : RTE, Synthèse du Plan Prévisionnel 2018 , p.12
 
 
 
 
 
 

Création du Haut Conseil pour le Climat     

Une disposition du projet de loi consiste à créer un Haut conseil pour le climat, un organisme indépendant placé auprès du Premier Ministre.
Composé de 13 scientifiques, économistes et autres experts, ce conseil sera chargé d’évaluer les politiques et mesures mises en place en France et d’émettre des recommandations. Il doit rendre chaque année un rapport sur l’évolution des objectifs environnementaux engagés par la France.
L’utilité de cette instance avait été mise en cause par de nombreux observateurs, notamment quant au risque de doublon avec le Conseil national de la transition écologique (CNTE) et d’autres instances consultatives existantes.
 

Lutte contre la fraude aux CEE (certificats d’économie d’énergie)

L’article 5 prévoit des leviers supplémentaires de lutte contre la fraude aux CEE. Le projet de loi laisse entrevoir un accroissement de nombre d’audits et de contrôles sur les chantiers et facilite le partage de l’information entre les différents services de l’Etat, dont les douanes et les finances publiques. Tout ceci afin de mieux recouper les informations. Pour plus d’informations, se référer au chapitre IV (page 63), de l’étude d’impact du projet de loi.
 

En ce qui concerne le secteur du bâtiment       

L’article 5 du projet de loi Energie – Climat aborde la question de la rénovation énergétique via le levier de lutte contre la fraude aux CEE qu’on vient de citer.
En France, le bâtiment représente près de 45% de la Consommation d’énergie en France. Les enjeux sont donc de taille.
La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée Nationale a été désignée par la Commission des affaires économiques pour l’examen du projet de loi Energie – Climat.
La Table ronde organisée par la Commission du développement durable le 29 mai 2019 sur le sujet de la Rénovation énergétique des bâtiments a permis d’interroger les moyens et objectifs consacrés par les pouvoirs publics à la rénovation, dans le but d’éradiquer les 7,5 millions de passoires thermiques en 10 ans. Malgré les nombreux dispositifs d’aide mis en place, aujourd’hui, l’objectif prévu par la Loi de Transition énergétique pour la croissance verte de 2015 de 150 000 rénovations de « passoires thermiques » par an est très loin d’être atteint. En effet, il faudrait 700 000 rénovations par an pour atteindre les objectifs et un budget de 4 milliards d’euros par an. En somme, les présents à la table ronde plaident pour un renforcement de ce volet du projet de loi Energie – Climat. Les quelques recommandations soulevées durant le débat :

  • Système unique de prêt bonifié, à taux zéro sur un temps long, pour accompagner les ménages à rénover. Ce prêt bonifié octroyé par les banques serait « de l’ordre de 60 000 à 65 000 euros sur une période de 20 ans« . Il permettrait de « rénover plus de 600 000 logements par an à un niveau performant » ;
  • Séquençage des travaux de rénovation : traiter le bâtiment en premier lieu et ensuite s’occuper des équipements intérieurs adaptés. Commencer par traiter l’enveloppe du bâtiment va permettre d’apporter du confort d’été et d’hiver et de lisser la pointe de la consommation énergétique en France.

 

Prochaines étapes

L’examen du projet de loi Energie-Climat a débuté le 5 juin. Les amendements proposés concernent notamment :

  • La baisse du nucléaire : A été exprimé le besoin d’un calendrier public de fermetures de réacteurs afin d’offrir une visibilité nécessaire aux territoires, entreprises et travailleurs concernés.
  • Pour s’assurer de la compatibilité du budget de l’Etat avec les ambitions climatiques, il est demandé que « le gouvernement soumette au Parlement un rapport, au plus tard le 1er octobre de chaque année, à compter de 2019, sur la compatibilité du projet de loi de finances avec l’objectif international de limitation du réchauffement climatique« . Le Haut conseil pour le climat sera saisi pour avis sur ce rapport.
  • Concernant la rénovation des bâtiments, la réalisation d’une feuille de route est nécessaire afin de rendre une visibilité et une cohérence aux différents dispositifs mis en place pour accélérer la rénovation du parc français.

 

Pour en savoir plus 

  • Compte rendu du Conseil des ministres du 30 avril 2019, Energie et Climat, accessible à ce lien
  • Projet de loi énergie : premières retouches parlementaires, Actu Environnement, 6 juin 2019, accessible à ce lien
  • Etude d’impact, projet de loi relatif à l’énergie et au climat

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