Projet de loi économie circulaire : décryptage pour le secteur immobilier

projet de loi relatif à la réduction du gaspillage et à l’économie circulaire a été rendue publique le 3 juin 2019. Elle sera soumise à examen au Parlement avant la rentrée.
Le texte vise à fournir les outils pour passer d’une économie linéaire à une économie circulaire, un objectif qui figure en tête du code de l’environnement depuis la Loi de transition énergétique de 2015. La première étape de ce projet a été la rédaction de la Feuille de route pour une économie 100% circulaire, publiée courant avril 2018.
Selon Arnaud Gossement, avocat spécialiste du droit de l’environnement, le projet de loi relatif à l’économie circulaire “deviendra sans doute l’une des lois les plus importantes de ce quinquennat en matière d’environnement, comme a pu l’être la Loi de transition énergétique de 2015 pour le quinquennat de François Hollande ou la loi Grenelle I de 2009 pour le quinquennat de Nicolas Sarkozy.” Selon les associations comme Zero Waste France et Amorce, le projet de loi comporte des avancées significatives par rapport à la première mouture. Néanmoins, ces initiatives sont insuffisantes pour réduire de manière révélatrice les déchets , et  en ce qui concerne le chantier de la réduction du plastique, le projet ne comporte pas d’objectifs précis de baisse.
Cet article propose une analyse des différents dispositifs du projet de texte ainsi que les impacts pour les acteurs de l’immobilier.
 

Décryptage des grandes orientations du texte

Le Projet de loi anti-gaspillages pour une économie circulaire vise à mettre en œuvre concrètement une grande part des mesures décrites dans la Feuille de route pour une économique 100% circulaire. Ce dernier document étant construit autour de 4 thèmes : mieux produire, mieux consommer, mieux gérer les déchets et mobiliser tous les acteurs.
Le texte de loi économie circulaire peut se résumer selon les objectifs suivants :

  1. Mieux informer et mieux consommer

Bien que la responsabilité élargie du producteur (REP) soit le focus de ce texte de loi, le consommateur est également ciblé par le projet. Il renforce les droits du consommateur à travers une meilleure information sur les caractéristiques environnementales des produits électriques et électroniques mis sur le marché ainsi que l’apparition d’un indice de réparabilité pour ces mêmes produits.         Le projet de loi prévoit également de lutter contre la publicité incitant à la production de déchets et d’interdire celle incitant à dégrader des produits en état normal de fonctionnement.
Plus polémique, le texte propose une modulation des prix des produits (jusqu’à 20% du prix de vente hors taxe en fonction de l’empreinte environnementale), via un bonus / malus appliqué aux producteurs pouvant être répercuté sur le consommateur.
 

  1. Lutter contre le gaspillage

La loi rend obligatoire le réemploi, la réutilisation ou le recyclage des invendus par les producteurs, importateurs ou distributeurs de produits, non alimentaires neufs.
Concernant les acteurs de l’immobilier, le secteur du bâtiment est également ciblé dans la disposition. Désormais, le maître d’ouvrage sera obligé de réaliser des diagnostics sur la gestion des matériaux, produits et déchets issus de la destruction ou réhabilitation des bâtiments afin de les réutiliser si possible. (cf. Article 6, page 4 du projet de loi).
La réalisation du diagnostic concerne les démolitions de bâtiments suivants :

  • Ceux d’une surface hors œuvre brute supérieure à 1 000 m ²
  • Ceux ayant accueilli une activité agricole, industrielle ou commerciale et ayant donné lieu à la manipulation de substances dangereuses (cf. article R.111-43 du code de la construction et de l’habitation).

Le diagnostic doit être établi avant toute démolition et même, préalablement au dépôt de la demande de permis de démolir et à l’acception des devis ou à la passation des marchés relatifs aux travaux de démolition dans les autres cas. La méconnaissance de cette obligation par le maître d’ouvrage est punie d’une amende de 45 000 euros (cf Article L. 152-4 mentionné à la page 5 du projet de loi économie circulaire).
 

  1. Réformer la responsabilité des producteurs et créer des nouvelles filières

Le projet de loi comporte de nombreux principes généraux relatifs à la Responsabilité Elargie des Producteurs (REP). Ces principes consistent à imposer aux producteurs de payer une contribution à des éco-organismes, ce qui permettra de financer la gestion de la fin de vie des produits (reprise gratuite, collecte, traitement, recyclage ou réemploi, etc.). Déjà en vigueur pour des produits tels que les emballages, les meubles ou les textiles, le principe est étendu à de nouvelles catégories d’objets : les articles de sport et de bricolage, les jouets, les filtres de cigarettes, les matériaux de construction ou encore les lingettes pré-imbibées.
 

Focus sur la « création de la filière REP pour les déchets de construction et de démolition »

Avant d’aller à l’essentiel, on se doit de préciser qui porte la responsabilité des déchets du BTP lors d’une construction ou d’une démolition / réhabilitation. Le Code de l’Environnement réglemente la gestion des déchets et précise que « tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de ces déchets jusqu’à leur élimination ou valorisation finale ». Il s’agit d’une responsabilité partagée et le gestionnaire de patrimoine doit donc s’assurer que son prestataire est bien habilité à prendre en charge ses déchets et que leur gestion s’effectue conformément à la réglementation. Autrement dit, il faut s’assurer de la traçabilité des déchets à tous les maillons de la chaîne : informations concernant l’origine des déchets, leur quantité, leurs caractéristiques, leur destination et leurs modalités de traitement ou d’élimination.
Le projet de loi indique que les produits ou matériaux du secteur du bâtiment, utilisés par les professionnels aussi bien que par les ménages, seront soumis au principe de REP à compter du 1er janvier 2022. Le principe consiste à reprendre gratuitement les déchets et ce, sur l’ensemble du territoire.
Pour rappel, les producteurs de produits ou de matériaux disposent de deux options : soit répondre individuellement aux obligations résultant du régime, soit y répondre de manière collective en adhérant à un éco-organisme et en lui versant une contribution représentant le coût financier de sa responsabilité.
Selon la FFB, le secteur du bâtiment génère environ 40 millions de tonnes de déchets par an dont plus de 90 % provient des travaux de déconstruction et de réhabilitation.
L’enjeu est de résorber les dépôts sauvages de cette catégorie de déchets qui présente un fort potentiel de valorisation.
Quatorze organisations professionnelles de la filière Déchets du bâtiment (maîtrises d’ouvrage, fabricants de matériaux, distributeurs, entreprises de travaux, entreprises de traitement des déchets) suggèrent de remplacer la reprise gratuite des déchets du BTP par un contrat d’engagement pour la croissance verte. Voici quelques exemples de mesures proposées pour être mises à l’agenda de cet ECV :

  • La création d’un système de traçabilité national centralisé pour réduire les dépôts sauvages ;
  • La création de nouveaux points d’apport dans les zones de carence en prenant en compte les contraintes pesant sur les entreprises ;
  • Une fiabilisation du diagnostic « déchets » pour les chantiers concernés ;
  • La mise en place d’outils de reporting détaillé sur la performance de gestion des déchets de chantiers pour la maîtrise d’ouvrage professionnelle ;
  • L’interdiction de prendre en compte la gestion des déchets dans le compte prorata.

En définitive, ce projet de loi comporte des initiatives ambitieuses notamment en généralisant le principe de « pollueur – payeur » et cela suscite des réactions. Bien que les méthodes proposées dans le texte de loi ne soient pas nouvelles, leur mise en application n’aura jamais été aussi contraignante, en particulier pour les producteurs. Ainsi, politiquement, le Gouvernement a une occasion de démontrer une ambition écologique qui peinait jusqu’à présent à passer du stade du discours à celui des actes.
Le risque durant l’examen de ce projet de loi est de réduire l’économie circulaire à la question des déchets alors que le gaspillage d’énergie ou de ressources naturelles sont au même titre des sujets d’économie circulaire.

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