Le 16 novembre, le Biodiversity Impulsion Group (BIG) a fêté ses deux ans. L’occasion de se rassembler au Pavillon de l’arsenal, avec près de 150 partenaires de l’OID et de BIG : entreprises de l’immobilier, bureaux d’études, cabinets de conseil, et autres partenaires institutionnels et scientifiques. Retour sur les apprentissages de cette matinée.
L’action pour la biodiversité est-elle nécessaire en immobilier ?
Le premier temps de la conférence a été l’occasion de revenir sur les grands enjeux actuels de l’intégration de la biodiversité dans les espaces urbains. « On a eu une approche de la biodiversité très centrée sur la conservation de la nature pour elle-même parfois au risque de difficulté à trouver un équilibre entre les êtres humains et cette nature », introduit Pierre Darmet, directeur marketing et commercial des Jardins de Gally, et vice-président du CIBI. Aujourd’hui, le concept de nature en ville est largement approuvé, et à juste titre, puisque la proximité avec le vivant est indispensable à l’espèce humaine par les services qu’elle lui apporte : régulation du climat, infiltration des eaux pluviales, amélioration de la qualité de l’air et du cadre de vie, etc. Selon Gilles Bœuf, Professeur en écologie et ancien président du Muséum National d’Histoire Naturelle, il faut « que l’humain admette qu’il est vivant et fait partie complètement du système. Ça changera effectivement les choses parce que là on fera attention. Et ce qu’il faut qu’on fasse dans nos métiers ici aussi c’est une culture de l’impact : Quand je fais quelque chose, qu’est-ce qu’il va se passer ? »
Confrontées à cette réalité physique, les entreprises sont par ailleurs de plus en plus contraintes par la réglementation à faire de la biodiversité un enjeu stratégique pour la continuité de leur activité en conformité avec l’art. 29 de la Loi Energie Climat, le Règlement européen SFDR, la Taxinomie européenne, et prochainement la CSRD. Ainsi, la question de la biodiversité gagne en importance au sein des entreprises du secteur immobilier. C’est dans ce contexte qu’a été lancé en 2021 le Biodiversity Impulsion Group, visant à établir un référentiel sectoriel pour mesurer la biodiversité qui soit partagé par l’ensemble des acteurs de la filière. « La création de BIG en tant que tel est un outil dans sa constitution ; le fait de fédérer des acteurs, de co-construire ensemble un référentiel commun » rappelle Sabine Goueta Desnault, présidente du Comité d’orientation de BIG.
BIODI-Bat : un outil référence pour les stratégies biodiversité en immobilier
Depuis 2021, BIG travaille en collaboration avec un grand nombre de partenaires pour élaborer les indicateurs qui composent le référentiel de mesure de la biodiversité, disponible gratuitement en ligne, l’outil BIODI-Bat. Hébergé sur la plateforme d’analyse de résilience de l’OID R4RE, l’outil s’appuie sur une approche cartographique qui permet d’analyser non seulement la favorabilité d’un bâtiment ou d’un projet au vivant, mais également les enjeux écologiques du territoire sur lequel il s’implante. « Contrairement à des sujets énergétiques où le bâtiment peut être performant indépendamment de son contexte, pour le vivant, chaque bâtiment s’insère dans un écosystème et fait partie intégrante de cet écosystème. L’enjeu est de rendre accessible cette information », précise Delphine Mourot, responsable du programme BIG à l’OID. Tout le challenge de développement des référentiels réside ensuite dans la conciliation des enjeux de rigueur et robustesse scientifique avec l’enjeu de la compréhensibilité pour des utilisateurs non experts de la biodiversité. L’outil est conçu pour être pris en main directement par les professionnels dans une logique de massification. « Aujourd’hui on veut passer à un stade supérieur que la mesure des m² végétalisés sur nos projets, et le programme BIG nous aide à le faire et à grandir sur ces sujets », commente Stéphanie Chevallier, responsable Développement durable à la Direction de l’immobilier du Groupe RATP.
Dans sa nouvelle version lancée à l’occasion de la conférence, un tout nouveau module a été intégré : les co-bénéfices liés à la nature. L’objectif est d’évaluer, à partir des informations collectées sur la plateforme, à quel point la présence d’éléments de nature sur un site permet de générer des co-bénéfices en matière de rafraîchissement, de gestion des eaux pluviales ou encore de santé et de bien-être. Issus de travaux en partenariat avec le Museum National d’Histoire Naturelle, l’ensemble des indicateurs est progressivement intégré sur l’outil BIODI-Bat, avec le Rafraîchissement en premier, et les autres prévus pour être disponibles courant 2024.
Acteurs publics et acteurs privés : toutes les échelles d’action doivent être mobilisées
Le développement de référentiels ne suffit toutefois pas, et aucune action n’est mise en place sans une impulsion de la part de l’ensemble des acteurs de la ville, qu’ils soient publics ou privés. « Par définition, le vivant est fluide, mobile, et on ne peut pas intégrer la biodiversité comme une mosaïque d’espaces particuliers » évoque Elodie Dorfiac, Maire-adjointe en charge de la transition écologique, des mobilités et des espaces verts à la Ville de Châtillon, afin d’insister sur le besoin de collaboration de ces acteurs pour une action cohérente et efficace sur le territoire. « Il faut qu’on crée un langage commun partagé par les collectivités, partagé par les investisseurs », confirme Olivia Conil Lacoste, Directrice du Développement durable – Bouygues Immobilier et présidente du CIBI, « et je pense que BIG, et c’est pour ça qu’on y est, va être un super véhicule pour ça ».
Aller au-delà de l’échelle du projet immobilier pour s’interroger sur le contexte local est une dynamique indispensable pour s’intéresser aux enjeux de résilience : cartographie des enjeux écologiques, de l’impact des aléas climatiques, analyse des populations ou de la qualité des réseaux, etc. C’est toute l’ambition plus globale de la plateforme Resilience for Real Estate de l’OID. Cette conviction est également partagée par Madeleine Masse, architecte urbaniste et présidente et fondatrice de l’Atelier SOIL : « On est heureux d’assister à la fin du plan masse, en tous cas de la culture du plan masse. C’est l’émergence d’un nouvel urbanisme qui révèle les potentiels de la structuration du sol, de la présence de la faune et de la flore et qui embarque donc de nouvelles sciences ». L’analyse territoriale, portée par les collectivités et les urbanistes, devient donc l’un des axes prioritaires de toute stratégie écologique à l’échelle du projet immobilier.
Embarquer toute la filière avec la Stratégie Nationale Biodiversité
Malgré une conférence enthousiaste sur la mise en mouvement du secteur, Sabine Goueta Desnault rappelle en conclusion : « A ma connaissance, aucun autre secteur d’activité ne s’est structuré sur le sujet de la biodiversité comme le nôtre. Malgré tout, j’ai l’impression que nous sommes toujours en retard par rapport aux enjeux. » Le chemin est encore long pour transformer le modèle vers une harmonie entre les activités immobilières et le respect du vivant, et les outils nombreux, notamment BIG avec ses travaux, ainsi que d’autres initiatives de place. A cet égard, la nouvelle Stratégie Nationale Biodiversité, publiée par le gouvernement ce 27 novembre, fixe un cap à suivre. Afin de mener à bien les ambitions, le Ministère de la Transition Écologique, indique avoir besoin de s’appuyer sur des têtes de réseaux comme BIG et l’OID pour relayer les ambitions dans la filière. « Vous avez pris un temps d’avance dans un secteur que beaucoup imaginent encore éloigné de la biodiversité. Votre démarche est exemplaire pour les autres secteurs : développer une stratégie de biodiversité, fondée sur la science et outillée des meilleures méthodologies, et avec les entreprises. Cela prouve que tout est possible. » a annoncé Sarah El Haïry, Secrétaire d’État en charge de la Biodiversité, dans une prise de parole lors de la conférence.
La dynamique est enclenchée, et les perspectives de travaux futurs pour le Biodiversity Impulsion Group riches. Inscrit dans une démarche d’amélioration continue, les prochaines étapes consisteront à approfondir et préciser le référentiel, et faciliter sa prise en main par les acteurs de l’industrie de la ville, entreprises, investisseurs, mais également les acteurs publics et collectivités.
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