La loi PACTE, ou « plan d’action relatif à la croissance et à la transformation des entreprises », a été promulguée le 22 mai 2019. Elle est le résultat d’une démarche menée conjointement par des entreprises, des parlementaires et des collectivités territoriales entre octobre 2017 et avril 2019, et vise notamment à inscrire l’entreprise dans une démarche sociale et environnementale tout en favorisant leur croissance. Parmi les mesures phares de cette loi, on retrouve notamment la notion d’entreprise à mission et celle de la raison d’être de l’entreprise, ainsi que l’intégration des labels de finance verte ou solidaire dans les unités de compte investis dans les contrats d’épargne retraite et d’assurance-vie.
Revenons sur ces deux points précis, un an après la promulgation de la loi.
Repenser la gouvernance de l’entreprise à travers un prisme social et environnemental
Deux dispositifs permettant de valoriser les démarches RSE (responsabilité sociale des entreprises) sont issus de la Loi PACTE. Il s’agit de la possibilité de se doter d’une « raison d’être » et de se déclarer comme une « entreprise à mission ».
La loi PACTE complète l’article 1835 du Code civil, en y ajoutant que l’entreprise doit désormais être gérée en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux liés à son activité. Dans cette optique, l’entreprise peut choisir de modifier ses statuts pour y inclure une « raison d’être », c’est-à-dire un ensemble de principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité. Cette démarche s’inscrit dans une stratégie de gestion des risques ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), et elle augmente également l’attractivité de l’entreprise auprès des consommateurs et des investisseurs.
Si toutes les entreprises peuvent se doter d’une « raison d’être », il est en revanche bien plus complexe de devenir une « entreprise à mission ».
Devenir une « entreprise à mission » est également possible selon cette loi, qui modifie ainsi l’article 1833 du Code civil. L’entreprise désirant acquérir le statut « entreprise à mission » doit, en plus d’établir une « raison d’être », préciser des objectifs, les modalités d’exécution et de suivi de ces objectifs, faire l’objet d’une vérification par un organisme tiers indépendant (OTI) et officialiser cette politique. Ce statut est donc bien plus contraignant et encadré que le précédent, mais présente également de plus grands avantages : il permet non seulement de rendre juridiquement opposable la « raison d’être » à l’ensemble des parties prenantes, mais aussi de renforcer considérablement l’impact de la politique RSE de l’entreprise par le caractère contraignant de son engagement (là où la « raison d’être » n’implique aucune obligation d’action). Par cette mesure, la loi PACTE se place comme une réforme inédite en France et en Europe. Des groupes comme Maif, Les Echos, Yves Rocher et plus récemment Danone ont décidé de s’inscrire dans cette démarche en devenant une entreprise à mission.
Une association a été créée pour soutenir les entreprises désirant opter pour ce statut ambitieux et afin de concevoir ensemble ce modèle. Les membres de la Communauté des entreprises à mission partagent la conviction que le modèle de l’entreprise à mission permet de requalifier le rôle de l’entreprise dans nos sociétés et pour l’environnement.
Obliger la présentation d’unités de compte investis dans la finance verte ou solidaire dans les contrats d’épargne retraite et d’assurance-vie
Trois principaux labels de finance verte et solidaire existent en France : le label ISR, dédié à l’investissement socialement responsable, le label « Finansol », accordé aux produits d’épargne solidaire et le label « Greenfin » (anciennement TEEC), qui concerne les fonds d’investissement vert. En outre, ces fonds peuvent être logés dans un contrat d’assurance-vie ou dans un PEA notamment. La principale finalité de cette disposition est d’encourager l’investissement à long terme dans la transition écologique et la finance solidaire, en s’appuyant sur l’épargne retraite et les assurances-vie. Dès 2020, chaque produit d’assurance-vie doit présenter au moins une unité de compte (support d’investissement financier, non exprimé en euros) constituée d’actifs dans l’investissement socialement responsable (ISR), solidaire ou vert. Tout contrat en unités de compte conclu à compter du 1er janvier 2020 doit proposer dans sa gamme de produits financiers au moins une unité de compte constituée d’actifs respectant au moins une des trois modalités suivantes :
- « Être composé, pour une part comprise entre 5 % et 10 %, de titres émis par des entreprises solidaires d’utilité sociale agréées, par des sociétés de capital-risque ou par des fonds communs de placements à risque dont l’actif est composé d’au moins 40 % de titres émis par des entreprises solidaires ;
- Avoir obtenu un label reconnu par l’État et satisfaisant à des critères de financement de la transition énergétique et écologique ;
- Avoir obtenu un label reconnu par l’État et satisfaisant aux critères d’investissement socialement responsable. »
Les contrats conclus à compter du 1er janvier 2022 devront quant à eux proposer des unités de compte respectant ces trois modalités à la fois. L’assureur devra aussi informer annuellement le souscripteur, pour les contrats de même catégorie que le sien, de la part des actifs détenus effectivement investie dans des fonds solidaires, socialement responsables et finançant la transition écologique, et de la manière dont sa politique d’investissement prend en compte les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance. Le comité de suivi et d’évaluation de la loi PACTE, piloté par France Stratégie évaluera les modalités de mise en pratique de cette disposition à partir de 2021 ; il est encore trop tôt pour évaluer cette disposition, mais les sociétés de gestion de portefeuille seront impactées par cette mesure.
La loi PACTE s’inscrit dans la logique des mutations actuelles caractérisant l’entreprise en France (gouvernance responsable de l’entreprise, importance de la RSE etc.) et anticipe ainsi un certain nombre d’évolutions à venir. La RSE et l’investissement responsable sont au cœur de cette Loi. France Stratégie est chargé de rédiger plusieurs rapports fin 2020 et courant 2021 sur l’application de ces mesures et leur impact sur les entreprises. L’entreprise moderne, ancrée dans les défis du XXIème siècle serait-elle née avec la Loi PACTE ?
Pour en savoir plus
Texte officiel de la Loi PACTE : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000038496102&categorieLien=id
Rapport méthodologique du Comité de suivi et d’évaluation de la loi PACTE, France Stratégie, décembre 2019