L’évolution de la DPEF et l’arrivée la directive CSRD : la quête d’un cadre commun

La déclaration de performance extra-financière (DPEF) est apparu dans le lexique des grandes entreprises françaises en 2017 et a foncièrement changé leurs méthodes de reporting. Depuis l’application de ce dispositif, plusieurs thématiques ont émergées. Les dernières études de Mazars et du Medef à ce sujet précisent la nature de ces nouvelles dynamiques, tout particulièrement en vue de l’introduction du Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD).

Depuis le 1er septembre 2017, certains types d’entreprises françaises sont tenues de publier une « déclaration de performance extra-financière » (DPEF). Cela est le résultat de la transposition en droit français de la directive européenne relative à la publication d’informations non financières du 22 octobre 2014. Toutes les entreprises ne sont pas concernées par ce dispositif, en effet, les plus petites entreprises, celles qui ont moins de 500 employés sont exclues. Des critères liés au chiffre d’affaires et total du bilan s’appliquent également, pour lesquels les seuils varient selon la cotation en bourse ou non de la société. En somme, les sociétés soumises à ce dispositif sont celles dépassant 1 des 2 seuils suivants :

Sociétés cotées Sociétés non cotées
Total de bilan 20 M euros 100 M euros
Montant du CA 40 M euros 100 M euros

Source: B&LEvolution

Par rapport au contenu de la DPEF, il porte davantage d’informations sur les stratégies RSE et sur les capacités extra-financière des entreprises de chaque société.  En effet, alors que les entreprises étaient conviées à répondre à une liste détaillée préétablie d’informations RSE sans distinction spécifique selon les sociétés, la DPEF cherche à engager la société dans une démarche davantage proactive et spécifique à ses caractéristiques propres. Les informations doivent être présentées selon 3 axes :

  1. Présentation du modèle d’affaire
  2. Analyse des principaux risques ESG identifiés
  3. Pour chacun d’eux, une présentation des politiques et diligences déployées pour y répondre, leurs résultats, et les indicateurs de performance liés. Le dispositif cherche donc à orienter les sociétés sur l’analyse des risques.

Finalement, la vérification est assurée par un organisme tiers indépendant (OTI), celui-ci n’a cependant plus l’obligation d’attester la présence de toutes les informations extra-financières auparavant requises lors des anciens rapports RSE, mais doit simplement produire un avis motivé sur la conformité et la sincérité de la DPEF. Ainsi, la démarche est davantage spécifique aux caractéristiques propres des entreprises et s’oriente donc sur une analyse des risques selon les spécificités de la société. Aucune méthode n’est imposée pour l’identification des risques.

Les dernières évolutions de la DPEF : des propositions plus structurées et standardisées avec objectifs chiffrés.

Depuis l’apparition des DPEF, les entreprises ont appris à présenter leurs performances extra-financières de façon structurée et plus étoffée. Le bilan du Medef en partenariat avec Deloitte et EY a cartographié les pratiques principales à partir des DPEF publiées en 2021 de 100 sociétés parmi le SBF120 représentant 15 secteurs d’activité différents. Cette étude montre d’abord une formalisation des démarche RSE assorties d’objectifs quantitatifs sur des durées de 3 à 5 ans. Les ambitions à plus long terme sont présentées notamment en matière climatique. Par ailleurs, toutes les entreprises présentaient des engagements sur le carbone. Le rapport note aussi que les thématiques sur la biodiversité, l’eau et la pollution industrielle sont les moins développées. Pour ce qui est des entreprises du secteur de l’immobilier en particulier, elles s’engagent davantage sur la gestion des déchets avec des objectifs quantitatifs sur la valorisation (recyclabilité, 0 déchet en décharge) et la réduction des déchets produits. De plus, 60% des entreprises de ce secteur s’engagent sur l’impact de leurs produits (éco-conception et l’empreinte carbone des produits).

Pour sa part, le baromètre RSE 2021 de Mazars indique à nouveau que les enjeux climatiques sont chaque fois plus présents dans les DPEF. A titre d’exemple, 80% des entreprises ont défini un objectif chiffré en matière de réduction des émissions de GES, 75 % indiquent s’inscrire dans une trajectoire 2 degrés et 47% se sont fixées un objectif de neutralité carbone. Tous ces chiffres sont à la hausse, ce qui confirme une vraie tendance envers ces thématiques. Mais cette étude enregistre aussi une poussée des sujets qui étaient jusqu’à présent plus marginaux. Ainsi, elles sont 36% à identifier un risque en lien avec la biodiversité : eau, sols, ressources, écosystèmes et pollutions sur le milieu environnant. Alors que la DPEF s’instaure comme la référence en termes de publication extra-financière, les sociétés cherchent à présenter leurs données de façons plus structurées et à standardiser leur communication RSE au travers de référentiels internationaux comme la Global Reporting Initiative ou le Global Compact. Finalement, les entreprises fiabilisent leurs résultats en classements et notes délivrés par les agences de notation extra-financière.

L’apparition du Corporate Sustainability Reporting Directive:

En avril 2021, la Commission Européenne a adopté le projet de Corporate Sustainability Reporting Directive, ou CSRD, qui s’inscrit dans le cadre du Green Deal européen et renforce significativement les exigences actuelles de la NFRD (Non-Financial Reporting Directive) en matière de reporting de durabilité. L’objectif est de guider la façon dont les informations non-financières sont présentées, ainsi que leur contenu afin de réorienter les investissements vers les entreprises les plus durables, dans le but de rendre l’Union Européenne climatiquement neutre d’ici 2050.

Un des principaux changements proposés par la CSRD est d’appliquer les nouvelles règles à toutes les grandes entreprises, cotées ou pas, et aux petites et moyennes entreprises cotées de plus de 250 employés, supprimant ainsi le seuil des 500 employés. L’Union européenne estime que le nombre de sociétés soumises à la directive passerait de 11 700 à 49 000.

Ces entreprises seront soumises à un cadre de reporting commun élaboré par l’Autorité européenne des marchés financiers qui guidera leur communication sur les enjeux ESG. Ces informations doivent être par ailleurs auditée par un organisme d’audit indépendant par le commissaire aux comptes ou un tiers indépendant. En outre, elles devront se servir des indicateurs communs qui leur seront proposé ainsi que d’autres plus spécifiques à chaque secteur d’activité et des KPIs taxinomiques. Finalement, les entreprises seront dans l’obligation de présenter leurs rapports dans des formats numériques lisibles.

Des rapports plus concrets pour prévoir l’émergence d’un cadre commun européen

Depuis la mise en œuvre des DPEF, les entreprises françaises ont adapté leurs pratiques de reporting en proposant des démarches plus détaillées, concrètes et avec des objectifs chiffrés notamment pour les thématiques climatiques. En outre, les entreprises du secteur de l’immobilier en particulier se sont engagées davantage sur la gestion des déchets et l’impact de leurs produits. De surcroît, des sujets qui étaient jusqu’ici misent en écart comme la biodiversité, émergent car les enjeux climatiques ne sont plus compris comme des sujets isolés mais dépendants d’autres problématiques environnementales. En alignant leur communication RSE aux référentiels internationaux, les entreprises misent sur des standardisations des critères d’identification ESG plus globaux. Par conséquent, le contexte est plutôt favorable pour l’introduction du CSRD. Il reste à savoir si les plus petites entreprises reproduiront ces mêmes dynamiques suite à l’élargissement du nombre de sociétés concernées par le CSRD.

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