L’autoconsommation collective électrique consiste à mettre en présence sur un site donné producteurs et consommateurs d’électricité, le plus souvent produite par panneaux photovoltaïques. Pour pouvoir partager les retours d’expériences des acteurs qui se sont lancés dans cette démarche ce dernières années, l’OID a mis en place un groupe de travail dédié à cette thématique en 2019, et prépare une publication sur le sujet d’ici juillet. A l’heure des débats ouverts lors de la crise sanitaire du COVID-19 sur la nécessité de développer des modes de consommation locaux, plus résilients, la question d’un « locavorisme » énergétique peut se poser. L’autoconsommation collective est-elle l’un des moyens d’améliorer notre autonomie énergétique ?
Un contexte européen favorable
Sur le papier, les conditions d’un développement de la pratique semblent réunies. D’une part l’Union Européenne, notamment via son paquet « une énergie propre pour tous les européens » pousse à massifier la décentralisation de la production électrique et lever tous les freins identifiés au développement des Energies Renouvelables (EnR). L’autoconsommation électrique, qui consiste à installer sur un site une centrale de production photovoltaïque en vue de générer une électricité qui sera consommée sur place, s’inscrit pleinement dans cette démarche. D’autre part, la loi Energie-Climat du 8 novembre 2019 ouvre la voie sur la question de l’autoconsommation collective en France, notamment en transcrivant dans le droit national certains points de la directive européenne. Le texte prévoit par exemple la création de communautés d’énergie qui serviront de cadre aux projets d’autoconsommation collective.
Pour la France, pays où l’énergie nucléaire est prépondérante dans le mix électrique, l’enjeu est de taille. C’est une véritable bascule culturelle à opérer sur le territoire, afin de permettre une production d’électricité plus décentralisée tout en assurant la sécurité d’approvisionnement des consommateurs. D’un côté, les objectifs sont clairs : la consommation nationale en énergie finale doit être divisée par deux entre 2012 et 2050. De l’autre, les arbitrages sont compliqués, car augmenter la part du renouvelable dans un contexte de diminution de la consommation s’apparente à transférer des parts de marché d’une source d’énergie à l’autre. Or la loi Energie-Climat a dans le même temps reculé de 2030 à 2035 le moment où le nucléaire devait représenter 50% de sa production d’électricité…
Les projets d’autoconsommation électrique s’inscrivent donc dans l’objectif plus large de la montée en puissance des EnR, qui intègre le développement des divers modes d’autoconsommation, notamment via les bio-énergies (voir graphe ci-dessous), mais également le déploiement sur les réseaux de ces EnR, qui devront couvrir 33% des besoins énergétiques du pays en 2030.
Source : Le mix par Enedis / https://www.enedis.fr/open-data-le-mix-par-enedis
Dans ce contexte, certains freins français comme l’interdiction du tiers-investissement jusqu’à fin 2019 dans les projets d’autoconsommation, l’application d’un tarif pénalisant (15% plus cher que le marché) si l’on soutire de l’électricité du réseau, certaines limitations juridiques (les entreprises ne pouvant pas recourir à des communautés d’énergie), les limites géographiques et de dimensionnement des installations apparaissent décalés par rapport à la situation d’autres pays européens, comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni, où l’autoconsommation collective est une pratique déjà bien implantée.
Une pratique qui va dans le sens de l’efficacité énergétique
D’un point de vue de physique théorique, la pratique de l’autoconsommation présente une logique imparable : un électron préférant toujours opter pour le circuit le plus court, le fait de consommer au plus près des centrales de production permet de diminuer le coût et les déperditions d’énergie liés au transport de l’électricité. C’est donc un outil permettant d’atteindre une meilleure efficience énergétique.
Quant au choix du photovoltaïque, la technologie est en pleine évolution ces dernières années. Les professionnels du secteur constatent que la loi de Swanson est pour le moment observée dans le photovoltaïque : tous les 20 mois, on double la capacité de production du panneau et son prix diminue de 20%. Des évolutions qui vont donc dans le sens d’une réduction des gaz à effet de serre émis pour chaque kWh d’électricité produit.
En termes de résilience, au-delà du débat sur les sources d’énergies utilisées, la question de l’usage mérite d’être posée : d’un point de vue de bilan carbone, substituer des EnR à des systèmes de chauffage au gaz ou au fioul par exemple aura un impact beaucoup plus significatif que de suppléer une consommation électrique préexistante sur des usages courants (type éclairage ou informatique).
Quelles règles s’appliquent aujourd’hui à l’autoconsommation collective en France ?
Un arrêté du 21 novembre 2019 a permis d’étendre le périmètre géographique d’une installation d’autoconsommation collective à 2km. C’est dans ce rayon que producteurs et consommateurs peuvent fixer le cadre d’échange de la production électrique de la centrale. Côté puissance de la centrale, le seuil a été relevé de 250 kW à 3MW. Ces seuils devraient prochainement être portés respectivement à 20km de rayon et 5MW de puissance, en réponse aux demandes des professionnels. Enfin, le tiers-investissement, permettant à une entité distincte du consommateur de l’électricité produite d’investir ou co-investir dans le projet, est enfin autorisé officiellement.
D’un point de vue fiscal, si l’électricité consommée est bien exemptée de la CSPE (Contribution au Service Public de l’Electricité), le TURPE (Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité) lui est tout de même imputée, bien que les réseaux de transport d’électricité ne soient pas utilisés. En cas de vente de surplus d’électricité sur le réseau, la procédure d’appel d’offres orchestrée par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) reste lourde d’un point de vue administratif et dissuasive pour bon nombre d’acteurs.
Tout au long des échanges du groupe de travail au sein de l’OID, des freins administratifs, juridiques et financiers ont été relevés. L’essor de l’autoconsommation collective en France sera donc conditionné par la levée des ces freins, afin de permettre aux projets de consommation collective de se déployer en concordance avec les objectifs européens. Pour l’instant, les objectifs de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie restent frileux en ce qui concerne l’autoconsommation collective (la PPE ne prévoit qu’une cinquantaine d’installations d’autoconsommation collective raccordées en 2023 vs 16 déjà raccordés fin 2019) : un alignement et une harmonisation par le haut des ambitions pour les énergies renouvelables paraît donc souhaitable.