La menace que fait peser la vague de rénovation sur la biodiversité doit être prise en compte

Les ambitions en matière d’amélioration de la performance énergétique du parc immobilier français ne cessent de s’intensifier comme en témoignent par exemple la mise en œuvre du Dispositif Eco Energie Tertiaire, du nouveau DPE et de la Loi Climat et Résilience. Ainsi, les travaux de rénovation thermique devraient se généraliser. Pour que cette dynamique n’entre pas en conflit avec la protection de la biodiversité, il est important d’adopter des pratiques permettant de préserver et de favoriser les espèces du bâti. 

 

La rénovation des bâtiments, au carrefour des enjeux énergétiques, climatiques et de biodiversité

Dans le cadre de la Stratégie Nationale Bas Carbone, la France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Pour contribuer à cet objectif, le secteur du bâtiment, qui est l’un des principaux consommateurs d’énergie et émetteurs de gaz à effet de serre, doit diminuer drastiquement sa consommation énergétique. Pour ce faire, il faudra notamment massifier la rénovation thermique du bâti. Pour le logement par exemple, l’Etat souhaite atteindre un rythme de 700 000 bâtiments rénovés par an sur le long terme. C’est pourquoi les réglementations récentes, instaurées par le dispositif Eco Energie Tertiaire ou la loi Climat et résilience, incitent les propriétaires à rénover l’isolation de leurs bâtiments.

De plus, pour diminuer l’artificialisation des sols et atteindre l’objectif ZAN, le secteur de l’immobilier est aussi poussé à réhabiliter les bâtiments existants plutôt qu’à construire neuf. Cette incitation est une bonne nouvelle pour la biodiversité, pour qui la consommation et la fragmentation des espaces naturels est la première cause de déclin.

La rénovation et la réhabilitation constituent donc un véritable outil à mobiliser pour permettre au secteur immobilier de réaliser sa transition écologique. Cependant, elle peut aussi représenter une menace pour les espèces qui dépendent des bâtiments existants pour survivre et se reproduire. Le cas de la rénovation illustre ainsi parfaitement l’importance d’adopter une démarche transversale lorsque l’on considère les problématiques environnementales.

 

Les espèces inféodées au bâti, victimes de la rénovation des bâtiments  

Plusieurs espèces d’oiseaux, comme l’Hirondelle de fenêtre ou le Martinet noir, de chauves-souris, comme les pipistrelles, ou encore d’insectes et de reptiles trouvent refuge dans certains bâtiments. Ces espèces, dites cavicoles, dépendent de la présence de cavités (trous de boulins, coffres de volet), d’anfractuosités (fissures, joints de dilatation) et d’autres caractéristiques, généralement typiques des bâtiments anciens, pour se reproduire, hiberner ou simplement se reposer.

Cependant, l’abondance de ces espèces diminue en France. En effet, selon le STOC (Suivi Temporel des Oiseaux Communs), l’abondance relative des espèces d’oiseaux spécialistes du milieu bâti a décliné de près de 28% entre 1989 et 2019. Parmi elles, les Hirondelles de fenêtre ont décliné de 23,3%, les Martinets noirs de 46,2% et les Moineaux friquet de 60,2%.

La rénovation, particulièrement lorsqu’elle concerne l’isolation thermique, participe au déclin de ces espèces, lorsqu’elle détruit les nids existants ou bouche les cavités et fissures utilisées. Ces caractéristiques ne se retrouvent presque plus dans les bâtiments neufs ou rénovés. Les bâtiments modernes arborent des façades plus lisses, sans cavités ou fissures, et possèdent de nombreuses surfaces en verre, qui représentent un danger pour l’avifaune.

 

Des bonnes pratiques peuvent être appliquées pour réduire les impacts de la rénovation sur la biodiversité

Un certain nombre de bonnes pratiques peuvent être suivies pour sauvegarder les espèces inféodées au bâti. En premier lieu, il est nécessaire d’identifier les espèces présentes sur le bâtiment. Pour cela, il est possible de se référer à des associations, voire à la collectivité, afin de savoir si des espèces ont été observées sur le site. Faire réaliser un diagnostic écologique est encore plus approprié. Les espèces inféodées au bâti sont majoritairement protégées. Toute destruction d’individus mais également des nids, y compris par l’obstruction de cavités, constitue alors un délit. Ainsi, si la présence d’espèce protégée est révélée pendant les travaux, le chantier peut être interrompu, ce qui engendrera des coûts supplémentaires.

Le calendrier des travaux devra être adapté au cycle de vie des espèces recensées. Pour les oiseaux, il faudra réaliser les travaux en dehors de la saison de reproduction. Celle-ci s’étale entre mars et septembre mais varie selon les espèces. Pour les chiroptères, il faudra éviter les périodes d’hibernation (novembre à mars) et d’élevage des jeunes (mai à juillet).

Lorsque les travaux de rénovation menés le permettent, il est important de conserver au maximum les cavités et anfractuosités. Si ces dernières doivent absolument être bouchées, il est possible de les remplacer en posant ou en intégrant des gîtes ou des nichoirs au bâtiment.

De gauche à droite : nichoir posé en excroissance, nichoir intégrer dans l’isolation, nichoir intégré dans le mur avec isolation, nichoir intégré dans un bardage – source : Guide Biodiversité et bâti, CAUE Isère & LPO

Les gîtes et nichoirs, ainsi que la hauteur de pose, doivent être adaptés aux espèces présentes pour être réellement occupés. Pour certaines espèces (hirondelles, martinets), il peut être nécessaire de pratiquer la technique de la repasse, c’est-à-dire la diffusion de sons produit par une espèce pour attirer des individus vers les nids artificiels. Il est aussi important que les gîtes et nichoirs soient abrités des intempéries (notamment des vents dominants) ou de potentiels prédateurs. Un suivi de l’occupation des nichoirs installés sur les bâtiments rénovés peut être réalisé au cours du temps. Un taux d’occupation supérieur à 70 % lors des premières années est très bon. Pour s’assurer de poser les bons nichoirs, dans des conditions propices aux espèces, les acteurs de l’immobilier peuvent se référer à des organismes ou des entreprises ayant une expertise sur ce sujet.

 

Avec l’accompagnement d’experts, de nombreuses solutions et bonnes pratiques peuvent être mises en place pour conserver les espèces inféodées au bâti. Elles permettent ainsi à la rénovation de devenir un meilleur allié de la biodiversité urbaine. Enfin, pour protéger cette biodiversité menacée, il est aussi important de former et de sensibiliser. C’est pourquoi le Ministère de la Transition écologique, la Fédération des Conservatoires d’Espaces Naturels (FCEN), la Ligue de Protection des oiseaux et l’association Chauve qui peut ont confectionné une exposition sur le thème « Rénovation thermique et Biodiversité ». Cette exposition est mise à disposition de tous et peut être reproduite par les entreprises qui souhaitent informer leurs équipes, collaborateurs ou clients sur ce sujet. 

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