Le jeudi 6 juin, une journée thématique sur la gestion de l’eau a été organisée à Grenoble dans le cadre du Groupe de Travail (GT) Eau de l’Observatoire de l’Immobilier Durable (OID) et du programme Biodiversity Impulsion Group (BIG).
L’objectif de cette journée était de présenter des exemples concrets sur le terrain, d’explorer des installations techniques dans les bâtiments favorisant une sobriété en eau, et de partager des retours d’expérience sur les mesures entreprises ainsi que les défis rencontrés.
Exemples stratégiques et installations techniques
La journée a commencé par une brève introduction sur la thématique par l’OID, soulignant que les enjeux liés à l’eau sont nombreux et varient selon la région. Par la suite, Marie Jouvray (Responsable des projets environnementaux en France) et Jean-Christophe Hutt (Directeur de l’environnement et de l’énergie France), de Schneider Electric ont présenté les stratégies mises en place pour faire face au stress hydrique dans les locaux du siège Technopole à Grenoble.
L’un des objectifs clés de Schneider dans sa stratégie est de garantir que 100 % des sites situés en zones de stress hydrique disposent d’un plan de gestion et de conservation de l’eau. En France, cela concerne spécifiquement 10 sites répartis dans les régions des Hauts-de-France, de Normandie, de Bretagne, d’Occitanie et de Nouvelle-Aquitaine, identifiés comme zones à risque hydrique par l’Aqueduct Water Risk Atlas du World Resources Institute.
Parmi les actions mises en place, on trouve l’installation de compteurs d’eau avec alarme, la mise en place de doubles chasses d’eau dans les sanitaires, des robinets économes en eau, ainsi que le détournement de gouttières pour la récupération d’eau. Le suivi et la sensibilisation des collaborateurs sont également essentiels.
En fin de journée, Schneider a organisé une visite de son siège, au cours de laquelle les participants ont pu découvrir et comprendre les installations techniques, notamment les systèmes de comptage de l’eau.
La gestion de l’eau au sein de la métropole Grenobloise
Pour relever les enjeux des métropoles et collectivités concernant la ressource en eau, Manon Locatelli, Responsable du Pôle Eau et Rafraîchissement de la Ville de Grenoble, a partagé les défis auxquels la ville est confrontée en matière de consommation d’eau et d’adaptation au changement climatique.
Un aspect majeur pour les collectivités est la santé publique face aux canicules. Dans ce contexte, l’eau est utilisée comme source de rafraîchissement, avec des étés de plus en plus chauds et longs, tout en nécessitant une réduction des consommations d’eau. Des solutions comme les îlots de fraîcheur et les brumisateurs sont couramment mises en place. Cependant, il est également crucial d’économiser la ressource en eau potable face aux sécheresses.
Des projets sont en cours à Grenoble pour utiliser des eaux non conventionnelles dès que possible afin de réduire les factures d’eau potable et de valoriser ces eaux pour d’autres usages. Parmi ces projets sont la rénovation des fontaines pour utiliser d’autres sources d’eau lorsque c’est possible, l’installation d’équipements moins consommateurs d’eau (brumisateurs, toilettes sèches, bornes fontaines), ainsi que la récupération des eaux de piscines pour d’autres usages et le stockage des eaux pluviales des toitures.
Un exemple notable est le projet de lac baignable écologique au Parc Jean Verlhac, où le bassin ornemental vétuste et très consommateur d’eau, alimenté en eau de nappe, sera rénové pour offrir une meilleure qualité de l’eau pour les multiples usages des habitants tout en assurant une consommation d’eau plus sobre.
Visite du premier bâtiment collectif autonome en France : ABC Grenoble
L’un des moments forts de cette journée thématique a été la visite du site ABC Grenoble, le premier ensemble immobilier en France conçu pour être autonome en énergie et en eau. Cette visite a été enrichie par les explications détaillées de Xavier Gauvin, représentant Bouygues Construction, et de Bruno Raynfeld, représentant Grenoble Habitat.
Ce complexe immobilier se compose de deux bâtiments couvrant une surface totale de 5 000 m² et comprenant 62 logements diversifiés : 42 logements locatifs intermédiaires et 20 logements locatifs sociaux. L’objectif est d’atteindre une autonomie en énergie et en eau jusqu’à 70%. La construction, débutée en 2018, s’est achevée en 2020.
Le projet est promu par LinkCity et construit par Bouygues Construction. SUEZ est responsable du traitement de l’eau sur site, incluant la production d’eau potable et le recyclage des eaux grises. L’eau de pluie, naturellement peu polluée à Grenoble, est filtrée, distillée, puis minéralisée en la mélangeant avec l’eau du réseau municipal pour la rendre potable. Les eaux grises récupérées des douches et des machines à laver sont traitées et réutilisées pour les chasses d’eau, le lavage des sols et l’arrosage.
Depuis le début du projet, Grenoble Habitat sensibilise et informe les habitants sur les aspects environnementaux et les défis techniques et de confort. Au cours de trois années, des mesures, un accompagnement et des explications ont été fournis aux habitants pour résoudre les problèmes techniques. La consommation moyenne d’eau en France est de 140 litres par habitant et par jour, tandis qu’à Grenoble, elle est de 110 litres, et sur le site ABC, elle est réduite à 90 litres par jour. Le site ABC permet une réduction de plus de deux tiers de la consommation d’eau issue du réseau de la ville et environ 70% de l’eau collectée est réutilisée.
Le projet présente plusieurs défis, notamment sur le plan économique. La récupération et le traitement de l’eau sur place sont coûteux, tout comme le suivi et la maintenance des installations.
Ces défis, inhérents à l’expérimentation, nécessitent une transformation des techniques et la recherche de nouvelles formes de gouvernance pour le projet. Ainsi, au fil du temps, certaines techniques ont été abandonnées et de nouvelles solutions mises en œuvre pour répondre aux contraintes financières.
Bilan et perspectives : conclusions, prochaines étapes et besoins du secteur immobilier
À la fin de cette journée thématique, une discussion ouverte a permis de faire le point sur les besoins, les défis et les enjeux que le groupe de travail (GT) devra aborder. Bien que de nombreuses solutions existent pour améliorer l’efficacité de l’utilisation de l’eau dans les bâtiments, des obstacles demeurent, notamment sur le plan technique, réglementaire et économique. Le faible coût de l’eau complique la justification des investissements nécessaires pour des économies d’eau significatives.
Pour surmonter ces obstacles, il est crucial de réévaluer la tarification de l’eau et de développer des projections économiques réalistes. Parallèlement, une sensibilisation accrue à l’importance de la sobriété en matière d’eau est indispensable pour encourager des pratiques durables et responsables.
Un besoin de clarification au niveau national et des mesures du Plan eau gouvernemental a été souligné. La réglementation sur la réutilisation des eaux usées reste complexe, et une harmonisation des mesures financées par les agences de l’eau est nécessaire, certaines d’entre elles ne finançant pas le secteur privé.
En outre, il est crucial que chaque acteur ait une connaissance approfondie de la consommation d’eau de son patrimoine immobilier. Cela permet de mieux gérer les ressources, d’établir des stratégies d’adaptation, de réduire les coûts d’exploitation et de mettre en place des actions pour garantir la sobriété dans les bâtiments. Ainsi, une nouvelle collecte de données est en cours afin de réaliser un benchmark détaillé. Un volet spécifique sur la gestion de l’eau sera intégré au Baromètre de performance énergétique, dont la publication est prévue pour la fin de l’année.
