Quelques rappels sur ce label expérimental
Le label E+C- ou « label bâtiment à énergie positive et bas carbone »,
est une démarche expérimentale visant à préfigurer la future règlementation environnementale prévue pour
2020 (RE 2020). Au-delà des aspects énergétiques déjà présents dans la RT
2012, des aspects climats viendront s’intégrer dans la future réglementation à
travers l’impact carbone des nouvelles
constructions. La RE 2020 permettra ainsi, si ce n’est d’améliorer
davantage l’efficacité énergétique des bâtiments, d’orienter ces derniers vers
une performance bas carbone sur l’ensemble
de leur cycle de vie et d’augmenter le recours aux énergies renouvelables.
Applicable à différentes typologies de bâtiments neufs (tertiaire,
résidentiel, autres usages), une autre expérimentation a débuté en 2019, cette
fois-ci à l’échelle
du quartier.
Le label expérimental E+C- vise à anticiper la future règlementation et à l’appréhender
au vu des retours d’expériences des
différents projets qui se sont lancés dans cette démarche. Cette dernière a été
lancée en novembre 2016, et à ce jour, plus de 650 bâtiments sont labellisés, dont plus d’une centaine de bâtiments tertiaires.
Le label comporte deux volets :
- Un volet « Energie »
composé de 4 niveaux : E1, E2, E3 et E4. Ce volet se base sur l’indicateur
BilanBEPOS. - Un volet
« Carbone » composé de 2 niveaux : C1 et C2. Ce volet se
base sur deux indicateurs Eges (émissions de Gaz à Effet de Serre sur
l’ensemble du cycle de vie) et EgesPCE (émissions de Gaz à Effet de Serre de
produits de construction et des équipements utilisés).
Les seuils et conditions
de ces différents niveaux de performance dépendent de la typologie du bâtiment.
Les labels BBCA et Effinergie 2017
intègrent les mêmes obligations et seuils que le label E+C-.
Après plus de 2 ans de phase d’expérimentation, des
premières conclusions issues des différents retours d’expérience peuvent être
tirées. Le Colloque E+C- organisé par l’ADEME le 29
mars 2019 a été
l’occasion, notamment à travers la session de l’après-midi, de faire un tour
d’horizon de ces retours d’expérience.
Que retenir des retours d’expérience pour les
constructions neuves ?
Sept retours d’expérience
ont été présentés, ceux-ci recouvrent des typologies de bâtiments et des
échelles de projet différentes.
Ecole Maternelle Torcy, Ville de Paris
- Le bâtiment n’a pas validé le C1 car certains
sous-seuils n’étaient pas atteints, alors que globalement le C1 était respecté. - Les matériaux et équipements (PCE) représentent
70% de l’impact carbone du bâtiment. Parmi les lots, la superstructure est le
plus prépondérant. Un tiers du PCE est dû aux lots forfaitaires (énergies,
sanitaires, etc.). - De nombreuses données manquent encore pour
consolider les calculs, notamment sur les lots CVC. Le revêtement, la façade,
le cloisonnement sont des lots où les FDES sont insuffisantes et où les données
par défaut sont utilisées (celles-ci sont pénalisantes en termes de facteurs
d’émission). - L’énergie exportée est difficilement valorisable
dans le label E+C-.
Domaine de Chalandray, SCCV Lacaze
- Les 4 maisons
atteignent le niveau E2C2. Elles sont toutes construites selon les principes de
la maison passive, c’est-à-dire qu’elles témoignent d’un faible besoin en chauffage
(bioclimatisme, isolation, orientation, convecteur électrique simple, VMC
double flux) et d’une excellente étanchéité à l’air (de l’ordre de 6 fois
supérieure aux exigences de la RT2012). - Les niveaux
E2 et E3 sont relativement faciles à atteindre lorsque la conception est
passive. La mise en place de solutions photovoltaïques est essentielle pour
atteindre le seuil E3. - Le niveau C2
a été relativement simple à atteindre, la condition étant notamment de
rabaisser les exigences sur les niveaux « Energie » (pour atteindre
le E4, il faudrait redescendre au niveau C1). - Le Lot 8
(chauffage, ventilation), qui est forfaitaire, est le plus important. La
répartition moyenne par lots est la suivante : 50% dus aux lots
forfaitaires, 40% dus au gros œuvre, 10% dus aux lots de finition. - L’environnement
de la maison est très impactant : par exemple une porte de garage seule
peut avoir un impact carbone tout aussi important que la toiture de la maison.
Les obligations des PLU sont donc ici à remettre en perspective.
Chanteloup-en-Brie, Groupe Valophis
- Ce projet de
48 logements collectifs et de 10 maisons individuelles sera certifié NF habitat
HQE, E3C2 et Biosourcé niveau 3. Les bâtiments ont été construits suivant les
principes de PassivHaus : une enveloppe très performante (triple vitrage,
système double flux, façades vitrées) et une attention particulière au système
de chauffage (la pompe à chaleur double flux permet de se passer de
radiateurs dans les logements). - L’enjeu du
projet était de d’atteindre le niveau C2 avec un fonctionnement au gaz
(beaucoup plus émissif que l’électricité d’origine majoritairement nucléaire).
Pour atteindre le niveau E3C2, les bâtiments ont été conçus pour consommer très
peu (Bbio à -80% par rapport à la RT2012). L’énergie représente environ 50% de
l’impact carbone du projet (la moyenne étant généralement à 30%). - Pour baisser
l’impact PCE, les poids des matériaux du bâtiment ont été allégés pour faire
des économies sur les fondations et structures. Une ossature bois à été
privilégiée (sauf au sous-sol). Les compétences nécessaires pour le choix des
matériaux les moins émissifs requièrent une bonne connaissance de la base
INIES, ainsi qu’une connaissance fine des procédés de construction et des
matériaux.
Îlot
Fertile – Eole Evangile, Linkcity IDF
- Cet îlot
fertile vise le 0 carbone en exploitation et s’appuie pour cela sur une
conception bioclimatique, une enveloppe performante (triple vitrage, double
flux), sur un système de boucle d’eau glacée, sur la souscription à des
contrats verts d’électricité, et sur l’installation de panneaux photovoltaïques
en toiture. - L’atteinte
des objectifs de réduction de l’empreinte carbone et énergétique passe par la définition
de principes en amont, durant la conception du projet. Parmi les principes phares :
la suppression des parkings, un travail sur les usages, une façade en bois
(revêtement en pierre naturelle), l’utilisation de béton bas carbone, etc. - Ces décisions
prises en amont ont des impacts importants sur la construction : les
filières bois et pierre ne sont pas forcément suffisamment structurées en France.
Cela pose la question du lieu d’approvisionnement, et donc indirectement du
transport lié à l’acheminement et de l’impact carbone attenant. De même, le
béton bas carbone se pose et sèche difficilement en hiver, cela nécessite de
réviser les pratiques en termes de calendrier de chantier. - Le projet a
permis d’éviter l’émission de 150 à 200 kgeqCO2/m² par
rapport à un projet similaire sans mesure bas carbone.
Que retenir des retours d’expérience pour les opérations
de rénovation ?
Maison des sciences numériques Campus
Villetaneuse, EPAURIF
- Sur ce campus
en rénovation, des analyses en cycle de vie ont été réalisées et trois
scénarios ont été modélisés sur ELODIE : un scénario actuel (bâtiment vétuste des années
70), un scénario RT2012 (rénovation des sols, isolation, éclairage LED, etc.)
et un scénario avancé (isolant biosourcé, panneaux photovoltaïques,
végétalisation, etc.). - Beaucoup de
données par défaut, avec des coefficients d’émissions plus importants, ont été
utilisées car l’identification des matériaux sur l’existant a parfois été
difficile. - En termes de
calcul, la fin de vie des matériaux du bâtiment existant a été prise en compte
seulement lorsque les FDES spécifiaient les émissions liées à leur fin de vie.
Cette spécification trouve donc toute son importance dans les projets de
rénovation. - Les
revêtements des sols peuvent témoigner d’écarts en termes d’émission parfois
contre-intuitifs puisque certains nécessitent un lavage à l’eau hebdomadaire.
Cet aspect doit être intégré dans la comptabilité carbone.
La Poste du Louvre, Poste Immo
- Cette opération de rénovation d’un bâtiment ancien de 30 000 m² sera livrée en
2020 et atteindra les niveaux HQE excellent, BREEAM very good, LEED gold,
Effinergie rénovation tertiaire et logement. - Une partie de l’existant est conservée, notamment la structure métallique et la façade.
- La durée de vie résiduelle est écoulée depuis longtemps sur ce bâtiment (l’amortissement est
considéré sur 50 ans dans une ACV). - Plusieurs scénarios ont été érigés et les conclusions sont mitigées : la
valorisation de l’existant est neutre voire à impact négatif sur le bilan
carbone, l’ACV sans panneaux photovoltaïques (1 200 m²) est meilleure en
termes d’émissions carbone, la toiture végétalisée a également un effet neutre
sur le bilan. - Cependant les conventions ont toute leur importance ici. Par exemple le label BBCA avait
fait le parti pris d’une ACV sur 50 ans : une fois l’immeuble amorti, la
démolition n’était pas comptabilisée. Cependant
BBCA est revenu sur cette convention et la démolition, même après 50 ans
d’existence, est aujourd’hui prise en compte et donc impacte négativement le
bilan carbone. Ces conclusions sont donc à relativiser au vu des conventions
adoptées. - Sur les volets eau et énergie, ce bâtiment est plus performant qu’un bâtiment de
bureaux neuf moyen.
HQE Performance économie circulaire, Nadège OURY –
Alliance HQE-GBC
Plusieurs études ont
récemment été publiées, notamment pour mieux environner la question de la
rénovation dans la comptabilité carbone :
- Un Guide pratique pour évaluer la performance environnementale des
bâtiments rénovés et comparer leurs niveaux avec E+C- (janvier 2019). Ce guide
est notamment utile pour comprendre les problématiques liées à l’amortissement. - Une analyse des premières observations sur les bâtiments
rénovés au regard de E+C-
et de l’économie circulaire (janvier 2019), dont voici l’échantillon :
Source : HQE Performance : premières
observations sur les bâtiments rénovés
Comment s’entourer de partenaires
compétents ?
De nombreuses interrogations ont été soulevées durant le Colloque, notamment sur la manière
d’appréhender les compétences ACV des interlocuteurs en phase de concours.
Voici les principaux points qui sont ressortis :
- Il existe une qualification pour les bureaux d’études garantissant le suivi d’une formation sur le label E+C-.
- La maîtrise des différents logiciels associés à la comptabilité carbone est un indicateur clé.
- Les bureaux d’études maitrisant l’approche ACV sont généralement des bureaux adoptant une approche environnementale et thermique. L’idéal étant de s’adresser à un bureau d’étude non spécialisé seulement dans les ACV.
- Une connaissance fine des matériaux et produits de construction, procédés constructifs et des FDES est également un atout.