Relais, restaurant local de Merci Raymond, que l’OID a organisé son dernier Atelier au format afterwork, en partenariat avec Paris & Co. Le thème était Biodiversité, biophilie et biomimétisme : comment le vivant inspire-t-il l’immobilier ?
Alors que le vivant fait partie de nos paysages, de notre environnement quotidien, il connaît aujourd’hui la plus grande menace d’extinction de notre ère, à une vitesse exponentielle. Le dernier rapport scientifique de l’IPBES (Plateforme Intergouvernementale sur la Biodiversité et les Services Ecosystémiques) sur l’état de la biodiversité dans le monde, sorti en 2019, révèle des constats alarmants. En effet, sur les 8 millions d’espèces animales et végétales connues sur Terre, environ 1 million sont aujourd’hui menacées d’extinction.
La perte et la fragmentation des milieux naturels sont la première cause du recul de la biodiversité, en partie dus à l’artificialisation des sols. Le secteur de l’immobilier a un rôle fondamental à jouer pour éviter de dégrader les sols en pleine terre, réduire la préemption des ressources naturelles, et lui redonner sa place en l’intégrant dans les projets de construction. Le bâtiment présente donc un réel potentiel de restauration des continuités écologiques pour favoriser le redéploiement des écosystèmes urbains, grâce à des initiatives innovantes et l’intégration du végétal dans les programmes immobiliers de toute taille.
Lors de cet Atelier, les deux tables rondes ont permis de partager les regards opérationnels d’entrepreneurs et d’acteurs majeurs de l’immobilier sur cet enjeu. Elles ont permis de mieux cerner les freins et les leviers inhérents à ce sujet.
De l’utilité du vivant dans les programmes urbains à la biophilie
Dans un premier temps, l’éclairage de Baptiste Roche, Responsable développement durable, Bouygues Immobilier, de Carmen Peyron, Directrice de l’innovation, Marignan, et Hugo Meunier, Co-fondateur, Merci Raymond, nous a permis de comprendre le rôle que les petits projets immobiliers ont à jouer dans la sauvegarde de la biodiversité. En effet, pour les grandes opérations d’urbanisme, la prise en compte du vivant commence à entrer dans les pratiques, grâce à la végétalisation des toitures ou des façades, intégrée dorénavant dans la plupart des labels et certifications environnementaux (Effinature, Biodivercity, BREEAM, HQE, LEED). En revanche, les projets de moins grande ampleur, faisant rarement l’objet de certifications ou d’obligation relevant de la séquence ERC (Eviter, Réduire, Compenser), représentent pour autant la majeure partie des projets de construction aujourd’hui en France. Dans ce contexte, comment redonner sa place au vivant, au-delà des labélisations environnementales ?
L’intégration de la biodiversité dans les petites opérations immobilières relèvent de trois grands enjeux, nous explique Baptiste Roche : le changement du cadre d’intervention du promoteur (le jardinier livre un potentiel qu’il faut intégrer au site) ; l’accompagnement des équipes issues du bâtiment (dialogues avec les écologues, paysagistes, jardiniers pour mieux intégrer la biodiversité au bâtiment) ; la réinvention de la partie conception en dimensionnant en amont l’ambition paysagère attendue et la capacité de les entretenir dans le temps.
A ce propos, l’expérience de la start-up Merci Raymond permet de comprendre que l’intégration de la biodiversité dans la conception et dans les usages n’est possible que par l’implication des populations locales dans le projet de végétalisation (jardins partagés, ateliers participatifs, etc.). Cela permet de faire évoluer les modes de pensée pour intégrer la dimension participative et de partage dans les projets immobiliers. L’enjeu est donc de faire vivre l’opérationnel, qui devra être indépendant du financement du promoteur, grâce à la création de micro-marques locales à forte valeur ajoutée par exemple.
C’est ce que Marignan a voulu mettre en œuvre sur la ZAC Bastide-Niel, avec le projet Bao-Lab et la ferme de 2 000m2 insérée dans le bâti. L’expérience a montré que le fait d’associer un projet d’agriculture urbaine dans le bâtiment était indissociable de la participation des utilisateurs locaux. La volonté de proposer une offre écologique simplifiée a permis de favoriser l’accessibilité du projet et l’intégration des populations. La réutilisation des eaux de pluie pour l’arrosage, des eaux usées pour les sanitaires et la mise en place de compost a fait l’objet d’un accompagnement des résidents et a développé leurs convictions environnementales.
Biomimétisme : l’inspiration du vivant, vecteur d’innovation dans les projets immobilier ?
Les bénéfices relatifs à la présence de biodiversité sur un site sont multiples. Elle amène des services de régulation (ruissellement des eaux de surface, qualité de l’air, isolation) mais elle représente aujourd’hui aussi le meilleur outil pour lutter contre le réchauffement climatique. En ce sens, le CEEBIOS, représenté par Chloé Lequette, chargée de mission ville biomimétique, impulse des modes constructifs innovants afin que l’habitat puisse fournir des services écosystémiques, en dépassant la simple neutralité carbone. La définition d’un bâtiment biomimétique se réfère donc à un « bâtiment incluant une innovation technique prenant exemple sur des processus naturels, et s’inscrivant dans une dimension écosystémique donc holistique », nous explique Chloé Lequette. Les principes de la ville régénérative vont peu à peu entrer dans les PLU etles réglementations locales. La ville de Nantes développe par exemple une politique très ambitieuse en termes de prise en compte du seuil de coefficient de biotope par surface dans les projets immobiliers.
Afin de traduire cette ambition de manière opérationnelle, Ana-Maria Cartier, Responsable développement – Pole Grands Projets Urbains, a présenté la stratégie d’Icade, co-construite avec le CEEBIOS, pour inventer les outils nécessaires et aider les opérationnels à mieux s’approprier la notion de biomimétisme. On y retrouve notamment des journées de formation, visites au Muséum National d’Histoire Naturelle, initiations au monde du vivant et à son fonctionnement, témoignages d’architectes, partenariat avec des écoles d’architecture pour former les étudiants à la bio-inspiration, retours d’expérience, etc. Ces outils ont donné lieu à la publication d’un manuel d’appropriation du biomimétisme appliqué à l’immobilier. Cette démarche n’en est pour l’instant qu’au stade d’acculturation par les collaborateurs et ne fait pas encore l’objet d’une stratégie client.
Aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises intègrent le végétal pour améliorer le bien-être des salariés. Les exigences en termes de matériaux non-toxiques, bâtiments à énergie positive se répandent, les maîtres d’ouvrages (Icade), maîtres d’œuvres (Eiffage) et architectes (In Situ, Béchu, Tangram architecture) qui s’engagent dans ces démarches se multiplient.