Préparer la CSRD : le parcours d’Altarea vers leur premier rapport de durabilité

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Personnes interviewées : Nathalie Bardin et Ombeline Van Der Marliere

Altarea est un groupe coté, dit de vague 1 concernant le reporting CSRD, c’est-à-dire tenu de publier un rapport de durabilité au format CSRD dès 2025 sur ses données de 2024. Cet entretien revient sur le travail réalisé les deux années en amont de la publication du rapport, les grandes conclusions après la réalisation de cet exercice et l’anticipation du prochain.

1.Présentation d’Altarea

Altarea, leader de la transformation urbaine bas carbone, intervient au sein des territoires sur différents actifs et activités : foncière de centres commerciaux, promoteur de logements, et promoteur et investisseur en immobilier de bureau. L’activité se diversifie aussi à travers un fonds d’asset management, une activité d’énergie renouvelable (photovoltaïque), et une activité de data center.

2.Quelle pratique de reporting ESG était en place avant la CSRD ?

Altarea était déjà soumis à l’exercice de publier une déclaration annuelle de performance extra-financière (DPEF) depuis 2017 et traite par ailleurs le sujet du développement durable depuis 2010 environ. Si ce ne sont pas des sujets nouveaux, les réglementations progressives ont poussé à un travail de sophistication, en particulier récemment sur les sujets sociaux, sociétaux et de gouvernance. 
La démarche globale RSE a été formalisée dans un plan stratégique « Tous Engagés » qui est décliné d’un point de vue opérationnel par des plans d’actions dans les différentes activités et marques du Groupe.

3. Pouvez-vous détailler votre parcours de mise en conformité avec la CSRD ?

En amont du projet, on ressentait une appréhension de la CSRD avec notamment la peur que cela prenne beaucoup de temps aux opérationnels. Face à cela, une réunion kick-off a été organisée avec eux, afin de leur expliquer l’enjeu de cette directive et la manière de procéder pour y répondre.

L’équipe RSE avait anticipé ce chantier et commencé à le préparer depuis 2023, à la sortie des textes. Avec l’aide d’un cabinet de conseil, le travail a été de comprendre les textes, préparer l’analyse de double matérialité et l’identification des impacts, risques et opportunités matériels, ainsi que le cadrage des ateliers en interne. L’équipe RSE a donc pu communiquer avec les opérationnels sur ce qui était déjà collecté dans les process habituels et ce qui serait à récupérer en plus, tout en restant dans une optique où ce qui n’était pas faisable dès cette année serait à préparer pour l’année prochaine. L’équipe RSE a intégré et géré la complexité des textes et des attendus. Même si la marche à franchir était importante, l’enjeu était d’engager les équipes opérationnelles en les mobilisant efficacement sur des nouveaux points de données et enjeux afin d’être en conformité avec le cadre réglementaire.

Ensuite, la mise en place du process pour répondre à la CSRD a été collaborative. L’équipe RSE est composée de 4 personnes à temps complet, sous la direction d’un membre du Comité Exécutif du Groupe. Cette expertise est centralisée au niveau du groupe et des référents RSE sont en place pour chaque marque. Ce sont eux qui récupèrent les données, que l’équipe RSE consolide, analyse et fiabilise. Dans le cadre de la CSRD, cette structure existante de collecte et d’animation du réseau de référents a été élargie, par une intégration encore plus forte de la finance, des risques, des ressources humaines. De nouvelles personnes ont été impliquées pour l’analyse de double matérialité. Nous avons cherché à embarquer un maximum de personnes, pour que l’exercice soit mobilisateur et transformant. 

4. Dans une perspective stratégique, quel est l’apport de la CSRD pour votre organisation ?   

La  matrice de matérialité initiale d’Altarea datait de 2016. Une analyse des risques avait par ailleurs été conduite et mise à jour dans le cadre de la DPEF. L’exercice de double matérialité a poussé à se réinterroger sur les priorités stratégiques.  Le premier travail a été mené d’abord avec les opérationnels, afin qu’ils priorisent les sujets. Ceux-ci ont été revus ensuite avec la direction financière qui a apporté sa vision groupe. La dernière lecture a permis d’harmoniser.  C’est l’équipe RSE qui est intervenue à chaque étape, en pivot entre les discussions, pour préparer, animer, coordonner et accompagner les référents afin de permettre de conduire des ateliers et réflexions efficaces.

Cet exercice a été l’occasion de faire un état des lieux à 360° de ce qui est fait en matière ESG dans le groupe et de poser le lien avec le modèle d’affaire : un certain nombre de sujets ont été identifiés comme des potentiels chantiers business, comme le plan de transition, le sujet de l’eau ou de la biodiversité, l’évaluation de la chaîne de valeur.

 Pour rendre l’analyse de double matérialité accessible à tous, en interne comme à l’externe, nous l’avons traduite en regroupant les enjeux autour de deux axes stratégiques, qui structurent notre stratégie ESG – sobriété environnementale et utilité sociale. C’est une façon de faire comprendre que c’est aussi ce sur quoi repose notre modèle d’affaire. Au-delà de la compliance, la CSRD interroge la résilience d’une entreprise et l’impact qu’elle a pour répondre aux grandes transitions de notre société ».

5. Quel est votre retour d’expérience en tant que société de vague 1, notamment face à l’incertitude réglementaire actuelle ?

Le package omnibus a été un véritable coup de frein qui a provoqué en interne la sensation d’avoir fait beaucoup de travail pour rien, ou d’avoir été trop loin. L’équipe RSE s’attelle donc à rappeler que ces sujets ne sont pas conjoncturels mais bien structurels ; ils s’installent sur le temps long et il serait incohérent de faire une « pause ».  La CSRD, malgré sa lourdeur, a constitué une formidable opportunité pour mettre tout le monde autour de la table, faire émerger des sujets de durabilité qui étaient peu adressés et créer une dynamique pour progresser collectivement.

6. Comment vos financeurs perçoivent-ils cette information ?

La dimension financière était déjà intégrée précédemment, depuis la publication de la taxinomie européenne il y a trois ans. Notre objectif était d’avoir un chiffre d’affaires vert, majoritairement aligné sur la taxonomie. Aujourd’hui, nous sommes à plus de 70%, ce qui a impliqué un travail de fond sur chacun des indicateurs taxinomiques à l’échelle de chaque projet. Cela a notamment permis de renégocier la dette corporate sur des critères taxinomiques.

Concernant la CSRD, les investisseurs n’ont pas eu de demandes particulières. C’est certainement parce qu’il n’y a pas d’objectifs de performance dans la CSRD. Elle nous a néanmoins permis d’améliorer la transparence de nos informations, et donc notre évaluation par les agences de notation extra-financières et par les investisseurs.

 7. Si c’était à refaire que changeriez-vous ?

Ce qui est prévu pour le prochain reporting, avec le double collège de commissaires aux comptes, est d’avoir un plan d’audit et de révision du contenu des ESRS plus tôt que l’année dernière. Un travail de simplification va aussi être mené, pour réduire la longueur à moins de 200 pages – due dans la première édition à beaucoup de formalisme, poussé notamment par les CAC.  Le souhait est aussi de faire apparaitre davantage de tableaux avec des KPI ; la présentation type d’un ESRS simplifié avec intégration de tableaux est déjà en cours d’élaboration, pour validation avec les auditeurs.

8. Un conseil à celles et ceux qui redoutent l’exercice ?

Plutôt que d’y entrer par la partie réglementaire et la norme, ce qui peut être décourageant et dépourvu de sens, il convient de se poser la question de l’impact que l’entreprise souhaite avoir sur les sujets ESG. La CSRD est avant tout un sujet stratégique, avant d’être un sujet normatif ou de reporting : comment ces thématiques répondent-elles à des enjeux clients et business ?  C’est aussi se poser la question de la pérennité de l’entreprise ; ne pas y réfléchir, c’est prendre le risque de ne pas être durable ! L’exercice de reporting en découle ensuite naturellement.   

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