Être en bonne santé, c’est être dans un « état de bien-être complet, englobant les dimensions physique, mentale et sociale, et non simplement comme l’absence de maladie » (OMS). Cette vision invite à penser l’aménagement urbain et l’immobilier non seulement sous l’angle des infrastructures bâties ou du logement, mais aussi comme des vecteurs de santé et de bien-être. A cet égard, les SfN autrement dit les Solutions Fondées sur la Nature, se présentent comme une solution holistique. Elles allient « gestion durable et restauration des écosystèmes […] pour relever directement les défis de société […] tout en assurant le bien-être humain et en produisant des bénéfices pour la biodiversité » (UICN, 2016).
L’indicateur « Cobénéfices Santé & Bien-être » de BIODI-Bat repose sur l’approche des solutions fondées sur la nature (nature-based solutions) et sur le principe One Health, en favorisant des actions qui améliorent simultanément la santé des populations et celle des écosystèmes.
Intégrer les espaces végétalisés : la règle 3-30-300 comme repère
Une des solutions phares, proposée notamment par Cecil Konijnendijk, pose un repère clair :
- Chaque logement ou lieu de travail doit permettre de voir au moins 3 arbres.
- Chaque quartier doit disposer d’environ 30 % de couverture arborée.
- Chaque résident doit être situé à moins de 300 m d’un parc ou d’un espace vert de qualité.
Cette démarche apporte des cobénéfices multiples : elle favorise, pour les habitants, la régulation microclimatique et acoustique, améliore la qualité du cadre de vie et stimule les interactions sociales ; pour la biodiversité, elle crée des habitats favorables aux espèces locales et contribue à la continuité écologique en milieu urbain.
Pour les acteurs de l’aménagement et de l’immobilier, intégrer cette règle 3-30-300 dès la conception de quartiers ou de projets constitue une réelle valeur ajoutée : qualité de vie renforcée, bien-être des occupants, attractivité renforcée — à condition cependant d’anticiper la gestion à long terme et des critères écologiques plus fins : la présence d’espèces locales, continuité des habitats, et une diversité végétale et structurelle pour que la végétation joue bien son rôle écologique, et non pas seulement esthétique.
Dépasser les silos : « One Health » et l’aménagement intégré
Le concept One Health, défini notamment par l’INRAE, repose sur une approche intégrée de la santé : il s’agit de « penser la santé à l’interface entre celle des animaux, de l’Homme et de leur environnement, à l’échelle locale, nationale et mondiale. » Autrement dit, l’aménagement urbain doit considérer l’ensemble : le bâti, la nature (végétalisation, biodiversité), les humains (logement, mobilité, activités) et leurs interconnexions, pour améliorer la santé humaine et environnementale.
La végétalisation n’est pas simplement décorative : elle joue un rôle actif — dans la qualité de vie, la résilience climatique (îlots de chaleur), la gestion des eaux pluviales, la protection des sols, la pollinisation et la conservation de la biodiversité. De nombreuses recherches montrent l’effet positif de l’exposition à la nature sur la santé : réduction de la mélancolie et du stress, la réduction des maladies cardiovasculaires et amélioration des résultats médicaux (Yao et al., 2022 et Park et al., 2009) par exemple. Pour l’immobilier : le logement doit être pensé comme « milieu de vie », non comme un simple produit. L’aménagement des espaces extérieurs, la connexion à la nature, l’accessibilité, la prise en compte de la biodiversité font désormais partie des attributs de qualité.
Il s’agit donc de ne pas cloisonner la nature d’un côté, le logement de l’autre : l’approche est intégrée (urbain-immobilier-environnement-santé).
Accessibilité, inégalités et effets secondaires dans l’aménagement et l’immobilier
Même lorsque l’on respecte la règle 3-30-300, l’accès effectif dépend aussi de facteurs socio-économiques et culturels : temps libre, sentiment de sécurité, qualité des espaces, acceptabilité sociale. Il y a donc un risque que l’indicateur « vert » valorise des aménagements (parcs, arbres) mais ne change pas l’usage ou n’améliore pas la vie quotidienne des habitants les plus fragiles. Dans le secteur immobilier, l’ajout de nature peut accroître la valeur des logements, poussant l’habitat populaire vers les périphéries : les effets de déplacement ou d’exclusion doivent être anticipés.
La verdure ne doit pas être seulement un argument marketing : elle doit être accompagnée de politiques d’inclusion pour garantir que tous en bénéficient. Le risque, si l’on réduit l’indicateur “santé & bien-être” à un simple paramètre « % de forêt urbaine » ou à une distance, est de reproduire « naturellement » les inégalités : les quartiers déjà favorisés ont plus facilement accès aux espaces verts. On peut privilégier l’aspect « technique » (planter des arbres ici, créer un parc là) sans interroger les causes structurelles (mobilité, temps libre, inégalités sociales). (Oscilowicz et al., 2022 ; Planas-Carbonell et al., 2023) L’indicateur pourrait devenir un simple « cocher la case » plutôt qu’un véritable levier d’aménagement intégré.
Conclusion
L’aménagement urbain et immobilier a un rôle essentiel à jouer pour la santé et le bien-être au-delà de la simple fonction bâtie. L’indicateur « santé & bien-être », s’appuyant sur des solutions fondées sur la nature et le concept One Health ou encore la règle 3-30-300, permet d’intégrer explicitement la dimension végétale et paysagère dans l’évaluation des projets urbains. Pour que cet indicateur soit pertinent, il doit s’inscrire dans un cadre transversal, équitable, attentif aux usages et aux effets sociaux. Ces approches invitent à concevoir des espaces qui soignent autant qu’ils logent — esquissant les contours d’une ville où nature, santé et habitat se répondent durablement.
Bibliographie
Konijnendijk C. C. (2023). Evidence-based guidelines for greener, healthier, more resilient neighbourhoods: Introducing the 3-30-300 rule. Journal of forestry research, 34(3), 821–830. Evidence-based guidelines for greener, healthier, more resilient neighbourhoods: Introducing the 3–30–300 rule | Journal of Forestry Research
OMS. (2016). Urban green spaces and health : A review of evidence. https://www.researchgate.net/publication/309674084
Oscilowicz, E., Anguelovski, I., Triguero-Mas, M., García-Lamarca, M., Baró, F., & Cole, H. V. S. (2022). Green justice through policy and practice: a call for further research into tools that foster green cities for all. Cities https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/23748834.2022.2072057
Park, S. H., & Mattson, R. H. (2009). Therapeutic influences of plants in hospital rooms on surgical recovery. HortScience, 44(1), 102-105.
Planas-Carbonell, A., Anguelovski, I., Oscilowicz, E., Pérez-del-Pulgar, C., & Shokry, G. (2023). From greening the climate-adaptive city to green climate gentrification? Civic perceptions of short-lived benefits and exclusionary protection in Boston, Philadelphia, Amsterdam and Barcelona. Urban climate, 48, 101295.
UICN. (2016). WCC-2016-Res-069-FR Définition des solutions fondées sur la nature. UICN
Yao, Y., Xu, C., Yin, H., Shao, L., & Wang, R. (2022). More visible greenspace, stronger heart? Evidence from ischaemic heart disease emergency department visits by middle-aged and older adults in Hubei, China. Landscape and Urban Planning, 224, 104444.


