L’Observatoire de l’Immobilier Durable publie une étude sur la valeur verte des bâtiments, soumis à une pression réglementaire constante et confrontés aux conséquences du changement climatique. Fruit d’un travail collaboratif de deux années mené avec des professionnels du secteur, l’étude met en regard l’arrivée de réglementations structurantes avec les paramètres de valorisation des biens immobiliers. Les pratiques de marché et les évolutions déjà en marche vont impacter les valeurs des bâtiments, et générer des opportunités de contribuer à l’émergence d’une valeur verte pour les acteurs qui auront anticipé ces évolutions.
De quoi se compose la valeur d’un bien ?
Le concept de valeur d’un bien est décortiqué, afin d’en distinguer les principaux composants : les caractères économiques et financiers d’un côté se distinguent en effet des aspects de liquidité. Pour autant les deux paramètres sont essentiels pour attester d’une valeur solide.
Concernant les cas où le bien est mis à disposition d’un locataire, les flux d’argent entrants seront donc impactés par (i) le niveau du loyer facial, le loyer affiché pour ce bien et (ii) le niveau du loyer économique, une fois retraité de l’ensemble des mesures d’accompagnement de la prise de bail du locataire. En toute logique, plus un loyer facial et un loyer économique seront élevés, et plus la valeur estimée du bien sera élevée également. Plus les mesures d’accompagnement octroyées à un locataire seront conséquentes, et plus elles viendront grever la valorisation calculée du bâtiment concerné.
Pour autant, la fluidité avec laquelle un bien immobilier peut être cédé, loué, et financé constitue également un élément essentiel dans sa valeur globale. Cet enjeu est d’autant plus crucial que les transactions immobilières impliquent des valeurs souvent élevées, et des biens par définition relativement spécifiques. De ce fait, pour des bailleurs, la question de la liquidité d’un actif a une importance significative. Ainsi, la liquidité transactionnelle, la liquidité locative, et la liquidité financière reflètent l’attractivité du bien auprès des différentes contreparties.
La réglementation : un impact incontournable sur les valorisations des bâtiments
Cinq réglementations structurantes attendues pour les dix prochaines années sont ainsi passées au crible : refonte du Diagnostic de Performance Energétique associée à la loi Climat et Résilience, Taxinomie européenne, RE2020, Dispositif éco-énergie tertiaire (DEET), et loi Energie-Climat auront ainsi une influence sur les paramètres de valorisation des biens et contribuer à l’émergence d’une valeur verte.
Le cas du Diagnostic de Performance Energétique est exemplaire. Pour les logements, le nouvel outil est entré en vigueur en juillet 2021, tandis que la loi Climat et Résilience s’appuyant sur la classe DPE pour éradiquer les passoires thermiques a été promulguée en août 2021. Résultat : un repositionnement des biens, et le creusement de l’écart entre les logements classés F et G (les premiers à progressivement ne plus être considérés comme « décents ») et les biens notés A et B. Selon la dernière étude sur le prix des logements publiée par la chambre des notaires, la prime verte pouvait atteindre 17% dans certaines régions tandis que la décote brune se creusait dans d’autres (-14%). De plus les acteurs se sont retrouvés confrontés de façon inédite aux premiers refus de prêt motivés par une classe DPE jugée non pérenne dans le temps par les établissements de crédit.
Concernant les autres réglementations analysées dans l’étude, les effets sont variés, mais s’inscrivent dans le sens d’une meilleure prise en compte des performances des bâtiments dans leurs valorisations financières voire leurs prix de cession effectif. Ici encore, la mise en œuvre progressive de l’ensemble de ces textes va peser sur la capacité des banques à suivre leurs clients pour financer leurs projets tout en gérant le risque de non-conformité réglementaire. En la matière, l’attentisme risque de ne pas se révéler être une stratégie payante, à l’heure où d’autres acteurs vont faire le choix de mettre leurs parcs d’actifs en conformité avec la loi.
L’un des enjeux des différents textes de loi est de permettre dans un certain nombre de cas d’objectiver le caractère vertueux d’un bâtiment : via des critères d’alignement précis (notamment sur l’enjeu d’atténuation) pour la taxinomie européenne, la délivrance d’un certificat de conformité pour le DEET, une échelle et une méthodologie de calcul harmonisée pour les DPE. Toutes ces évolutions visent à promouvoir une harmonisation des définitions, afin d’éviter le greenwashing et de permettre aux différents acteurs de se positionner en connaissance de cause. Cette transparence constitue une condition préalable indispensable à l’émergence d’une valeur verte.
Pratiques de marché : les acteurs vont influencer l’émergence de prime verte sur les biens
La manière dont les acteurs vont se saisir des enjeux environnementaux et réagir aux contraintes réglementaires va influencer la valorisation des biens immobiliers. Couplée aux évolutions de l’organisation du travail induite par la pandémie, et aux nouvelles dynamiques engendrées, elle va refléter l’entrée dans une ère d’incertitudes pour les investisseurs.
Selon l’étude investissement publiée par CBRE fin 2021, en France, pour les actifs de bureaux les investisseurs visent en 2021 une réduction de leur risque en se positionnant sur des actifs dits « core », bien placés, attractifs pour les locataires et présentant des caractéristiques ESG visiblement appréciées – c’est-à-dire pour l’essentiel avec un label ou une certification de bon niveau. Dans la même logique, les investisseurs privilégient les actifs de logistique, qui ont montré leur utilité constante pendant les confinements successifs. A l’inverse, le commerce, s’il connaît une amélioration cette année, reste une classe d’actifs plus incertaine et donc plus compliquée à appréhender.
Par ailleurs, la question de la résilience dans les décisions d’investissement et la gestion d’actifs des parcs immobiliers va se poser de façon de plus en plus prégnante. L’exposition des bâtiments aux aléas climatiques augmente de façon constante et va nécessairement générer de nouvelles problématiques. Comment utiliser un bâtiment soumis à des vagues de chaleur répétées et plus longues ? Quelles seront les conditions d’assurance de certains biens vulnérables ? Faudra-t-il anticiper la destruction pure et simple d’une partie des bâtiments ? Ces questions difficiles et dérangeantes ne devront plus être taboues si l’on veut pouvoir anticiper correctement les dégâts matériels et les risques pour les personnes.
Résilience climatique et anticipation réglementaire constituent donc les deux piliers constitutifs d’une valeur verte. Alors que le marché immobilier est dans une phase de transition, une certitude demeure : les acteurs qui se mettront en capacité d’anticiper pour leurs patrimoines les conformités réglementaires et prépareront la résilience de leurs bâtiments bénéficieront d’un avantage compétitif par rapport au marché, et pourront matérialiser davantage la valeur verte de leurs bâtiments.
Retrouvez l’étude complète, ainsi qu’un résumé exécutif en français ici. Un résumé exécutif est également disponible en anglais ici.