Décret d’application de l’article 29 de la Loi Energie-Climat : vers l’intégration accrue des risques climat et biodiversité

Les acteurs financiers attendaient avec impatience le décret d’application de l’article 29 de la Loi Energie Climat, finalement publié au Journal Officiel le 27 mai dernier, suite à une consultation publique en février 2021. Par ce décret, la France conserve son avance en matière d’exigences de reporting extra-financier, désormais étendu de manière plus large aux enjeux relatifs au climat ainsi qu’à la biodiversité pour les acteurs des marchés financiers, mais aussi pour certains produits financiers. Découvrez-en les dispositions.

 

Un texte ambitieux qui élargit les obligations en vigueur actuellement

Depuis 2015, l’article 173-VI de Loi pour la Transition Energétique et la Croissance Verte a élargi l’obligation de publication d’un rapport RSE aux investisseurs institutionnels et SGP dont le bilan ou le montant total des encours est supérieur à 500M€. En 2019, la Loi Energie Climat, et notamment son article 29 viennent étendre les dispositions de l’article 173-VI sur le reporting extra-financier. Le cadre de reporting est renforcé en termes de risques climat et biodiversité et concerne désormais aussi les organismes de placement collectif et les mandats de gestion qu’ils gèrent et dont l’encours est supérieur à 500 millions d’euros.

Ce décret va permettre aux acteurs français d’anticiper les réglementations à venir et de maintenir la France en tant que pays avancé sur la thématique de la finance responsable. Il fixe notamment les attentes en matière de publication de la part brune des investissements, qui comprend les encours gérés pour des activités liées aux énergies fossiles. Comme indiqué dans la loi Energie-Climat, le texte précise les informations à publier sur les modalités de prise en compte des critères relatifs au respect d’objectifs climatiques, environnementaux, sociaux et de qualité de gouvernance dans la politique d’investissement et sur les moyens mis en œuvre.

Il s’articule également avec les dispositions issues du règlement européen SFDR, dit « Disclosure », entré en vigueur au 10 mars 2021 qui introduit la notion de double matérialité (l’intégration des risques de durabilité des actifs et les incidences négatives des investissements sur la durabilité externe). Mais contrairement au règlement européen qui fixe des exigences pour les structures de plus de 500 salariés, ce décret d’application fixe ce seuil à 500M€ de bilan.

Récapitulatif des informations à reporter

En premier lieu, l’ensemble des acteurs des marchés financiers vont devoir reporter les informations suivantes, en les distinguant pour les différentes classes d’actifs :

       Démarche générale de prise en compte des critères ESG dans les politiques d’investissement et, le cas échéant, de gestion des risques ;

       Contenu, fréquence et moyens utilisés pour informer les clients (souscripteurs) sur les critères ESG pris en compte ;

       Liste des produits financiers concernés et la part en pourcentage des encours sous gestion intégrant des critères ESG dans le montant total des encours gérés ;

       Prise en compte des critères ESG dans le processus de prise de décision pour l’attribution de nouveaux mandats de gestion ;

       Adhésion de l’entité ou des OPC concernés à des chartes, codes, initiatives et labels relatifs à la prise en compte des critères ESG.

 

Ensuite, les acteurs financiers dont le bilan ou le montant total des encours est supérieur à 500M€ seront soumis aux obligations suivantes, dont certaines s’appliquent également aux organismes de placement collectif et aux mandats de gestion qu’ils gèrent et dont l’encours est supérieur à 500 millions d’euros :

Obligations des acteurs financiers dont le bilan ou le montant total des encours est supérieur à 500M€

       Moyens internes déployés par l’entité pour la prise en compte des critères ESG par rapport aux encours totaux gérés (ressources financières, humaines et techniques etc. + actions menées en vue d’un renforcement des capacités internes) ;

       Intégration des enjeux ESG et des risques de durabilité dans la gouvernance et les instances de décision, dans les politiques de rémunération et dans le règlement interne du CA ou du conseil de surveillance de l’entité ;

       Stratégie d’engagement auprès des émetteurs ou vis-à-vis des SGP et leur bilan ;

       Alignement sur la TVE et les combustibles fossiles : part des encours verts et durables au sens de la taxinomie européenne et part des encours dans des entreprises actives dans le secteur des combustibles fossiles ;

Obligations des acteurs financiers dont le bilan ou le montant total des encours est supérieur à 500M€ et des organismes de placement collectif et mandats de gestion qu’ils gèrent et dont l’encours est supérieur à 500 millions d’euros 

       Stratégie d’alignement avec les objectifs des Accords de Paris : un objectif quantitatif à horizon 2030 et revu tous les 5 ans comprenant les émissions de GES par rapport à un scénario et une année de référence et exprimé soit par la mesure de l’augmentation de température implicite soit par le volume d’émissions de GES. Si une méthodologie interne est utilisée, il faut la détailler et justifier son alignement sur l’Accord de Paris ou la SNBC ;

       Stratégie d’alignement avec les objectifs de long terme sur la biodiversité : objectifs fixés à 2030 et revus tous les 5 ans (mesure de l’alignement avec les objectifs des COP biodiversité, contribution à la réduction des pressions sur la biodiversité, appui sur un indicateur d’empreinte biodiversité) ;

       Intégration des critères ESG dans la gestion des risques : identification, priorisation et intégration des enjeux ESG dans la gestion des risques physiques, de transition et de responsabilité (ainsi que l’estimation quantitative de l’impact financier des principaux risques et l’utilisation de plusieurs scénarii 1,5°C et au moins un scénario de transition) ;

       Plan d’amélioration continue des stratégies (identification des actions, changements stratégiques, objectifs et plan de mise en œuvre).

 

Quelques avancées notoires

Le décret permet de faire avancer la prise en compte des enjeux environnementaux de plusieurs manières. Par exemple, l’acteur financier devra évaluer son exposition au risque de transition en tenant compte de plusieurs scénarios de transition possibles, au lieu d’un seul, soulignant ainsi les incertitudes existantes en la matière.

Quant au reporting climat, il s’avèrera plus réaliste, avec des objectifs précis d’alignement avec l’Accord de Paris ou la SNBC, et plus transparent, avec la révision des objectifs tous les 5 ans et davantage d’informations sur la méthodologie employée.

Mais l’avancée majeure de ce texte concerne l’intégration des enjeux de biodiversité : les acteurs seront contraints de reporter sur les risques biodiversité dès 2022, alors qu’ils reportent actuellement très peu sur ce sujet. Ainsi, dans le cadre du Baromètre 2020 de l’Immobilier Responsable, les acteurs de l’immobilier ont ainsi classifié la Biodiversité à l’antépénultième rang des thématiques prises en compte dans leur activité… Cela est notamment dû aux difficultés de prise en compte de cet enjeu, plus difficile à mesurer que le carbone ou l’énergie par exemple. Mais dorénavant ils vont devoir mesurer leur alignement avec les objectifs de la Convention sur la diversité biologique et analyser la contribution de leurs portefeuilles à la réduction des principales pressions et impacts sur la biodiversité (principe de la double matérialité, également présent dans le Règlement SFDR en matière de risques climat). L’empreinte biodiversité des acteurs devra être calculée et cela représente une amélioration importante dans la prise en compte de cette thématique. Reste à savoir comment cet indicateur sera construit !

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