Décidément, la RE 2020 n’en finit pas d’être dévoilée ! Ce texte, destiné à prendre le relais de la RT 2012, vise à élargir le périmètre pris en compte, notamment en intégrant un plafond d’émissions de gaz à effet de serre pour les bâtiments nouvellement construits. Les principes méthodologiques – en particulier l’Analyse de Cycle de Vie (ACV) dynamique – ont fait l’objet au sein de la profession de débats serrés, dont les recommandations du CSCEE (Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique) se sont fait le miroir dans un avis publié fin janvier 2021. Dans le dossier de presse publié la semaine dernière, l’Etat tranche bel et bien en faveur de l’ACV dynamique, mais accorde six mois supplémentaires au secteur pour se mettre en ordre de marche.
Les principes du texte
Le sous-titre du dossier de presse publié le 18 février 2021, « Eco-construire pour le confort de tous », reflète assez justement l’ambition de la réglementation. Les trois objectifs affichés – sobriété énergétique et décarbonation énergétique, baisse des émissions lors de la construction, et confort en cas de forte chaleur – correspondent aux enjeux d’atténuation et d’adaptation au dérèglement climatique.
Le lancement de la concertation pour élaborer un label d’Etat accompagnant le texte est également confirmé. Ce label permettra aux acteurs soucieux d’aller plus vite et plus loin que les exigences réglementaires de voir leurs efforts quantifiés et reconnus.
Amélioration de la performance énergétique
L’objectif de réduction de 30 % du besoin énergétique intrinsèque des bâtiments construits – appelé Besoin Bioclimatique ou Bbio – est confirmé, tout comme le plafond d’émissions de GES à
4 kgCO2/m².an applicable dès 2022 pour les maisons individuelles. Pour ces constructions, l’utilisation de chauffage au gaz sera donc de facto écartée, au profit de systèmes de pompe à chaleur ou chauffage biomasse.
Le risque d’installation de radiateurs à effet Joule (les grille-pains) peu efficaces énergétiquement sera limité par la mise en place d’un seuil de consommation en énergie primaire favorisant l’utilisation d’équipements performants, les pompes à chaleur notamment.
Se préparer aux enjeux d’adaptation au changement climatique
La question de l’adaptation au changement climatique est abordée au travers de la question du confort d’été, notamment lors des vagues de chaleur.
Cet enjeu paraît d’autant plus crucial que selon les simulations du scénario RCP 8.5 du GIEC, le nombre d’épisodes de vagues de chaleur pourrait être multiplié par cinq à sept, avec de possibles vagues de chaleur quasiment ininterrompues durant dix semaines[1]. Or les modes constructifs conformes à la RT2012 se sont révélés inadaptés face à cette problématique.
Un indicateur de confort d’été unique pour l’ensemble du territoire métropolitain sera donc mis en place, exprimé en degré.heure (DH) et plafonné à 1250 DH. Les solutions de climatisation passives seront encouragées, ainsi que des efforts accrus sur la ventilation des espaces.
ACV dynamique et budgets carbone
Si les travaux préparatoires menés depuis plusieurs années, en particulier l’expérimentation E+C-, s’appuyaient sur la méthode d’ACV statique, c’est bien l’ACV dynamique simplifiée pour laquelle l’Etat a finalement opté.
La différence entre les deux méthodes est – sur le principe – simple à appréhender : si l’ACV statique intègre l’ensemble des émissions de GES de manière égale quel que soit le moment où elles surviennent, l’ACV dynamique elle, prend en compte le fait qu’une émission générée plus tôt impactera mécaniquement le climat sur une durée plus longue qu’une émission plus tardive. De ce fait, les options privilégiées seront celles qui permettent d’éviter les émissions plus tôt dans le cycle de vie (notamment au moment de la construction), quitte à ce que des GES soient émis en fin de cycle de vie.
Source : MTE, février 2021
Les prises de positions des acteurs du bâtiment ont été nombreuses en faveur ou défaveur de la méthode de calcul dynamique de l’ACV. La filière bois notamment s’est mobilisée pour que la méthode soit retenue. Le matériau bois est en effet particulièrement vertueux sur le plan de l’ACV dynamique, puisqu’il capte le carbone en début de cycle de vie, avant de le libérer en fin de cycle de vie. Le développement du recours au bois est donc également visé dans la RE 2020.
Nouveau calendrier et progressivité des seuils
La date d’entrée en vigueur du texte, jusqu’ici prévue au 1er juillet 2021, est décalée au 1er janvier 2022. Ce report répond aux inquiétudes de la filière de ne pas maîtriser la méthode et ses incidences (en particulier l’ACV dynamique) de manière satisfaisante d’ici l’été. Pour cette raison, le décalage d’entrée en vigueur apparaît comme une condition nécessaire pour pouvoir imposer l’ACV dynamique. Le texte officiel devrait être communiqué dans les jours qui viennent, afin d’être soumis à la consultation publique courant mars 2021.
Enfin, la RE2020 prévoit un déploiement progressif des seuils applicables, avec une date d’entrée en vigueur fixée au 1er janvier 2022, puis trois dates intermédiaires en 2025, 2028, et 2031. A titre d’exemple, le tableau ci-dessous reprend les seuils d’émissions de GES applicables pour les logements :
Source : MTE, février 2021
La RE 2020 est l’un des rouages de l’ambition climatique française, formalisée dans la Stratégie Nationale Bas Carbone. Toutefois, les ordres de grandeur sont les suivants : sur les 46 MteqCo2 annuels que le secteur bâtiment doit économiser d’ici 2030, la RE 2020 pourrait contribuer (sur la partie construction) à hauteur de 7MteqCO2. C’est dire si les efforts doivent être fournis et accentués à chaque étape de la vie d’un immeuble. La construction neuve n’est qu’une facette des enjeux à relever pour le secteur, et la gestion de l’existant, notamment via le Dispositif éco-énergie tertiaire, reste cruciale.
[1] Voir fiche aléa Vague de Chaleur de l’OID