La biodiversité, notamment à travers les solutions fondées sur la nature, constitue un levier essentiel pour adapter les bâtiments aux risques climatiques. Ces approches permettent de limiter les impacts du changement climatique tout en favorisant la préservation et la restauration des écosystèmes.
Paris, capitale européenne particulièrement vulnérable aux vagues de chaleur, doit relever d’importants défis climatiques. Sa forte densité urbaine et l’omniprésence de matériaux stockant la chaleur, comme le zinc, entraînent des températures de surface pouvant atteindre 80°C en période de canicule. Ce phénomène est accentué par un manque de végétation, comme l’illustre le Green View Index du MIT, qui classe Paris parmi les villes les moins vertes au monde. Toutefois, des initiatives sont en cours pour renforcer la présence du végétal et atténuer ces effets.
Paris en surchauffe : et si la végétation était la clé du rafraîchissement ?
C’est la question que se sont posée les équipes de RoofScape. Une analyse satellitaire de la ville de Paris montre que 38% des espaces sont couverts par des toitures. Ces toitures offrent donc une opportunité significative d’intégrer des solutions d’adaptation basées sur la nature, qui profitent à la biodiversité et diminuent la vulnérabilité parisienne face au changement climatique, tout en créant de nouveaux espaces publics qui renforcent le tissu social. Par ailleurs, ces initiatives sont également poussées par des obligations légales en matière de végétalisation des toitures. En effet, certains bâtiments tertiaires, lors de leur construction, extension ou rénovation significative, sont contraints d’intégrer des espaces verts sur au moins 30 % de leur toiture. Ce seuil sera augmenté à 40 % en 2026, puis à 50 % en 2027.
À Paris, la végétalisation des toits représente un défi de taille. En effet, près de 80 % des toitures sont en pente, ce qui complique considérablement leur transformation en espaces verts. De plus, les contraintes architecturales et patrimoniales imposées par les Architectes des Bâtiments de France (ABF) limitent les possibilités d’intervention, notamment dans les quartiers historiques où toute modification de l’esthétique des bâtiments doit être strictement encadrée.
Conscient de la nécessité d’un dialogue avec les autorités, RoofScape a déjà engagé des discussions avec les ABF pour faire reconnaître la faisabilité et les bénéfices de ses solutions. Son objectif est de démontrer que la végétalisation en hauteur peut être mise en œuvre sans compromettre l’identité architecturale de Paris. En apportant une réponse concrète aux enjeux de rafraîchissement urbain et de résilience climatique, cette initiative pourrait bien ouvrir la voie à une transformation verte des toits parisiens, même dans les zones les plus réglementées.
RoofScape propose une alternative innovante qui s’adapte aux spécificités du bâti parisien. Plutôt que de chercher à modifier directement les toitures existantes, la startup développe des terrasses sur pilotis, une solution qui repose sur les murs porteurs des bâtiments sans altérer l’architecture originelle. Cette approche permet d’intégrer des espaces végétalisés en hauteur tout en respectant les exigences patrimoniales et techniques.
Un projet pilote à l’académie du climat
Au printemps 2024, Roofscapes a mis en œuvre un projet pilote emblématique au cœur de Paris en secteur patrimonial remarquable, précisément sur le toit de l’ancienne mairie du 4ème arrondissement, aujourd’hui transformée en Académie du Climat. Ce prototype, développé dans le cadre d’un contrat de recherche et développement soutenu par la Direction de la Transition Écologique et du Climat de la Ville de Paris, avait pour but d’évaluer l’efficacité réelle des initiatives de Roofscapes pour l’adaptation au changement climatique.
La structure de cette installation est réalisée en pin et en mélèze, des essences de bois françaises, travaillées par les charpentiers-couvreurs de MEHA Construction Bois. Elle accueille un assortiment de plantes locales et méditerranéennes, agencées par le paysagiste Topager. Le substrat utilisé pour la culture de ces végétaux est issu de la valorisation de terres excavées lors des travaux du Grand Paris, une initiative de Faiseurs de Terre, démontrant ainsi un engagement envers l’utilisation de ressources locales, biosourcées et issues du réemploi.
Adapter les bâtiments existants aux fortes chaleurs
Comme expliqué au-dessus, les matériaux et en particulier les toits en zinc qui constituent la ville de Paris sont très mal adaptés aux fortes chaleurs. Le zinc, exposé au soleil, peut voir sa température grimper jusqu’à 80°C lors de pics caniculaires atteignant les 40°C. La surchauffe de ce matériau augmente non seulement la température dans le bâtiment, en particulier aux étages supérieurs, mais contribue également à la chaleur globale de la ville.
Des mesures de température relevées par RoofScape, la solution de plateforme végétalisée a déjà pu faire ses preuves en termes de confort thermique. Concrètement, la différence de température sous la plateforme par rapport à la zone exposée était de près de 32°C, illustrant une réduction drastique de la chaleur absorbée et retenue par le zinc. De même, à l’intérieur des bâtiments, sous le zinc protégé, la température restait environ 17°C plus froide comparée à celle mesurée sous la zone non couverte.
Accueillir la biodiversité : un défi pour des bâtiments résilients
La mise en place de projets de végétalisation tels que le projet RoofScape ne se limite pas à améliorer la qualité de l’air ou à atténuer les îlots de chaleur urbains ; elle offre également des bénéfices multiples pour l’adaptation des villes au changement climatique, tout en renforçant la biodiversité locale. En intégrant des éléments comme des nichoirs et des hôtels à insectes dans des espaces végétalisés, cette initiative ne se contente pas d’embellir l’environnement, elle crée un véritable refuge pour la faune urbaine. La sélection de végétation, notamment des espèces méditerranéennes adaptées aux conditions climatiques de Paris, soutient la résilience des écosystèmes urbains tout en offrant des habitats propices aux pollinisateurs, tels que les abeilles et les papillons.
L’observation des activités des pollinisateurs sur ces espaces végétalisés montre l’impact tangible de cette approche, qui transforme ces toitures en de véritables havres de biodiversité. Ce type de projet incarne une démarche de réconciliation écologique, visant à restaurer une part de la nature dans un environnement urbain en constante évolution, tout en promouvant une cohabitation harmonieuse avec la biodiversité. En renforçant la résilience des écosystèmes urbains face aux défis du changement climatique, ce type d’initiative permet non seulement de lutter contre les effets de l’urbanisation, mais aussi de souligner l’importance de la biodiversité pour l’adaptation durable des villes (Chazdon, 2008 ; Mell et al., 2013).
Optimiser l’eau : Vers des toitures végétalisées durables et efficaces
Dans le cadre de son engagement en faveur d’une gestion durable de l’eau, Roofscapes a mis en place un système de gestion de l’eau innovant sur ses installations de toitures végétalisées, visant à maximiser l’autonomie en eau. Ce système utilise des billes d’argile placées au fond des bacs de plantation pour capter et stocker l’eau de pluie. Ces billes possèdent la capacité unique de retenir l’humidité et de la restituer progressivement, offrant ainsi aux végétaux un apport hydrique ajusté à leurs besoins. Cette méthode permet une gestion optimale et frugale de la ressource en eau, particulièrement bénéfique lors des épisodes de fortes chaleurs. En effet, elle réduit la consommation d’eau de manière significative, avec des besoins jusqu’à quatre à cinq fois inférieurs à ceux des méthodes traditionnelles de végétalisation (O’Briain et al., 2016).
De plus, l’excédent d’eau non absorbé par les végétaux est redirigé vers les infrastructures de toiture, où il peut être récupéré pour d’autres usages, renforçant ainsi l’efficacité de la gestion de cette ressource. Ce dispositif s’inscrit pleinement dans les orientations stratégiques du plan bioclimatique de Paris ainsi que du Plan ParisPluie, qui cherchent à améliorer la gestion et l’infiltration de l’eau à l’échelle de la parcelle. En contribuant à ces objectifs, ce projet participe à la construction d’une ville plus résiliente face aux risques climatiques, tout en favorisant une utilisation sobre et responsable de l’eau (Mell et al., 2013 ; Dépatie et al., 2015).
En conclusion, l’initiative de Roofscapes met en évidence de manière claire l’interconnexion entre l’adaptation au changement climatique et la préservation de la biodiversité urbaine. À travers l’installation de toitures végétalisées, ces projets ne se contentent pas de réduire les températures au sein des bâtiments et dans l’environnement urbain, mais ils contribuent également à la biodiversité en offrant des habitats pour les pollinisateurs et en améliorant la qualité de vie des habitants. Ces démarches soulignent que l’adaptation au changement climatique et la conservation de la biodiversité ne sont pas des objectifs séparés, mais des leviers complémentaires qui renforcent la résilience des villes face aux défis environnementaux. En somme, ces initiatives renforcent la résilience de Paris tout en créant un cadre de vie plus verdoyant et agréable pour l’ensemble de ses habitant.es.
Article rédigée par Mireille Khattar Zepf et Morgane Moullié
Bibliographie :
- Chazdon, R. L. (2008). Beyond deforestation: Restoring forests and ecosystem services. Science, 320(5882), 1458-1460.
- Mell, I. C., et al. (2013). Green infrastructure and urban biodiversity. Urban Forestry & Urban Greening, 12(1), 11-17.
- O’Briain, G., et al. (2016). Water retention in green roofs: Sustainable management for urban environments. Journal of Urban Water Management, 23(2), 148-158.
- Dépatie, G., et al. (2015). Urban rainwater management : Principles and practices. Water Resources Management, 29(10), 3471-3484.
