Logement - Le label bas carbone se hisse en rénovation

Conciliant économies d'énergie et faibles émissions de CO2, les matériaux biosourcés s'invitent dans les travaux sur l'existant.

 

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Logement - Le label bas carbone se hisse en rénovation
Dans cette opération, rue de l’Ancienne-Comédie, à Paris (VIe arrondissement), les poutres de la charpente sont classées et ont été conservées. C’est aussi le cas de la façade en pierre. Travailler sur l’existant limite le recours à des matériaux neufs et améliore le budget des travaux.

La montée en puissance des labels BBC Effinergie sur la performance thermique a constitué un premier pas vers la garantie de la qualité des travaux de rénovation énergétique. Face à l'urgence climatique, les labels BBCA, lancés à l'initiative de l'Association pour le développement du bâtiment bas carbone, sont venus révolutionner les pratiques. Apparus en 2015, ils prennent d'abord en compte l'empreinte carbone du bâtiment dans le neuf.

Une nouvelle étape décisive est franchie en 2018 avec le lancement du label « BBCA Rénovation ». Unique dans le secteur de la construction, il pose trois niveaux d'exigence : standard, performance et excellence. L'accès BBCA standard fixe un maximum de 1 885 kg équivalent CO2 par mètre carré.

Les niveaux sont atteints via un système par points de bonus/malus par rapport à cette valeur plafond : tous les 10 kg d'émissions évitées, stockées, ou valorisées en économie circulaire, le projet obtient 1 point supplémentaire.

Objectif de cette calculette vertueuse : attester de l'exemplarité de l'empreinte carbone des bâtiments en prenant en compte l'exploitation mais surtout la phase construction, où le choix des matériaux peut permettre de stocker du carbone, grâce au biosourcé ou à l'économie circulaire. « Les constructions des années 1960 émettent 3 tonnes de CO2/m² sur une période de cinquante ans. Un chiffre qui comprend les phases de construction, d'exploitation et la fin de vie, détaille Hélène Genin, déléguée générale de l'Association BBCA. L'objectif est de labelliser des rénovations qui divisent par deux ces volumes d'émissions. Nous anticipons ainsi ce que pourrait être une réglementation environnementale dédiée à la rénovation. »

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A Villeneuve-Saint- Germain (Aisne), la rénovation de ce petit ensemble de logements collectifs utilisera un isolant à base de chaux et de fibres végétales.

La route sera longue. Si, dans le neuf, une cinquantaine d'opérations ont déjà été labellisées et une centaine sont en passe de l'être, les chiffres sont bien moindres en rénovation : quatre ont été labellisées dont trois en logement collectif, et seulement une dizaine d'opérations sont en cours. Il est donc temps d'accélérer le mouvement, comme en témoigne Jérémie Guilliorit, ingénieur énergie et construction durable au sein du bureau d'études Nobatek : « Moins nous apportons de matériaux sur un projet et plus son impact carbone sera faible. Or, en rénovation, il est possible d'éviter l'impact de tout ce qui est associé à la structure et aux fondations en conservant l'existant. Le contenu carbone devient ainsi inférieur à celui d'une construction neuve. » Alors que, dans le neuf, 60 % des émissions proviennent des matériaux mis en œuvre, ce ratio tombe à 40 % en rénovation. Sans compter que le budget du chantier s'en ressent favorablement.

Alors qu'une cinquantaine d'opérations ont déjà été labellisées dans le neuf, quatre l'ont été en rénovation.

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PHOTO - A Villeneuve-Saint- Germain (Aisne), la rénovation de ce petit ensemble de logements collectifs utilisera un isolant à base de chaux et de fibres végétales.

C'est donc une véritable révolution qui s'esquisse. Le bâti rénové n'avait jusque-là jamais été traité sous l'angle de sa performance environnementale. « Le carbone chapeaute désormais une approche environnementale globale, laquelle dicte des choix constructifs qui ne sont plus basés sur la seule maîtrise de l'énergie », confirme Bruno Georges, directeur développement grands projets au sein du bureau d'études techniques Oteis.

Des filières de production locales se développent. Si la prise de conscience peine à se traduire dans les actes, certains bailleurs sociaux montrent la voie. Ainsi, dans l'Aisne, l'Office public de l'habitat (Opal 02) travaille actuellement à la mise en place d'une filière locale de matériaux biosourcés. Le conseil départemental s'est en effet tourné vers le bailleur social afin qu'il devienne démonstrateur de leur usage et incite les entreprises locales à innover sur le sujet. « Nous leur demandons de nous fournir des produits bas carbone, précise Jean-Denis Mege, directeur général de l'Opal 02, car il serait contre-productif d'acheminer par transport terrestre des produits d'autres régions. » Deux projets tests ont par ailleurs été lancés par l'office HLM sur des petits immeubles de 20 logements sociaux à Laon et Villeneuve-Saint-Germain, sur lesquels un isolant à base de chaux et de fibre végétale a été mis en œuvre.

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Afin de réduire les déperditions thermiques des façades de cet immeuble parisien (XIVe arrondissement) construit en 1880, un isolant en béton de chanvre a été rapporté par l’extérieur.

L'Agence parisienne du climat (APC), une association créée en 2011 à l'initiative de la Ville de Paris dans le cadre de son plan Climat, est pour sa part particulièrement active dans le champ du privé. Et pour cause : les 43 500 copropriétés de la capitale représentent 80 % du parc de logements, soit pas moins de 100 000 bâtiments. A fin 2019, 10 % du parc avait adhéré au dispositif CoachCopro qui consiste à accompagner les copropriétés dans leurs travaux de rénovation énergétique en intégrant notamment des problématiques de réduction de l'empreinte carbone. « Désormais, la rénovation énergétique parle de changement d'énergie, mais aussi d'enve-loppe, de ventilation, ou encore de matériaux biosourcés, soutient Frédéric Delhommeau, directeur d'activités rénovation habitat à l'APC. Des références en béton de chanvre ou en laine de bois apparaissent dorénavant sur des copropriétés pionnières, dont l'objectif est également d'assurer une prise en compte croissante du confort d'été. » L'APC doit publier courant février, en partenariat avec la Ville de Paris et l'Observatoire de l'immobilier durable, un guide sur « les matériaux durables pour le bâtiment », qui se présente comme un état des lieux du biosourcé et du réemploi dans la métropole parisienne. Une bible qui sera consultable librement sur le site Internet de l'agence.

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Afin de réduire les déperditions thermiques des façades de cet immeuble parisien (XIVe arrondissement) construit en 1880, un isolant en béton de chanvre a été rapporté par l’extérieur.

De son côté, la Ville de Paris a introduit dans ses règles de financement une majoration pour les bailleurs sociaux qui s'engagent dans une labellisation BBCA. Le rôle de la commande publique est fondamental pour l'avenir de la filière. « Les maîtres d'ouvrage veulent désormais des variantes en matériaux bio-sourcés, constate Charles Arquin, responsable du pôle rénovation chez Pouget Consultants. Si le bas carbone est une préoccupation récente dans la rénovation, il est systématiquement évoqué par les maîtres d'ouvrage avec lesquels nous travaillons. »

« Les bailleurs sociaux s'intéressent de près à l'empreinte carbone tandis que les industriels investissent très peu »

 

« Le bilan carbone, au même titre que le bilan énergétique, permet dès l'esquisse d'un projet de rénovation de hiérarchiser les efforts en listant les éléments qui peuvent être conservés ou pas. Mais nous n'en sommes encore qu'au stade du défrichage. Pour l'instant, l'idée dominante demeure que la réalisation d'un bâtiment performant consiste simplement à empiler des briques de solutions vertueuses. Or, il est plus pertinent de tenir compte de l'existant et de son contexte. En la matière, les bailleurs sociaux s'intéressent de près à l'empreinte carbone, tandis que le secteur privé reste extrêmement frileux.

Du côté des industriels, force est de constater qu'ils investissent très peu dans les innovations techniques dédiées à ce double enjeu du bas carbone et de la rénovation. Les quelques bureaux d'études motivés qui ont investi le champ du bas carbone se sentent aujourd'hui bien seuls face au défi de l'habitat vertueux. Il y a pourtant urgence ! »

Bruno Georges, directeur développement grands projets au sein du BET Oteis.

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Bruno Georges, directeur développement grands projets au sein du BET Oteis.

Bayonne - Quand le bâti ancien joue sur l'économie de moyens

 

Comment concilier limitation de l'empreinte carbone et réhabilitation en secteur sauvegardé soumis à l'avis des architectes des bâtiments de France (ABF) ? C'est le challenge de ce chantier de rénovation énergétique d'un bâtiment de 10 logements sociaux en R + 5 situé dans le centre historique de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques). L'ouvrage du XIXe siècle a fait l'objet d'une rénovation après une série de simulations sur les matériaux les plus conformes à une approche bas carbone de la construction. Objectif : atteindre le niveau BBC rénovation de 72 kWh/m².an, soit en deçà du seuil du label Effinergie fixé à 80 kWh/m².an. Pour y parvenir, le bureau d'études Nobatek/Inef4, assistant à la maîtrise d'ouvrage sur le projet, a misé sur l'économie de moyens et les atouts du bâti.

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La rénovation de cet ensemble devait privilégier le confort d’été. La cour intérieure a été isolée grâce à de fins panneaux en fibre de bois.

Préserver la valeur patrimoniale. L'isolation extérieure des façades n'apportant que peu d'amélioration par rapport à l'inertie thermique de la pierre pour le confort d'été, l'enveloppe a été traitée avec un enduit chaux-chanvre de 40 mm appliqué sur l'extérieur. Pour la toiture, les murs mitoyens et les cages d'escaliers, des panneaux en fibre de bois de diverses épaisseurs (300 mm, 200 mm et 160 mm) ont été mis en œuvre. Un remplacement des menuiseries existantes en façade sud ainsi qu'un ajout de doubles fenêtres en double vitrage au nord ont permis de préserver la valeur patrimoniale de l'ouvrage tout en renforçant l'isolant. Peu performant, le chauffage individuel électrique a laissé la place à des chaudières individuelles au gaz, couvrant également les besoins en eau chaude sanitaire. Résultat final : une économie de 42 % par rapport à l'état des lieux avant les travaux. Ce chantier à 1,2 M€ HT sert désormais de cas d'école pour Nobatek qui a dupliqué la méthode dans l'ancienne caserne militaire Darwin à Bordeaux.

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L’inertie de la pierre a été conservée grâce à un enduit chaux-chanvre.

Maîtrise d'ouvrage : Soliha Pays basque. AMO : Nobatek/Inef4.

Maîtrise d'œuvre : Boris Le Texier / Soliha.

Livraison : décembre 2018.

Budget : 1,2 million d'euros HT.

 

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L’inertie de la pierre a été conservée grâce à un enduit chaux-chanvre.
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Sur la façade nord, des doubles fenêtres en double vitrage ont été ajoutées au nu intérieur.

Saint-Just-en Chaussée - Trois résidences sociales pionnières du biosourcé

 

La rénovation d'un ensemble collectif de 102 logements sociaux situé à Saint-Just-en Chaussée (Oise) constitue l'acmé de la démarche bas carbone en résidentiel parmi les trois projets labellisés BBCA Rénovation en 2019. Après plus d'un an de travaux, l'opération qui vient d'être livrée n'était cependant au départ qu'un énième programme classique de remise à plat de la performance énergétique du bâti, visant a minima à convertir l'ouvrage au chauffage central.

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Mais le bureau d'études Alterea a convaincu la maîtrise d'ouvrage d'aller au-delà des économies de charges grâce à l'intégration au programme de l'analyse du cycle de vie des matériaux et le recours à des produits biosourcés. Après avoir installé une chaufferie avec PAC air-eau doublée de chaudières gaz individuelles en appui pour la production d'eau chaude sanitaire (ECS), Alterea a traité l'enveloppe et les rampants avec des panneaux en fibre de bois Pavatex et les combles avec de la laine de coton sur 40 cm d'épaisseur. Objectif : atteindre 11,4 kg de matériaux biosourcés par mètre carré de surface plancher, soit mieux que le niveau 1 de 18 kg/m² Shon établi dans l'arrêté du 19 décembre 2012, qui porte sur les conditions d'attribution du label « bâtiment biosourcé », pourtant dédié à la construction neuve.

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Les isolants ont ensuite été recouverts de différents types d’habillages, ce qui confère une nouvelle identité aux immeubles.

Pour le confort d'été, des protections solaires extérieures ont été mises en œuvre afin de s'affranchir de l'utilisation de climatisation individuelle. Ambitieux, ce programme qui a mis sur le même pied performance énergétique et qualité d'usage a placé la barre financière très haut avec 5,5 M€ TTC de travaux. Soit plus de 50 000 euros par logement.

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Les isolants ont ensuite été recouverts de différents types d’habillages, ce qui confère une nouvelle identité aux immeubles.

Maîtrise d'ouvrage : Oise Habitat.

AMO : Alterea.

Maîtrise d'œuvre : Lair et Roynette, architectes. BET Fluides : Berim.

Constructeur : Brézillon.

Budget : 5,5 M€ TTC.

 

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De la laine de coton a été utilisée pour réduire les déperditions thermiques des combles.
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A l’origine, les travaux ne devaient concerner que la chaufferie. L’installation de deux pompes à chaleur et de deux chaudières gaz en appoint doit permettre de diviser par deux les consommations.

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