Taxinomie européenne, contribuer à l’objectif atténuation pour la construction

Harmoniser la définition d’un investissement vert et stopper ainsi le greenwashing, tel est le leitmotiv de la taxinomie européenne. Adoptée en juin 2020 par la commission européenne, elle s’inscrit dans son plan d’action pour financer la croissance durable. Dès 2022, les entreprises ont dû publier la part de leurs activités éligibles à ce règlement par rapport aux objectifs climatiques. En 2023 (sur l’exercice 2022), elles devront également publier la part alignée de leurs activités. Avec plus de 50 critères d’examen techniques détaillés pour l’alignement des activités construction et immobilier, il peut être difficile de s’y retrouver. L’OID propose ici un point sur la contribution à l’objectif d’atténuation – l’un des 6 objectifs taxinomiques – pour le secteur de la construction.

Taxinomie européenne, quel modus operandi ?

Le processus taxinomique se décompose en plusieurs étapes :

La première étape consiste à vérifier l’éligibilité des activités considérées à l’aide du code NACE (Nomenclature statistique des Activités Economiques) et de la description de chaque activité dans les actes délégués. L’activité 7.1 Construction de bâtiments neufs est éligible à la taxinomie.

La deuxième étape consiste à étudier l’alignement de ces activités au regard de la taxinomie. Pour ce faire, il faut s’assurer que l’activité :

  • Fasse une contribution substantielle à l’un des six objectifs environnementaux (CCS)
  • Ne cause pas de préjudice important à l’un des 5 objectifs restants (critère DNSH pour Do No Significant Harm)
  • Respecte des normes sociales minimales

La troisième étape consiste enfin à publier des indicateurs, tels que pour les entreprises non-financières des % de CA, de CAPEX et d’OPEX alignés avec les critères de la Taxinomie. Il est important de souligner que la taxinomie n’est pas contraignante au sens où elle ne fixe pas de % d’alignement pré-requis. En revanche, ces indicateurs, publiés chaque année, doivent inciter les acteurs à s’engager dans une dynamique d’amélioration continue de leurs critères environnementaux. C’est par l’émulation des acteurs que le référentiel taxinomique devrait se déployer !

Comment contribuer substantiellement au critère atténuation pour le secteur de la construction ?

Pour contribuer substantiellement d’atténuation du changement climatique pour la construction, la demande primaire d’énergie nette doit être au moins 10 % inférieure à celle fixée selon la transposition de la directive NZEB (Nearly Zero Energy Building) en vigueur dans le pays.

En France, la RE2020 vient remplacer la RT2012 en 2022. Toutefois, les modalités d’application du critère taxinomique sont en cours de définition. Un débat est en cours sur la transposition du critère NZEB-10%. La RE2020, jugée plus exigeante que la RT2012, pourrait finalement satisfaire directement ce critère. Ainsi pour la construction, il se pourrait que tous les bâtiments construits après l’entrée en vigueur de la RE2020 remplissent d’office ce critère de contribution substantielle. Néanmoins, le groupe d’expert technique pour la taxinomie dans l’annexe technique au rapport final sur la taxinomie de l’UE a préconisé une première révision du seuil dès 2023. Les critères pourraient donc se durcir dans les années à venir.

Par ailleurs, pour les bâtiments dont la surface est supérieure à 5000m2, deux critères viennent s’ajouter au précédent :

  • Le bâtiment doit être soumis, après livraison, à des tests d’étanchéité de l’air et d’intégrité thermique. Les investisseurs et clients devront être informés en cas d’écart par rapport au niveau de performance établi au moment de la conception du bâtiment. En France, la RE2020 prévoit des seuils pour ces deux critères, et impose de réaliser des tests en fin de chantier pour pouvoir déposer une attestation sur l’achèvement et la conformité des travaux.
  • Le potentiel de réchauffement planétaire doit être calculé à chaque étape du cycle de vie et communiqué sur demande aux investisseurs et aux clients. La RE2020, exige déjà la réalisation d’une ACV mais réalisée selon une méthodologie différente de celle retenue pour la taxinomie. Si la nouvelle réglementation thermique opte pour l’ACV dynamique qui permet de mieux prendre en compte les opportunités de stockage du carbone apportées par les matériaux biosourcés, la taxinomie quant à elle privilégie l’ACV statique. Dans ses recommandations pour les futures réglementations, le groupe de travail de la taxinomie a bien identifié l’enjeu de prendre en compte l’impact de la séquestration du carbone et les textes à venir devrait refléter cette ambition.

Ne pas nuire pour la construction

Une fois les critères de contribution remplis, reste encore à respecter les critères garde-fous ou Do No Significant Harm pour les 5 autres enjeux environnementaux.

Pour le DNSH adaptation, il faudra ainsi réaliser une évaluation des risques climatiques et de la vulnérabilité du bâtiment afin d’évaluer l’importance des risques climatiques physiques puis mettre en place un plan d’adaptation avec les solutions adaptatives réduisant les risques les plus importants. Ceci vient renforcer la prise en compte de l’enjeu d’adaptation au changement climatique dans la construction. Pour procéder à une telle analyse, l’OID a développé l’outil cartographique Bat-ADAPT désormais intégré à une plateforme de résilience à l’échelle européenne : R4RE.

Pour la gestion durable des ressources en eau, il faudra installer des équipements sanitaires ayant un débit de consommation d’eau encadré, vérifier l’état écologique des eaux souterraines et élaborer un plan de gestion durable avec les parties prenantes. La question des seuils de débits est une nouveauté par rapport à la réglementation française.

Pour l’économie circulaire, au moins 70% du poids des déchets de construction ou de démolition non dangereux doivent être préparés en vue du réemploi, du recyclage ou d’autres formules de valorisation matière. La conception des bâtiments et les techniques de construction devront favoriser la circularité, l’économie des ressources, l’adaptabilité, la flexibilité et la démontabilité.

Dans le cadre des DNSH pollution, la réglementation française anticipe déjà une surveillance suffisante sur les risques de contamination et nuisance sonore pris en compte pour le secteur de la construction dans la taxinomie.

Enfin pour l’enjeu biodiversité, une évaluation des incidences sur l’environnement ainsi que la mise en œuvre des recommandations pour atténuer leurs effets puis les compenser, sont requises. La nouvelle construction ne devra ni être érigée sur des terres arables et de culture dont le niveau de fertilité du sol et de biodiversité est moyen à élevé, ni dans des terrains vierges de haute valeur reconnue pour la biodiversité, ni dans des terres de forêts tels qu’établi dans la législation nationale.

Dans le cas où un autre objectif environnemental est privilégié pour la contribution substantielle (comme l’adaptation, l’économie circulaire ou la pollution), il faudra respecter les critères DNSH atténuation. Pour être désigné comme vert par la taxinomie un actif ne doit pas être destiné à abriter des activités d’extraction, de stockage, de transport ou de fabrication de combustibles fossiles. Il doit également respecter les exigences de la NZEB en vigueur (la RE2020 est suffisante pour la France) et être certifié par un diagnostic de performance énergétique.

Le critères présentés ici sont la version définitive des objectifs climatiques. Le reporting à venir devra donc les prendre en compte. Néanmoins, si certains critères peuvent sembler facilement atteignables, ils se durciront probablement au fur et à mesure de l’exercice. Pour la construction, les régulateurs ont déjà réfléchi à intégrer des seuils carbone. Le groupe de travail avait également pour idée initiale d’introduire une vision à long terme qui permettrait à un actif de maintenir son éligibilité. Une obligation de rénovation 15 ans après l’acquisition est notamment à l’étude. C’est dire s’il est essentiel pour les acteurs du bâtiment de suivre de près le déploiement des textes et dispositions à venir du référentiel taxinomique.

Pour aller plus loin sur les critères déjà connus et pour mieux connaître le processus taxinomique, n’hésitez pas à consulter notre guide disponible ici.

 

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