« Roquelaure Entreprises et Biodiversité » Une étape importante dans la mobilisation en faveur de la Biodiversité

Pour que la Stratégie Nationale de Biodiversité 2030 ne reste pas au stade d’une « feuille de route » et d’un document théorique qui manque d’actions, Christophe BECHU, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, et Sarah EL HAÏRY, secrétaire d’État auprès de Christophe BÉCHU, chargée de la Biodiversité ont lancé la démarche de « Roquelaure Entreprises et Biodiversité ». 250 entreprises ont été réunies le 16 mai 2024 à l’Hôtel de Roquelaure à Paris, pour renforcer la mobilisation des acteurs économiques en faveur de la biodiversité et restituer les propositions de plusieurs groupes de travail.

Une mobilisation essentielle des entreprises

Dans un monde où l’urgence climatique et la perte de biodiversité sont devenues des préoccupations majeures, le secteur immobilier se trouve à un carrefour crucial. « La préservation de la nature et le maintien de ses services sont essentiels à la croissance économique », affirme David Malpass, président du Groupe de la Banque mondiale.Dans son communiqué de presse du 21 juillet 2021, la banque mondiale annonce « une perte de 2 700 milliards de dollars par an à l’économie mondiale qu’on pourra éviter en protégeant la nature ». C’est dans ce contexte que le « Roquelaure Entreprises et Biodiversité » se distingue comme une initiative phare, visant à intégrer pleinement les enjeux de biodiversité dans les stratégies d’entreprises.

Il est indéniable que cette mobilisation des entreprises autour de la biodiversité est essentielle, car aujourd’hui encore, les risques engendrés par l’effondrement du vivant sont largement sous-estimés par le monde économique. Pourtant, cet effondrement pose des menaces directes sur les chaînes de production, les approvisionnements en matières premières, et la résilience globale des écosystèmes dont dépendent les activités humaines.

Lancée en novembre 2023, l’initiative est structurée autour de huit groupes de travail dont un groupe dédié « Bâtiment / Construction ». L’objectif de ce groupe était d’élaborer des propositions d’actions alignées avec les objectifs de la Stratégie Nationale pour la Biodiversité 2030 et adaptées aux enjeux du secteur du bâtiment, de l’aménagement et des infrastructures.

Le constat principal est que la biodiversité ne bénéficie pas encore de critères aussi précis que les autres objectifs environnementaux pour l’application du principe de « Do No Significant Harm ». Par conséquent, l’ambition est de développer des propositions de mesures de préservation plus détaillées et ambitieuses, afin de garantir une protection accrue de la biodiversité. Ces mesures visent à fournir des directives claires et spécifiques, assurant ainsi que les actions des entreprises dans le secteur du bâtiment, de l’aménagement et des infrastructures contribuent efficacement à la préservation et à la restauration des écosystèmes. L’objectif final est de garantir une approche globale et cohérente de la biodiversité dans les projets immobiliers.

Intégration de la Biodiversité dans les Projets de Construction

Biodiversity Impulsion Group (BIG)[i] a participé aux travaux menés entre février et mai 2024, qui ont permis d’identifier des propositions d’actions collectifs pour le secteur, regroupées selon trois axes en fonction de leur « niveau de maturité » et de leurs « possibilités de mise en œuvre » : 1- Actions concrètes et démarches à généraliser -quick win, 2- Recommandations et bonnes pratiques à étendre et Initiatives, 3- Mesures à mettre en œuvre[ii].

Ces propositions mettent en avant des actions concrètes pour intégrer la biodiversité dans les projets de construction. Par exemple, il est recommandé de systématiser la mise en place de mesures de protection de la biodiversité avant tout projet de construction, même en l’absence d’obligations réglementaires, en suivant le modèle de la séquence Éviter, Réduire, Compenser (ERC)[iii]. Il est également conseillé d’accompagner chaque phase d’un projet immobilier par un écologue. Le groupe de travail souligne également l’importance d’inclure les études sur la biodiversité dans le dossier de consultation des entreprises (DCE) dès la procédure d’appel d’offres. « Il convient de rendre obligatoire un DCE complet dès le départ, » car souvent, les études sur la biodiversité ne sont pas fournies au moment du marché, et les informations environnementales arrivent parfois après la remise de l’offre, ce qui nuit à leur bonne prise en compte.

La collaboration entre divers acteurs au sein de ce groupe de travail a souligné le besoin urgent de développer des outils de mesure de la biodiversité et de promouvoir la formation. Il est essentiel de s’appuyer immédiatement sur des labels, certifications, méthodes de calcul, et indicateurs spécifiques dans les projets. Parmi les outils recommandés, la plateforme Resilience For Real Estate (R4RE)[iv] et son outil BIODI-Bat[v] sont mis en avant pour analyser les risques liés à la biodiversité dans les projets immobiliers. BIODI-Bat propose divers indicateurs, notamment ceux de la sensibilité, du potentiel d’accueil, de l’impact d’un projet (CBSh + empreinte), ainsi que des indicateurs de co-bénéfices tels que le rafraîchissement et la gestion des eaux pluviales, et prochainement, les co-bénéfices santé et bien-être.

Le groupe de travail a également révélé la nécessité de former et sensibiliser d’une part l’ensemble des acteurs influençant les phases initiales des projets de construction, notamment les acheteurs et décideurs des entreprises, aux caractéristiques des matériaux utilisés. D’autre part, il est indispensable de former et sensibiliser aux nouveaux métiers des « praticiens du vivant » dans toute la filière, en les intégrant mieux dans les structures existantes. L’intégration de ces nouveaux métiers dans les formations initiales et tout au long des parcours professionnels est essentielle. Chaque métier lié au vivant dans la filière doit proposer au moins une formation de base, afin de permettre aux futurs professionnels de comprendre le fonctionnement des écosystèmes et d’en tenir compte dans leur pratique. Ces démarches sont indispensables pour éviter la « gadgétisation » de la biodiversité et la propagation de « fausses bonnes idées ».

Importance d’une Collaboration Multisectorielle

L’importance du Roquelaure repose sur la collaboration entre divers acteurs en modèle d’un écosystème collaboratif : entreprises, institutions publiques, experts en biodiversité, et organisations non gouvernementales. Cette démarche collaborative permet de mutualiser les connaissances, de partager les retours d’expérience et de développer des solutions innovantes adaptées aux défis actuels. Cette mobilisation a permis d’étayer les objectifs de la Stratégie Nationale pour la Biodiversité, le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) et du déploiement de la taxonomie verte européenne pour réduire l’effondrement du vivant.

Malgré l’importance de cette initiative et les efforts déployés pour faciliter la compréhension de cette thématique complexe et transversale, de nombreuses mesures restent à mettre en œuvre en faveur de la biodiversité. La poursuite et la finalisation du travail sur les outils et les indicateurs, ainsi que leur harmonisation, sont essentielles pour identifier des indicateurs clés qui permettront de définir des trajectoires claires en matière de biodiversité et de mobiliser tous les acteurs de la filière. Il est crucial de développer une approche centrée sur les fonctionnalités et les services écosystémiques, plutôt que sur les espèces individuelles. En effet, la biodiversité est un enjeu systémique nécessitant une vision commune au sein de la filière, et la restauration des services écosystémiques est la première condition pour une possible reconquête de la biodiversité.

Identifier les opportunités pour une prospérité durable repose sur la compréhension que la préservation et la restauration de la nature ne sont pas seulement des obligations éthiques, mais aussi des stratégies économiques viables. Une biodiversité riche et diversifiée offre des services écosystémiques essentiels tels que la pollinisation, la purification de l’eau, et la régulation du climat, qui soutiennent directement les économies locales et globales. Les entreprises sont invitées à démarrer une transformation vers des pratiques plus durables et de s’orienter vers des modèles économiques respectueux de l’environnement et socialement responsables dans leur transition. En s’engageant activement dans des initiatives et en respectant les cadres réglementaires, elles peuvent non seulement réduire leurs risques, mais aussi saisir des opportunités de croissance durable.

La route est encore longue, mais avec des efforts concertés, il est possible de bâtir un avenir où l’économie et la nature prospèrent ensemble !

Bibliographie

Ministère de la Transition Écologique Et De La Cohésion Des Territoires, France. (2023) : « Christophe BECHU et Sarah EL HAÏRY ont lancé la première édition du Roquelaure Entreprises & Biodiversité ».

Ministère de la Transition Écologique Et De La Cohésion Des Territoires, France. (2024) : « Roquelaure entreprises & biodiversité » : 250 entreprises mobilisées ».

Johnson J.A, Ruta G., Baldos U., Cervigni R., Chonabayashi S., Corong E., Gavryliuk O., Gerber J., Hertel T., Nootenboom C., Polasky S., Gerber J., (2021). “The Economic Case for Nature: A Global Earth-Economy Model to Assess Development Policy Pathways” – World Bank, Washington, DC.

Ministère de la Transition Écologique Et Solidaire, France. (2018). Évaluation environnementale Guide d’aide à la définition des mesures ERC. Commissariat général au développement durable- CEREMA

World Bank Group. (2024): “The Economic Case for Nature”.

Secrétariat d’État Chargé de la Mer et de la Biodiversité. (2024) : « Roquelaure Entreprises & Biodiversité – Contribution du groupe de travail Bâtiment Construction », France Nation Verte


[i] Biodiversity Impulsion Group – Go BIG for Nature! (biodiversity-impulsion-group.fr) ; Observatoire de l’immobilier durable – Penser l’immobilier responsable (o-immobilierdurable.fr)

[ii] Livrable_Batiment-Bois.pdf (ecologie.gouv.fr)

[iii] thc3a9ma20-2e32a.pdf (notre-environnement.gouv.fr)

[iv] R4RE – Observatoire de l’immobilier durable (o-immobilierdurable.fr)

[v] BIODI-Bat – Biodiversity Impulsion Group (biodiversity-impulsion-group.fr)

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