Planification écologique pour le bâtiment : un nouveau départ ?

La tant attendue planification écologique en France est enfin sur les rails. Cette initiative, promise lors de la campagne présidentielle et reportée à plusieurs reprises, a été officiellement lancée en septembre par le chef de l’État lors d’une allocution depuis l’Élysée, coïncidant avec une session extraordinaire de l’Assemblée consacrée à la loi de programmation des finances publiques pour la période 2023-2027. Revenons ensemble sur l’allocution du président, qui préfigure les orientations à venir et expose sa définition de l’écologie.

Lundi 25 septembre 2023 Emmanuel Macron lançait la planification écologique pour respecter la directive européenne Fit for 55, visant une réduction de 55% des émissions de gaz à effet de serre en France d’ici à 2030 par rapport à 1990 soit une réduction de 5% par an. Le chef de l’Etat a ainsi détaillé des mesures phares supposées guider le travail des mois à venir.

Contexte et étapes de la planification

Les annonces du président font suite à un travail entamé en septembre 2022 afin de structurer les efforts de décarbonation de la France. Les différentes étapes sont détaillées ci-après :

Figure 1 : Extrait du premier document issu des travaux de la planification écologique : Mieux Agir.

Le président a ainsi confirmé la mise en consultation de la programmation pluriannuelle de l’énergie pour octobre. Pour rappel, Il s’agit d’un document essentiel pour guider la mise en œuvre de la transition énergétique en France. Il a été défini par la loi sur la transition énergétique (LTECV) et énonce notamment une feuille de route pour la composition du mix énergétique français. La nouvelle Stratégie Nationale Bas-Carbone et la Stratégie Nationale de la Biodiversité sont attendues en consultation sur la même période. En complémentarité de ces travaux, le chef du gouvernement a également évoqué un nouveau plan d’adaptation prévu pour décembre.

Ces documents prendront notamment appui sur le travail mené par les différentes filières et notamment celles du bâtiment afin de recommander des leviers d’action pour la décarbonation de leur secteur.

Quelles évolutions pour le secteur du bâtiment ?

Le gouvernement a récemment fait volte-face en ce qui concerne l’interdiction généralisée de l’installation de chauffage au gaz, qui avait été initialement envisagée pour 2026 par le ministère de la Transition énergétique en juin 2023. Cette décision marque un changement de cap significatif dans la politique énergétique de la France. Au lieu d’opter pour une interdiction, l’accent sera désormais mis sur l’incitation à changer de système de chauffage.

L’un des points clés de cette nouvelle orientation est la suppression de 75 % des chaudières au fioul d’ici 2030. Les chaudières au fioul sont parmi les sources de chauffage les plus polluantes, et leur élimination progressive contribuera de manière significative à la réduction des émissions de CO2. De plus, une réduction d’environ 20 % du nombre de chaudières au gaz, à l’exception des pompes à chaleur hybrides, est également envisagée. En combinant ces mesures, le gouvernent estime pouvoir atteindre une réduction globale de près de 40 % des émissions directes du secteur du chauffage.

Pour soutenir cette transition, le gouvernement a décidé de diviser le dispositif MaPrimRénov’ en deux piliers clés : la performance et l’efficacité. Le pilier « performance » vise à financer des rénovations majeures conformes à la loi. Les barèmes de financement seront rendus plus incitatifs, ce qui permettra de réduire le coût restant à la charge des ménages les plus modestes engagés dans ces rénovations. Pour garantir le succès de cette transition, un accompagnement personnalisé sera désormais obligatoire dans le cadre du parcours « performance ».

Le pilier « efficacité » continuera de soutenir les remplacements de chaudière et les petits bouquets de travaux incluant à la fois l’isolation et l’utilisation de systèmes de chauffage décarbonés. Cette approche garantit que les incitations financières restent disponibles pour ceux qui souhaitent effectuer des améliorations énergétiques dans leur domicile.

Figure 2 : Trajectoire de rénovations, Source : Mieux Agir

Enfin, le gouvernement fait de la pompe à chaleur l’élément central de la stratégie de planification écologique dans le bâtiment. Emmanuel Macron a ainsi annoncé vouloir tripler la production de pompes à chaleur en France d’ici 2027 et former 30 000 installateurs. Certains spécialistes alertent cependant sur la généralisation de ces équipements. En effet, leur installation n’est pas optimale lorsqu’il n’y a pas de réseaux d’eau de chauffage préexistant dans le bâtiment ou en cas d’absence d’isolation des murs et des fenêtres qui entraînerait un surdimensionnement de l’équipement conduisant à des surcoûts et à des pointes plus importantes sur le réseau électrique.

Qu’en est-il de notre consommation énergétique ?

Figure 3 : Evolution de la consommation d’énergie finale d’ici à 2030, Source : Mieux Agir

Au cours de son allocution, le Président a évoqué la sortie du charbon en France au 1er janvier 2027. Le chef de l’Etat avait pourtant déjà annoncé en novembre 2018 que cette sortie devrait s’effectuer d’ici à la fin de l’année 2022 ! La fermeture des centrales à charbon est un élément clé de l’engagement de la France envers la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ce délai rallongé, présenté par le Président comme l’adoption d’une nouvelle mesure, soulève des questions sur la capacité du pays à respecter ses objectifs climatiques.

Le Président a également annoncé l’élaboration d’une loi sur la production d’énergie prévue pour le mois de décembre.

Pour quels financements ?

Enfin pour financer cette planification écologique, Emmanuel Macron a évoqué une enveloppe de 40 milliards d’euros pour 2024, soit sept milliards de plus qu’en 2023. Le rapport France Stratégie des économistes Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz sur Les incidences économiques de l’action pour le climat, remis au gouvernement en mai dernier, préconisait de mobiliser entre 65 et 70 milliards d’euros par an pour décarboner notre économie. Reste à savoir où trouver les 25 ou 30 milliards d’euros complémentaires.

En conclusion, l’allocution du Président Macron sur la planification écologique dévoile une vision résolument orientée vers un modèle d’écologie économique, selon ses mots : une écologie « porteuse d’innovation et facteur de compétitivité ». Cette approche met résolument l’accent sur la production. Pour autant, au final, peu de mesures nouvelles ou concrètes pour le Bâtiment ont été annoncées, et la planification écologique est comme trop souvent abordée sous l’angle unique du climat, au détriment d’autres enjeux fondamentaux tels que la préservation de la biodiversité par exemple. Enfin, un certain nombre de choix sont de nature à ralentir l’atteinte des objectifs de décarbonation du pays. Il faudra donc être très vigilant sur les impacts réels de cette planification dans les années à venir.

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