Dans un rapport de plus de 700 pages intitulé « Transitions 2050 », l’ADEME explore les chemins possibles pour s’inscrire sur la trajectoire de la Stratégie Nationale Bas Carbone. En menant une étude complète sur l’ensemble des secteurs, l’ADEME et ses partenaires démontrent que réduire ainsi nos émissions est encore faisable. Pour autant, il sera nécessaire de prendre des décisions drastiques, impliquant des choix politiques, économiques et sociaux responsables. C’est dans ce contexte que l’OID accompagne l’ADEME pour évaluer l’impact du changement climatique sur les bâtiments et ainsi analyser les stratégies d’adaptation au regard de leurs émissions carbone. Le résultat de cette collaboration sera publié au printemps prochain.
L’ADEME a publié ses 4 scénarios prospectifs : ils permettent tous les quatre d’atteindre la neutralité carbone en France en 2050. Résultat de 2 ans de travail avec de nombreux partenaires dont le CEREN, la DHUP, Pouget Consultants ou encore l’OID, ces scénarios s’inscrivent dans 4 récits de société bien différents, de la sobriété au techno-solutionnisme. Ces trajectoires soulignent ainsi les décisions techniques et organisationnelles qu’il est urgent de prendre, tant dans le domaine de l’énergie que de la mobilité ou de l’habitat, afin de respecter les accords de Paris et espérer stabiliser le climat sous le seuil des +2°C.
4 Scénarios de transition pour 4 récits de société bien différents
Les quatre scénarios envisagés par l’ADEME pour atteindre la neutralité carbone en 2050 sont les suivants :
Génération frugale. Ce scénario envisage une transformation importante de la société. Cette transformation serait axée sur des principes de sobriété, de localisme, et d’économie du lien plus que du bien. L’instauration de quotas pourrait venir renforcer cet élan principalement impulsé par un changement drastique des modes de vie.
Coopérations territoriales. D’après ce scénario, la transformation de société s’opère dans le cadre d’une gouvernance partagée entre ONG, institutions publics, secteur privé et société civile. La neutralité carbone est atteinte via une évolution plus progressive mais qui reste soutenue de l’économie. Les maîtres mots sont sobriété et efficacité.
Technologies vertes : Le développement technologique, la production verte et l’économie décarbonée sont les piliers sur lesquels repose ce scénario. Les changements de comportements sont moins importants que dans les deux premiers. Les technologies les plus efficaces sont largement déployées et accessibles.
Pari réparateur : Dans ce scénario, la confiance totale accordée à la capacité de la technologie à préserver les systèmes écologiques, permet de sauvegarder les modes de vies actuels. Le consumérisme reste la norme et fait peser une pression importante sur les ressources. Les biens financiers permettant des investissements importants dans de nouvelles technologies.
Les premiers résultats en termes d’émissions de CO2 et de consommation d’énergie permettent déjà de dégager certaines conclusions sur la viabilité des scénarios précités. Certains d’entre eux se révèlent incompatibles avec les politiques dans lesquelles le gouvernement français est déjà engagé. Ainsi, les scénarios 3 et 4 ne permettent pas de respecter l’objectif « fit for 55% » de la commission européenne tablant sur une réduction de 55% des émissions de CO2 à 2030. Enfin, le scénario 4 n’atteint pas la neutralité carbone à 2050. Il apparaît comme impossible de parier uniquement sur la technologie pour équilibrer nos émissions de CO2. La transformation de nos modes de vie est indispensable.
Pour d’ores et déjà retrouver les travaux effectués par l’ADEME, c’est par ici.
Le secteur du bâtiment, un enjeu important pour l’atténuation
Le secteur du bâtiment en France représente près de la moitié des consommations d’énergie et près d’un quart des émissions de gaz à effet. Il participe directement à l’artificialisation des sols et à la destruction de la biodiversité tout en étant fortement consommateur en ressources sujettes à la raréfaction. Il s’agit d’un secteur clef de la transition écologique.
Dans les deux premiers scénarios, cette transition passe par une réhabilitation massive et efficace des bâtiments, le développement de l’économie circulaire, l’abandon du rêve pavillonnaire et la généralisation de l’habitat collectif, la mise en place de biens communs et de pièces partagées et la sobriété dans l’usage des équipements. A contrario, les deux derniers scénarios misent plutôt sur la technologie et la construction neuve qui nécessitent une consommation de matières et d’énergies plus élevées.
Quid de l’adaptation des bâtiments au changement climatique ?
Etablir une stratégie d’atténuation pour le secteur du bâtiment n’est pas la seule étape dans une démarche de transition écologique. Il est également nécessaire de mettre en place une stratégie d’adaptation au changement climatique. Adaptation et atténuation sont les deux faces d’une même pièce.
C’est dans ce contexte que l’Observatoire de l’Immobilier Durable a participé à l’étude, afin de compléter l’étude Scénarios Neutralité à 2050 de l’ADEME par une analyse sur l’adaptation des bâtiments au changement climatique. Les résultats de cette étude paraîtront dans la parution complémentaire de l’ADEME, prévue pour mars 2022.
D’ici à 2050, le changement climatique aura de multiples conséquences sur le secteur du bâtiment.
- L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des vagues de chaleur pèsera sur le confort des occupants.
- La montée du niveau de la mer provoquera l’obsolescence d’une partie du parc immobilier.
- Les sécheresses et les phénomènes de retraits et gonflements des argiles concomitants, compromettront l’intégrité des bâtiments.
- Les inondations plus fréquentes et de plus en plus violentes, pourront immerger les bâtiments et potentiellement les détruire.
Tous ces phénomènes nécessitent la mise en place d’actions adaptatives afin de réduire le risque climatique auquel les bâtiments sont soumis.
Dans ce cadre, pour ces 4 aléas, l’OID a analysé l’exposition climatique et la vulnérabilité du parc immobilier en France métropolitaine, puis projeté les actions adaptatives correspondantes selon les 4 scénarios de l’ADEME et selon le scénario tendanciel, qui lui ne permet pas d’atteindre la neutralité carbone. Cette étude a pour vocation d’en déduire la contribution carbone de l’adaptation des bâtiments au sein de ces scénarios.
Scénario 1 | Scénario 2 | Scénario 3 | Scénario 4 | |
Philosophie générale | Sobriété avec un recours le plus faible possible aux technologies et utilisation de technologies Low-tech. | Amélioration de l’efficacité des technologies existantes. Coopération territoriale | Technicisation de la nature et le remplacement de certaines fonctions écosystémiques par des technologies biomimétiques. | Mise en place de mesures axées sur de nouvelles technologies industrielles et la compensation. |
Exemple d’actions adaptatives pour le risque vague de chaleur | Généralisation des brasseurs d’air et de la ventilation naturelle. | Recours à des murs et toitures végétalisées. | Installation d’infrastructures d’ombrage. | Recours à la climatisation solaire. |
Exemple d’actions adaptatives pour le risque submersion marine | Renaturation des dunes. | Mêmes actions que pour le Scénario 1. | Construction de maisons flottantes. | Mise en place de digues |
Exemple d’actions adaptatives pour le risque sécheresse | Mise en place d’écrans anti-racines. | Installation de solutions de drainage biologique comme des noues. | Rigidification des structures par le ferraillage. | Utilisation de matériaux innovants comme certains bétons renforcés. |
Exemple d’actions adaptatives pour le risque inondation | Végétalisation aux abords du bâtiment. | Reméandrer les cours d’eau. | Construction sur pilotis. | Installation de murets. |
Cette étude fera l’objet d’une publication spécifique qui aura pour objectifs de :
- Réaliser des analyses de vulnérabilité du parc immobilier selon les scénarios ;
- Imaginer des scénarios d’actions adaptatives ;
- Effectuer les bilans carbones associés pour identifier l’empreinte environnementale des actions retenues.
Les prémices de résultats de l’étude menée par l’OID apportent les éléments suivants :
- Le scénario 1 nécessitera une transformation du mode de vie et des efforts consentis au niveau individuel de la part des occupants des bâtiments.
- Le scénario 2, via une gestion intégrée du risque à l’échelle des territoires pertinents, permettra de réduire la vulnérabilité des bâtiments tout en accordant une plus grande place à la biodiversité.
- Le scénario 3 et plus encore le scénario 4 misent davantage sur des solutions d’adaptation structurelles et/ou technologiques. Ceci engendrera des émissions de CO2 supplémentaires et ainsi des reports de vulnérabilité sur le climat futur. Pire encore, certaines solutions auront des effets collatéraux menant au dépassement d’autres limites planétaires que celles climatiques (comme la perte de biodiversité, ou un accès restreint à l’eau). Le choix d’une de ces voies nécessitera ainsi la mise en place de solutions complémentaires.
Quels que soient le scénario et le secteur considérés, l’étude complète permettra de rendre compte de principes indivisibles pour une nécessaire transition écologique : une planification orchestrée et une action rapide tant dans les démarches d’adaptation que d’atténuation, une réduction de la demande d’énergie, la préservation des fonctions écosystémiques de la nature, et la prise en compte de la finitude des ressources naturelles. L’étude de l’adaptation au changement climatique des bâtiments mène à des conclusions qui s’orientent dans le même sens que celles tirées par l’ADEME : les scénarios reposant sur des paris technologiques impliquent des bilans carbone supérieurs aux autres scénarios et des reports de vulnérabilités spatiaux et temporels, ainsi que des dégradations sur la biodiversité et l’accès aux ressources.