Les normes IFRS : une dynamique de normalisation du reporting ESG centrée sur la matérialité financière

Lors de la COP26, et avec un objectif de normalisation internationale du reporting ESG, la Fondation IFRS a annoncé la création d’un référentiel pour la publication des informations en matière de durabilité. En mars 2022, l’ISSB a publié deux premiers projets de normes volontaires. Le premier porte sur le cadre général, tandis que l’autre est plus spécifique au climat. Ils devraient entrer en application dès le 1er janvier 2024. Ces normes doivent devenir la référence internationale sur la divulgation d’informations sur les risques et les opportunités liés à la durabilité des entreprises, afin d’aider les investisseurs et autres parties prenantes à prendre des décisions réfléchies. Toutefois, à l’heure de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) européenne, cette nouveauté interroge sur les dynamiques multiples de normalisation des reporting ESG. Quelles sont les implications pour les entreprises ? Comment pourront-elles  s’approprier rapidement les diverses exigences normatives et réglementaires ?

 

Dans quel contexte ces normes sont-elles nées ?

Devant l’enjeu de consolidation des normes de reporting ESG à l’échelle internationale, la Fondation IFRS a créé l’ISSB (International Sustainability Standards Board), avec comme objectif la conception de normes internationales de référence pour la publication d’informations sur l’impact financier des opportunités et des risques liés à la durabilité et au climat pour les entreprises.

L’ISSB souhaite devenir une référence mondiale en matière de reporting ESG, comme le sont les normes IFRS dans le domaine financier. Pour faciliter l’appropriation rapide de ces normes par les acteurs, l’organisme s’est appuyé sur des référentiels existants, notamment sur les normes issues du Sustainability Accounting Standards Board (SASB) et sur les recommandations de la Task Force on Climate-Related Financial Disclosures (TCFD). L’ISSB a ainsi constitué un groupe de travail nommé Technical Readiness Woking Group en charge de la consolidation de ces normes. A ce jour, le groupe TRW a publié deux projets qui ont fait l’objet d’une consultation au cours de l’année 2022. Ils ont été approuvés par l’ISSB durant le mois de février 2023 :

  • IFRS S1, « General Requirements for Disclosure of Sustainability-related Financial Information » ;
  • IFRS S2, « Climate-related disclosures ».

Afin d’éviter les divergences entre les différents standards de reporting internationaux, et d’être le plus exhaustif possible, l’ISSB avait signé en mars 2022 un accord de coopération avec la Global Reporting Initiative. Cet accord vise à aligner les exigences de chaque référentiel. Ces nouvelles normes ont donc une ambition forte d’uniformisation et de simplification du reporting extra-financier à l’échelle internationale. Or, les règlementations européennes sont aujourd’hui en forte évolution sur ce sujet.

 

Comment les normes IFRS se placent-elles parmi les divers dispositifs en vigueur ?

Selon la pratique sur le marché américain, sur lequel évolue la Fondation IFRS, le reporting ESG repose sur la transparence en matière de risques ESG. Ceux-ci portent essentiellement sur la gouvernance et l’environnement, notamment sur les questions climatiques. En ce sens, la démarche de l’ISSB cible uniquement la matérialité financière, qui se définit comme les impacts financiers que les facteurs externes ESG peuvent causer sur les investisseurs. Les normes actuelles sont donc articulées autour du principe de « simple matérialité ». C’est aujourd’hui le concept appliqué dans les Déclarations de Performance Extra-Financière, publiées selon la Non-Financial Reporting Directive (NFRD), règlementation européenne.

Or, à l’échelle européenne, la mise en œuvre progressive du Plan d’action pour la Finance Durable de l’UE voit l’apparition et la mise en œuvre concrète du principe de « double matérialité ». Celui-ci est repris dans la Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR) et la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD). La Commission européenne a donc instauré sa dynamique de normalisation du reporting ESG autour de ce principe. A titre d’exemple, les 13 normes European Sustainability Reporting Standards (ESRS) constituées par l’EFRAG prennent en compte à la fois les risques que les facteurs externes ESG pourraient causer sur les activités économiques et les effets négatifs que ces dernières pourraient causer sur l’environnement.

Afin de réconcilier ces deux visions, l’ISSB a récemment publié une communication sur la prise en compte des standards européens définis par la CSRD. Ces derniers peuvent être considérés comme des compléments à la divulgation des exigences portées par l’ISSB, et pourront être utilisés, à condition de démontrer la correspondance entre les informations fournies et les deux référentiels. A l’inverse, la Commission européenne soulignait que les standards ESRS s’appuieraient sur les initiatives de normalisation à l’échelle mondiale. En effet, lors de la phase de consultation de ces normes, plusieurs autorités ont plaidé pour une meilleure intégration des normes IFRS.

 

Comment les normes IFRS vont-elles s’appliquer aux acteurs de l’immobilier ?

A l’heure actuelle, la Fondation IFRS a publié deux normes :

  • La première norme, nommée IFRS S1 « General Requirements for Disclosure of Sustainability-related Financial Information », porte sur les dispositions générales en matière de publication d’informations non financières liées à la durabilité.
  • La seconde norme, nommée IFRS S2, « Climate-related disclosures », porte sur les exigences relatives à la publication d’informations matérielles sur les risques et opportunités significatifs liés au climat.

Sur la base des quatre piliers de la TCFD, les normes IFRS impose la publication d’informations sur la gouvernance, la stratégie, la gestion des risques et les indicateurs et objectifs.

Sur le volet « Gouvernance », les acteurs de l’immobilier devront par exemple fournir des informations sur le ou les organe(s) de gouvernance qui ont une responsabilité de surveillance des opportunités et risques liés à la durabilité et au climat, ainsi que des informations sur le rôle de la direction dans ces processus.

L’approche portée par l’ISSB rejoint donc les pratiques de marché actuelles, que ce soit par la publication des DPEF, ou bien via la divulgation de rapports TCFD par les acteurs de l’immobilier. Le défi pour ces derniers sera de quantifier financièrement les risques et opportunités identifiés, ainsi que cela est d’ores et déjà demandé dans le questionnaire du Carbon Disclosure Project (CDP).

 

Face à la montée en puissance de plusieurs dynamiques de normalisation du reporting ESG, l’ISSB ambitionne de s’imposer à l’échelle mondiale. Alors qu’au niveau européen, le principe de double matérialité est fortement plébiscité, au niveau international, c’est l’approche uniquement par les risques, et leur matérialité financière, qui est choisie. Face à toutes ces nouvelles exigences de reporting ESG, une uniformisation est souhaitable. Les entreprises pourront ainsi répondre efficacement et avec clarté aux attentes de l’ensemble de leurs parties prenantes, de l’échelle locale à l’échelle internationale.  

 

L’OID reste à la disposition des acteurs en décryptant les actualités, et en œuvrant pour un immobilier durable. Ces objectifs ont conduit l’OID à publier la mise à jour de sa cartographie des référentiels extra-financiers dans laquelle vous retrouverez une description des principaux dispositifs utilisés par les acteurs de l’immobilier et des informations sur les nouveautés.

>>>>>>>>>>>> Cartographie des référentiels extra-financiers : écosystème et tendances <<<<<<<<<<<<<<

Plus d'articles sur le sujet