Les enjeux de la résilience des écosystèmes face au réchauffement climatique

Le changement climatique a des impacts directs significatifs sur les écosystèmes tout en étant un facteur aggravant des autres pressions anthropiques. Alors que les initiatives en faveur de la biodiversité émergent, il est important de connaître les interactions entre biodiversité et climat pour que les actions pro-environnementales soient efficientes. Les acteurs de l’immobilier et de la ville ont une réflexion à mener pour s’assurer que les leviers d’actions envisagés conservent toute leur pertinence.

 

Les impacts directs du réchauffement climatique

Le réchauffement climatique exerce une pression significative sur les écosystèmes à travers les hausses de température et les occurrences d’évènements climatiques extrêmes. Ce réchauffement, aujourd’hui de 1,1°C, a d’ores et déjà des impacts sur les conditions d’habitabilité des écosystèmes dans lesquels les espèces évoluent. On parle d’un impact sur la niche climatique des espèces, autrement dit les conditions climatiques optimales, un paramètre déterminant dans la survie de l’espèce en termes de recherche de nourriture, repos, reproduction. Face à ce fléau climatique, deux issues existent pour les espèces : l’adaptation ou l’extinction.

Trois stratégies d’adaptation sont possibles face aux changements environnementaux. Une réponse temporelle est possible en décalant dans le temps les cycles de vie en termes de migration, floraison ou hibernation. Une autre réponse consiste à modifier la physiologie, autrement dit les fonctions vitales telles que la fécondité ou encore la taille. Cela s’illustre déjà lorsque qu’une même espèce est présente dans différentes régions du globe avec des tailles différentes selon les latitudes : les rouges-gorges français sont plus petits que leurs cousins suédois, de même pour les ours polaires qui sont plus gros que les ours malais. Le troisième type de réponse consiste à changer de place en migrant vers des zones plus froides. Les études scientifiques ont calculé ce déplacement : les espèces terrestres se déplacent en moyenne vers les pôles de 17 km par décennie, les espèces marins de 72 km par décennie, les espèces vivant sur les flancs des montagnes remontent les pentes pour échapper au réchauffement des basses terres tandis que certaines espèces de poissons sont poussées plus profondément à mesure que la surface de la mer se réchauffe. Ces observations valent aussi pour les espèces végétales dont les aires de distribution sont décalées.

 

Le réchauffement climatique, catalyseur des pressions

Aujourd’hui, le réchauffement climatique n’est pas identifié comme principal responsable de la crise écologique. C’est notamment ce qu’a établi l’IPBES en 2019 en listant les cinq premiers facteurs de pressions sur la biodiversité : le changement d’usage des sols, le changement climatique, les pollutions, la surexploitation des ressources et les espèces exotiques envahissantes. Mais la relation entre ces pressions est complexe puisqu’elles s’opèrent le plus souvent de manière concomitante voire synergique. De récents travaux confirment que l’effondrement de la biodiversité a été précipité par la multiplicité des sources de stress qu’elle subit, et que la superposition des pressions sur un territoire pourrait rapprocher jusqu’à 80% le risque d’effondrement d’un écosystème.

Le constat actuel fait état d’une majeure partie des écosystèmes mondiaux qui ne sont ni intacts ni fonctionnels. Malgré une certaine résilience, beaucoup d’écosystèmes approchent un point de bascule (moment où un écosystème ne peut plus faire face aux changements environnementaux et où il passe brusquement d’un état à un autre). En Bolivie et au Brésil, la forêt amazonienne commence à se transformer en savane. Aux pôles, la fonte des calottes glaciaires s’accélère. L’urgence écologique se matérialise ainsi sous nos yeux, justifiant l’émergence de solutions efficientes rapidement.

 

Des solutions dont l’efficacité est menacée

Les enjeux écologiques sont alors les suivants : créer des réservoirs de biodiversité et assurer la connectivité écologique pour permettre aux espèces de migrer. Des initiatives pro-environnementales émergent, accompagnées par des savoirs techniques en faveur de la biodiversité. L’UICN recense certaines solutions fondées sur la nature : la restauration de prairies et zones humides, la création d’espaces végétalisés fonctionnels, la mise en valeur de friches, la conception de toitures végétalisées. Dans le même temps, ces solutions qui visent la préservation de la biodiversité bénéficient également aux autres problématiques environnementales notamment l’adaptation au changement climatique : baisser la température de l’air de plusieurs degrés dans les îlots de chaleur urbains, la création de puits de carbone, le stockage de l’eau ou la réduction du risque d’inondation.

Présentement, ces initiatives constituent des solutions pertinentes, toutefois, elles sont menacées par un défaut de prise en compte de l’évolution du climat. Les niches climatiques de ces réservoirs de biodiversité conviennent certes aujourd’hui aux espèces mais le réchauffement menace leur habitabilité, et donc la pérennité des services rendus par le vivant. Par conséquent, ces espaces doivent être viables. Le second enjeu consiste alors à renforcer les réseaux écologiques afin de permettre aux espèces de se déplacer pour rejoindre leurs nouvelles aires de répartition. En France, la connectivité écologique repose notamment sur le document-cadre ONTVB (Orientations nationales pour la trame verte et bleue) qui se décline dans les documents de planification des différents échelons territoriaux.

Dans un contexte urbain, la trame verte et bleue repose sur des espaces tels que les parcs, jardins, les friches/délaissés ou encore les murs et toitures végétalisés. Les acteurs de l’immobilier ont donc une responsabilité importante pour rendre ces espaces urbains plus perméables et favorables au vivant, en s’intégrant pleinement dans les trames dessinées localement : aménagement d’espaces végétalisés, végétalisation du bâti, décloisonnement des espaces, etc. Toutefois, leur caractère végétalisé ne constitue pas automatiquement un lieu de vie ou de transit pour les espèces ; les caractéristiques de ces lieux sont importantes : sont-ils isolés ? adaptés aux espèces locales ? sur-fréquentés ? gérés de manière intensive ?

 

Le changement climatique menace la biodiversité et aggrave l’impact des autres pressions anthropiques. Les solutions qui visent la création ou la restauration des milieux doivent impérativement tenir compte de l’évolution du climat pour être durables. Autrement, elles n’engendreront que de maigres bénéfices environnementaux. La résilience des écosystèmes passera par la création de réservoirs de biodiversité faisant office de sanctuaires et l’aménagement de continuités pour permettre le déplacement des espèces.  

 

 

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