Les caractéristiques des toitures végétalisées bientôt définies par un arrêté règlementaire

Afin d’améliorer la gestion des eaux pluviales et de favoriser la préservation du vivant en milieu urbain, l’article 101 de la loi Climat et Résilience (2021) avait introduit des obligations en termes de végétalisation des toitures pour les nouvelles constructions et rénovations lourdes. Un arrêté réglementaire devrait bientôt paraitre afin de préciser ces exigences et notamment définir les caractéristiques des toitures végétalisées.

L’émergence d’un cadre réglementaire

La végétalisation des toitures permet de répondre à plusieurs enjeux : améliorer la gestion des eaux pluviales, désengorger les réseaux mais aussi préserver le vivant en milieu urbain. Pourtant en 2017, l’ADIVET (Association des Toitures Végétales) estimait que sur les 15 millions de m² de toitures-terrasses neuves construites chaque année, seuls 1,3 millions étaient végétalisées.

Afin de promouvoir cette solution, l’article 101 de la Loi Climat et Résilience (2021) a introduit un nouvel article dans le code de la construction et de l’habitation exigeant de végétaliser ou de couvrir de modules de production d’énergie photovoltaïque 30% de la surface de sa toiture. Ces obligations concernent les nouvelles constructions ainsi que les rénovations lourdes ou extensions qui génèrent :

  • Plus de 500 m² d’emprise au sol, pour les bâtiments commerciaux ;
  • Plus de 1000 m² d’emprise au sol, pour les bâtiments tertiaires ;
  • Plus de 500 m² d’emprise au sol, pour les aires de stationnement.

Ces éléments constituent une extension des exigences de la Loi Energie-Climat (2019), qui prévoyait déjà que les nouveaux bâtiments industriels ou artisanaux de plus de 1000 m² aient 30% de leur surface de toiture végétalisée ou recouverte de panneaux solaires. La Loi Climat et Résilience a donc élargi le champ d’application à de nouveaux types de bâtiments et abaissé les seuils d’assujettissement.

 

Des critères minimaux pour définir les caractéristiques des toitures végétalisées

Une première version de cet arrêté a été soumise à consultation courant octobre. Les toitures végétalisées déployées pour répondre aux exigences de la loi Climat et Résilience devront répondre à certaines exigences.

Des exigences techniques tout d’abord, puisqu’il est question de fixer une épaisseur de substrat minimale et une capacité maximale en eau standard. Ces critères techniques sont particulièrement déterminants quant à la capacité d’accueil du site, puisque certaines espèces végétales nécessiteront une profondeur minimale pour s’implanter. L’enjeu ici est que l’épaisseur de substrat soit assez élevée pour garantir le développement d’une biodiversité variée tout en restant suffisamment limitée pour ne pas ajouter de surcharge trop importante sur le bâtiment. Il s’agit de conserver un certain équilibre, la végétalisation ayant notamment un fort impact sur la portance de la toiture. Les discussions portent actuellement sur une épaisseur comprise entre 8 cm et 10 cm.

L’arrêté exige ensuite une certaine diversité sur les toitures végétalisées avec un nombre minimal d’espèces végétales différentes implantées. Ce mélange d’espèces doit être adapté aux conditions climatiques locales et doit tenir compte des écosystèmes et des paysages locaux. Par ailleurs, l’ensemble des espaces de la toiture doivent se trouver à une distance maximale d’un point d’eau, garantissant une possibilité d’arrosage si nécessaire.

Enfin l’arrêté pose une exigence quant à la genèse d’un projet de végétalisation d’une part : l’impact carbone ainsi que la consommation de matière doivent être minimisés dans la mesure du possible. D’autre part, pour la continuité du projet, il est également attendu que le projet de végétalisation soit pourvu d’un dispositif d’accès et accompagné d’un contrat d’entretien.

Dans le cadre de l’arrêté, les surfaces assujetties devraient soit être végétalisées, en répondant aux exigences évoquées ici, soit être couvertes de panneaux photovoltaïques.

 

Des exonérations prévues

Un décret devrait accompagner la publication de cet arrêté pour préciser quelles opérations sont désignées par « les rénovations lourdes et extensions » ainsi que les critères d’exonération possibles. Ces critères reposeraient notamment sur :

  • Pour raisons patrimoniales : modifications importantes de l’état des parties extérieures ou des éléments d’architecture et de décoration de la construction (bâtiments historiques, labellisés…).
  • Pour coûts disproportionnés : la disproportion des coûts est justifiée dès lors que le coût de l’installation est supérieur à 15 % du coût des travaux.
  • Pour raisons techniques : difficultés techniques insurmontables telles qu’une une architecture inadaptée.
  • Pour raisons de sécurité.

Chacune de ces raisons devra être justifiée et appuyée par un dossier renseignant les détails des problèmes rencontrés. Ces démarches devront être appliquées pour la végétalisation des toitures, comme pour l’installation de panneaux photovoltaïques.

 

Points d’ombres et injonctions contradictoires

Certains points restent cependant à éclaircir, comme l’épaisseur de substrat minimale qui sera retenue ou encore la surface de toiture à prendre en compte pour les calculs de la surface des 30% (inclusion ou non des surfaces occupées par les équipements techniques de la toiture).

En outre, il faut noter les contradictions portées par les différentes injonctions réglementaires. Entrée en vigueur au début de l’année 2022, la RE2020 pose des seuils plafond en termes de poids carbone sur l’ensemble du cycle de vie d’un bâtiment. Force est de constater que les opérations de végétalisation exigées par la loi Climat et Résilience viendront alourdir le poids carbone du projet et ne faciliteront pas la tâche des promoteurs. Ces injonctions contradictoires sont un point d’attention notable : les liens entre les enjeux liés au changement climatique et ceux liés à la biodiversité sont ténus et le maintien d’une cohérence entre les deux est essentiel.

 

Risque d’instabilité réglementaire

Alors même que l’ensemble des décrets et arrêtés n’ont pas encore été adoptés, les débats parlementaires autour du projet de loi pour le développement des énergies renouvelables pourraient modifier ces dispositions réglementaires. En effet, les dernières propositions sénatoriales en date du 8 novembre 2022 suggèrent de faire passer de 30% à 50% de la toiture les surfaces assujetties pour les constructions neuves. Par ailleurs, il serait question de ne pas laisser le choix entre végétalisation et installation de panneaux solaires : la végétalisation ne serait envisagée qu’en cas d’impossibilité d’installer des modules photovoltaïques[1].

Ce serait regrettable pour la préservation du vivant, d’autant plus que la combinaison toiture végétalisée et panneau photovoltaïque peut offrir de nombreux avantages. Le projet PROOF  (Photovoltaic and green ROOF) porté par le Cerema et Efficacity compte confirmer les hypothèses selon lesquelles l’association d’installations photovoltaïques à des toitures végétalisées permet d’augmenter le rendement des panneaux, d’améliorer le bilan global du bâtiment, et de rendre des services écosystémiques supplémentaires.

 

L’arrêté précisant les modalités d’application de la loi Climat et Résilience concernant la végétalisation des toitures devrait être publié au journal officiel d’ici la fin de l’année 2022. C’est un élément clé, puisque la végétalisation en milieu urbain est un levier essentiel à la préservation du vivant mais aussi à l’adaptation au changement climatique. Alors que la France accuse un retard dans ces domaines il est urgent de véritablement développer ces pratiques de végétalisation.   

[1] Projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables : le Sénat renforce l’obligation de solarisation des bâtiments à construire ou existants – Blog Gossement Avocats – 08/11/2022

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