Les vagues de chaleur estivales sont l’occasion, pour de nombreux particuliers et entreprises, de s’équiper de climatiseurs. L’été dernier pour la première fois, le nombre d’appareils vendus a dépassé les 800 000 unités contre seulement 350 000 l’année précédente (ADEME, 2021). C’est chez les particuliers que la progression est la plus importante. Alors que seulement 14% des ménages en étaient équipés en 2017 (Binet et al, 2020), ils sont maintenant 25%. Concernant les bâtiments tertiaires, traditionnellement plus climatisés, 40% d’entre eux ont aujourd’hui recours à un système de climatisation.
Une solution discriminante
Si l’équipement en climatiseur est en nette progression en France, l’accès à cette solution d’adaptation aux vagues de chaleur est inégal. 37% des cadres et professions intellectuelles supérieures sont équipés à leur domicile, contre seulement 19% des ménages avec une personne sans emploi ou inactive.
Du côté des bâtiments tertiaires, si les centres commerciaux sont presque systématiquement équipés de climatisation, les bâtiments d’enseignements eux, ne sont climatisés qu’à 7%.
Effet sur l’environnement
Ce recours massif à la climatisation possède malheureusement un impact négatif important sur l’environnement. Il s’agit d’abord d’un poste de consommation énergétique important. Dans une étude réalisée par l’ADEME et CODA Stratégies, la consommation des climatiseurs en exploitation, en 2020 est estimée à 11,5TWh. Ceci équivaut, en moyenne, à la consommation énergétique annuelle d’environ 2 536 000 ménages français, soit une consommation supérieure à l’ensemble de celle des ménages parisiens (MTES, 2020). En termes de gaz à effet de serre, la consommation énergétique des climatiseurs est responsable de l’émission de 0,9 million de tonnes de CO2 par an, soit l’empreinte annuelle de près de 81 820 français (MTES, 2020).
Malgré le fort impact de la consommation énergétique, ce sont en réalité les fluides frigorigènes présents dans les équipements qui contribuent le plus fortement aux émissions de gaz à effet de serre (CFC, CHFC, HFC, etc.). Des émissions de gaz frigorigènes peuvent avoir lieu lors de la fabrication, de l’utilisation et de la maintenance (au cours desquelles des fuites peuvent intervenir) et en fin de vie. Concernant les fuites de ces fluides, les émissions de gaz à effet de serre sont plus de 2 fois plus importantes que les émissions liées à la consommation d’électricité.
Au total, la climatisation dans le résidentiel et le tertiaire représente 5% des émissions du secteur du bâtiment (laRPF, 2021).
Des réseaux électriques sous tension
Les vagues de chaleur estivales, exacerbées par le réchauffement climatique, sont déjà une source de pression pour les réseaux électriques français. En effet, elles provoquent une baisse des capacités de transport de l’électricité. Elles peuvent également être responsables d’une indisponibilité de la production hydroélectrique (dépendante des débits des cours d’eau) et de la production nucléaire (utilisant les cours d’eau comme source de rafraîchissement).
Ainsi, l’épisode de canicule de 2003 a permis de mettre en évidence les limites du mix-énergétique français (90 % nucléaire et hydraulique), puisque cet épisode a amené le réseau électrique très proche de son point de rupture (Sénat, 2021). L’ajout à ce système déjà sous pression des consommations de climatisation supplémentaires pourrait entraîner des coupures et la nécessité de repenser la production électrique française.
Une boucle de rétroaction négative
Selon Météo France, le parc de systèmes de refroidissement provoque déjà une augmentation locale de la température nocturne dans les rues allant jusqu’à 1°C. Le projet CLIM2 révèle qu’un doublement de la puissance globale de la climatisation entrainerait une augmentation de la température nocturne jusqu’à 3°C. Ceci pourrait inciter à recourir à davantage de climatisation, provoquant une boucle de rétroaction négative :
Des solutions alternatives
Il existe de nombreuses solutions alternatives pour limiter le recours à la climatisation, rafraichir les espaces et ne pas faire entrer la chaleur à l’intérieur. En premier lieu, il faut minimiser les besoins : c’est la sobriété. Pour ce faire, deux leviers d’actions : une meilleure conception du bâtiment (bioclimatisme, ventilation naturelle, isolation, limitation des apports solaires, etc.), et l’adaptation des comportements (adoption de bons réflexes, accepter une température plus élevée, choix et usage des équipements, etc.). Le recours à des méthodes de rafraîchissement dites passives ou semi-passives, telles que les méthodes adiabatiques, les réseaux de froid collectifs, ou encore le géocooling, peuvent ensuite permettre de rafraîchir les espaces intérieurs. Un certain nombre de ces solutions sont développées dans le Guide des actions adaptatives de l’OID.
Si toutefois, un système de climatisation venait à être retenu, des bonnes pratiques existent pour limiter son impact :
– Être attentif au choix du système ;
– Avoir un usage sobre de la climatisation en choisissant une température de consigne raisonnée et en réduisant ses périodes de fonctionnement au nécessaire.