La séquence Eviter-Réduire-Compenser appliquée aux autres enjeux de la transition écologique

Le 10 juillet 1976, la promulgation de la Loi relative à la protection de la nature a imposé de nouvelles contraintes aux projets d’aménagement dans le secteur du bâtiment et de l’immobilier, incluant le respect de la séquence Eviter Réduire Compenser pour les projets les plus impactants. Cette séquence, intégrée à une étude d’impact environnemental obligatoire, offre une approche structurée pour supprimer, réduire et compenser les conséquences dommageables pour la biodiversité. Cet article explore comment cette séquence pourrait être généralisée à d’autres enjeux environnementaux de l’immobilier, en proposant des stratégies concrètes pour chaque étape, de l’évitement à la compensation.

Éviter, mettre en place une démarche de sobriété

La première étape de la séquence ERC, est Eviter. Dans le cadre d’une stratégie de biodiversité, il s’agit d’éviter les atteintes à l’environnement dans le cadre de projets d’aménagement avec pour objectif d’éviter l’érosion de la biodiversité. Cette démarche peut être généraliser à d’autres enjeux de l’immobilier durable via la notion de sobriété. Le GIEC définit la sobriété comme l’ensemble de mesures et pratiques quotidiennes qui permettent d’éviter la demande d’énergie, de matériaux, de terres et d’eau tout en assurant le bien-être de tous les êtres humains dans les limites de la planète.

L’association Négawatt identifie plusieurs leviers de sobriété :

  • La sobriété structurelle, il s’agit de créer des conditions dans l’aménagement spatial ou dans nos activités qui favorisent une consommation modérée, par exemple en rapprochant les lieux de travail et de commerce pour réduire les distances à parcourir.
  • La sobriété dimensionnelle, cette approche vise à adapter correctement la taille des équipements à leurs utilisations, comme le dimensionnement des équipements au plus juste des besoins ou encore la mise en place de démarches de sobriété foncière permettant de construire au plus juste des besoins. Ce levier est également applicable aux matériaux de construction en privilégiant l’architecture frugale.
  • La sobriété d’usage, elle concerne l’utilisation appropriée des équipements pour réduire la consommation, par exemple en éteignant les appareils en veille, en réglant le chauffage et la climatisation dans les plages de température recommandée ou en prolongeant la durée de vie des équipements.
  • La sobriété conviviale ou coopérative, cela implique de mutualiser les équipements et leur utilisation, par exemple en encourageant le covoiturage ou en promouvant la cohabitation dans les logements ou les espaces de travail.

La mise en place d’une démarche de sobriété découle d’une prise de conscience accrue quant à ce qui est réellement nécessaire pour les utilisateurs des bâtiments, mettant ainsi l’accent sur l’essentiel dans la conception et la gestion des espaces. La sobriété, en limitant la surconsommation et en promouvant une utilisation raisonnable des ressources, contribue à la résilience des systèmes en les rendant moins dépendants des ressources limitées. La sobriété est également la première étape d’une démarche d’adaptation.

Réduire, travailler sur l’efficacité

Une fois les démarches de sobriété mises en place, il est possible de se pencher sur le volet « Réduire » de la séquence. Cette phase implique de trouver des méthodes visant à répondre aux besoins des utilisateurs tout en réduisant au maximum l’impact sur l’environnement des mesures mises en place.

Dans le cadre du bâtiment, cela peut se traduire par plusieurs actions concrètes. Tout d’abord, le choix d’équipements et de produits de construction efficaces en termes d’énergie, de carbone, d’eau et de matériaux joue un rôle crucial. Opter pour des systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation à haute efficacité énergétique, ainsi que des matériaux de construction bas carbone contribue à réduire l’empreinte écologique globale du bâtiment.

De plus, la réduction du temps de retour carbone lors de rénovations reste un objectif important pour garantir leur efficacité. D’autres moyens peuvent être mis en place pour réduire l’impact environnemental des bâtiments. Par exemple, l’installation de capteurs de présence pour contrôler l’éclairage et le chauffage en fonction de l’occupation réelle des espaces peut permettre des économies significatives d’énergie. De même, une gestion technique du bâtiment (GTB) efficace, impliquant l’automatisation et la surveillance des systèmes de chauffage, de ventilation, et de climatisation, peut contribuer à optimiser les performances énergétiques du bâtiment en ajustant les paramètres en temps réel en fonction des besoins réels.

Lorsque des techniques de réduction de l’empreinte environnementale sont envisagées, il est essentiel d’évaluer leur impact réel en comparant les incidences sur l’environnement de leur mise en place aux bénéfices qu’elles apportent. Cette analyse comparative permet de garantir que les mesures de réduction sont réellement efficaces et contribuent à atteindre les objectifs de durabilité fixés pour le projet immobilier.

Compenser l’inévitable, apporter une contrepartie aux incidences négatives

En dépit des mesures préventives et correctives, certaines incidences peuvent être inévitables. Dans le contexte de la biodiversité, la compensation vise à « réparer » les impacts d’un projet sur la biodiversité en restaurant ou renaturant un site, recréant ainsi un écosystème « équivalent » à celui qui a été détruit.

Dans un contexte plus large, il s’agit de contrebalancer les incidences négatives. Par exemple, en ce qui concerne les émissions de carbone, il est possible de compenser en investissant dans des projets de reforestation ou d’énergie renouvelable pour neutraliser les émissions générées par la construction ou l’exploitation des bâtiments. Pour compenser les impacts liés à la consommation d’eau, des stratégies tel que le soutien à des projets de conservation des ressources hydriques peuvent être envisagées. De même, la consommation des ressources peut être compensée par des initiatives telles que le financement de programmes de valorisation des déchets ou de sensibilisation à la gestion des déchets. Pour compenser les risques liés aux événements climatiques extrêmes, le soutien à des projets d’adaptation aux changements climatiques peut être mises en place.

En conclusion, l’application de la séquence « Éviter, Réduire, Compenser » dans l’immobilier durable est essentielle pour une approche holistique de la durabilité. En mettant l’accent sur la minimisation des impacts dès la phase de planification, suivie de mesures visant à réduire les conséquences inévitables et à compenser les dommages résiduels, cette approche favorise la durabilité à long terme des projets immobiliers. Cependant il convient de rester vigilant quant à la dernière étape de cette séquence. Certaines actions de compensation peuvent être incertaines dans leur efficacité réelle, notamment en raison des incertitudes liées au changement climatique et des difficultés à quantifier l’ensemble des incidences négatives d’une action sur l’environnement.

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