Normes ISO 17298 et 17620 : potentiels catalyseurs pour les entreprises

CSRD, TNFD, SBTN… et désormais les normes ISO 17298 et 17620. Ces normes internationales, proposent un langage commun et des exigences mesurables, facilitant la comparabilité et les audits externes dans un contexte réglementaire en construction. Tout en restant volontaires, elles complètent ces référentiels qui offrent une pluralité de méthodologies pour s’emparer de la thématique biodiversité. 

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En matière de protection et restauration de la biodiversité, la société dans son ensemble s’est engagée dans une évolution dans la législation et dans les pratiques. L’Union européenne a par exemple adopté le règlement Restauration de la biodiversité ou encore la directive sur la Surveillance des sols. En France, c’est la démarche Zéro Artificialisation Nette (ZAN) qui devrait produire un bouleversement de notre manière d’aménager les villes. Le Code de l’environnement s’est un peu épaissi sur les sujets de pollution lumineuse,  de tri des déchets verts. Un plan Nature en ville 2030 mobilisant les collectivités et des associations à portée nationale a également vu le jour.   

Les entreprises ont alors fait évoluer leurs pratiques face aux engagements de l’Etat et des collectivités en faveur de la biodiversité. Cependant, elles semblent subir les évolutions du cadre réglementaire. Le supposé durcissement législatif met pourtant en exergue un besoin de structuration et de méthodologie pour initier un passage à l’action. En effet, le reporting CSRD sur la biodiversité (ESRS E4 Biodiversité) est un pas en avant mais il n’en reste pas moins déclaratif. Comme preuve supplémentaire de sa dépriorisation, depuis l’amendement « Quick fix » en juillet 2025 le standard E4 est devenu entièrement optionnel pour les rapports de durabilité sur l’exercice 2025. Les actions reposent donc encore sur des démarches volontaires qui peinent à se diffuser. 

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Les normes ISO Biodiversité, nouvelles pièces du puzzle

Les cadres internationaux SBTN et TNFD permettent aux entreprises de structurer le reporting, la gouvernance, les stratégies, et les objectifs scientifiques liés la nature.​ En France, 29 entreprises se sont engagées à publier des rapports alignés TNFD (ex. AFD, Caisse des dépôts, Groupe Crédit agricole). Pour SBTN, seules dix entreprises dans le monde disposent d’objectifs validés, dont une française (Kering). Au niveau nationale, le dispositif Entreprises Engagées pour la Nature  porté par l’OFB (Office français de la biodiversité) depuis 2019 avec l’ambition de rassembler 5 000 entreprises d’ici 2030, reste encore loin de son objectif avec un peu plus de 300 adhérentes à mi-parcours. 
 
Ces cadres laissent toutefois une large liberté méthodologique, entraînant des approches hétérogènes et peu comparable, avec une « auditabilité » limitée car reposant sur des déclarations volontaires. Les normes viennent alors les compléter en offrant un langage commun et des exigences mesurables, vérifiables et comparables. Elles facilitent l’audit externe, la transparence et l’intégration dans les dispositifs réglementaires ou de marché (CSRD, marchés publics, labels). 

La norme ISO 17298  – traduction de la norme française NF X32-001 – est la première norme internationale dédiée à la biodiversité, publiée en octobre 2025. Le document d’une trentaine de page est disponible sur le site de l’AFNOR qui en a coordonné la rédaction. Sans en brosser l’ensemble des points, on peut en citer quelques-uns intéressants : l’évocation récurrente des « parties prenantes » dont les besoins et attentes doivent guider la définition des ambitions et objectifs ; la distinction entre objectifs fondamentaux (stratégiques) et les objectifs de moyens (opérationnels) ; la nécessité de mettre en cohérence les actions avec les initiatives locales pour maximiser l’efficacité via des mesures conjointes; enfin, la consultation systématique d’experts locaux et d’associations de protection de la biodiversité. 

La norme ISO 17620, inspirée quant à elle de la norme britannique VSI, se concentre, spécifiquement sur le gain net de biodiversité (en anglais : Biodiversity Net Gain) notamment pour le secteur de l’immobilier et des infrastructures. L’objectif étant de valoriser la biodiversité sur les sites si bien que son état mesurable soit meilleur qu’avant le début du projet. Le document définit précisément les exigences pour chaque étape du projet : préparation, conception, mise en œuvre, entretien et suivi. Il consolide ainsi les bonnes pratiques existantes et implique tous les acteurs des projets. La norme décrit par exemple la hiérarchie d’évitement (séquence Eviter-Réduire-Compenser) jusqu’au monitoring des résultats. 

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Vers une interopérabilité durable ?

Tous ces référentiels ont leur rôle à jouer : la CSRD, le SBTN, la TNFD, l’initiative Entreprises engagées pour le Nature, et bien sûr les normes ISO 17298 et 17620 qui complètent l’écosystème. La CSRD propose un cadre de reporting via l’ESRS E4 sur la biodiversité, tandis que la TNFD et le SBTN fournissent les méthodes pour évaluer les risques, les dépendances et fixer des objectifs alignés sur la science. Les ISO 17298/17620 promettent une interopérabilité entre eux tous, ce qui faciliterait l’intégration dans les systèmes de management environnemental. Notons que les normes ne garantissent pas en elles-mêmes la conformité aux obligations réglementaires.  

Pour autant, les normes ISO demeurent volontaires et ne s’accompagnent d’aucun mécanisme d’obligation, ce qui peut freiner leur diffusion. L’expérience de la norme française NF X32-001, publiée en 2021 mais sans statistique officielle d’adoption, illustre une maturation lente. Sa traduction internationale en ISO 17298 porte l’espoir d’une diffusion élargie et d’un regain d’intérêt.  

Dans le même temps, la CSRD a contribué à instaurer une pression de comparabilité qui favorise l’émergence de référentiels harmonisés. Les normes génèrent également une pression de marché : labels et certifications – comme Effinature – les intègrent dès leur publication et elles pourraient être attendues par les financeurs, assureurs ou acheteurs publics. Le volontariat ne signifie donc pas facultativité : comme pour le climat et le carbone, il peut progressivement se transformer en quasi-standard dès que les acteurs économiques s’en saisissent. 

Dans un contexte de régression réglementaire – illustré par la loi TRACE en France ou la loi Omnibus en Europe – les dynamiques techniques continuent d’avancer. Les groupes de travail issus de la Stratégie nationale biodiversité poursuivent leurs chantiers : nouveaux indicateurs au sein du GT 7 Biodiversité, méthodologies opérationnelles élaborées sous l’égide de la LPO, etc. Dans cet environnement fluctuant, les normes ISO et cadres internationaux présentent une stabilité appréciable. Elles peuvent aussi constituer un avantage compétitif pour les organisations qui les adoptent tôt. D’ailleurs, les travaux d’interopérabilité ont d’ailleurs été engagés. La convergence progressive entre cadres volontaires, normes internationales et exigences européennes témoigne d’un mouvement structurel. Loin d’être cloisonnés, ces outils se co-alimentent et soutiennent une montée en maturité durable des entreprises en matière de biodiversité. 

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Conclusion : Au fil des textes et des initiatives, un paysage complexe se dessine : celui d’une biodiversité prise en étau entre ambitions politiques fluctuantes et volontariat encore fragile. Pourtant, les dynamiques techniques, normatives et partenariales montrent un mouvement inverse : celui d’une structuration croissante, portée par les standards internationaux et les communautés d’experts. Ils permettent aux entreprises d’avancer, de démontrer la qualité de leurs engagements et de s’inscrire dans une dynamique collective d’amélioration continue. L’enjeu se déplace désormais vers la visibilité et l’appropriation. On ne peut qu’espérer que le sujet de la biodiversité sorte du registre des bonnes intentions pour entrer dans celui des exigences structurées, comparables et auditables. 

Cliquer ici pour consulter les normes : Norme ISO 17298 et Norme ISO 17620

Merci à Caroline Lhuillery (AFNOR), Juliette Daire (OID) et Mireille Khattar Zepf (OID) pour leurs relectures. 

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