Nous passons 80 à 90% de notre temps à l’intérieur de bâtiments, y garantir le confort et le bien-être est donc un réel enjeu de santé publique. Selon un rapport de 2011 publié par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 100 000 décès prématurés chaque année sont attribuables à la mauvaise qualité des logements en Europe. Si allier le confort et le bien-être des occupants et la transition écologique des bâtiments peut être parfois contradictoire, il existe également de nombreux points de convergence entre ces deux enjeux.
Qu’est-ce que le confort dans les bâtiments ?
Pour le secteur immobilier, les enjeux portent sur le bien-être (physique et psychologique) et le confort (l’absence de gênes dans son environnement physique et fonctionnel) des occupants dans leur quotidien. Ils se mesurent notamment à travers les conditions de ventilation, de luminosité, de température, et en résultante le sentiment de satisfaction des occupants.
Le confort peut également se traduire par le nombre et la qualité des espaces mis à disposition des occupants. Pour ce qui concerne les bureaux, selon l’étude menée par l’OID et l’Arseg en 2017, 87% des directeurs de l’environnement de travail se déclarent attentifs à la surface de travail par personne, et 92% à la mise à disposition d’espaces partagés (salles de réunion, plateaux ouverts, etc.). A l’heure d’un déploiement très significatif du télétravail dans de nombreuses entreprises, ces espaces partagés prennent une importante encore plus grande, et peuvent même être perçues comme un argument pour rendre l’espace de travail plus attractif.
La qualité de l’eau dans les bâtiments est également une problématique à laquelle les acteurs de l’immobilier doivent faire face. La qualité de l’eau potable dans les réseaux peut être altérée en raison d’une conception ou d’une mise en œuvre défectueuse des installations, ainsi qu’à cause d’un entretien insuffisant.
Enfin, le bruit est un enjeu majeur dans les bâtiments. Les niveaux de bruit élevés peuvent entraîner des troubles du sommeil, une augmentation du stress et de l’anxiété, des problèmes de concentration et même des maladies cardiovasculaires.
Il est ainsi important de contrôler régulièrement la qualité de l’air, la luminosité, l’eau et les équipements techniques des immeubles.
Santé et Confort et économies d’énergie, des enjeux antithétiques ?
A première vue, le confort des occupants et la décarbonation des bâtiments peuvent sembler antithétiques. Par exemple, le choix d’une température de consigne à 21°C observée sur le terrain plutôt qu’à 19°C recommandée par la réglementation, provoque des surconsommations d’énergie. Ainsi, les expérimentations des bâtiments BBC ont montré que les consommations réelles après livraison des bâtiments sont, en moyenne, 2,5 fois plus élevées que celles modélisées. Cet écart est en partie dû à la modification des températures de consigne et/ou à l’installation d’équipements d’appoint par les occupants pour satisfaire leur confort.
Il en va de même pour les enjeux de qualité de l’air dans les bâtiments. Les différentes réglementations thermiques font peu à peu évoluer les méthodes constructives et ainsi les caractéristiques techniques des bâtiments. En visant une performance énergétique de plus en plus élevée, elles augmentent l’étanchéité à l’air des bâtiments afin de limiter les déperditions de chaleur l’hiver et de fraicheur l’été. Ceci permet de mieux maîtriser les consommations énergétiques. Ces évolutions nécessitent cependant d’apporter un point d’attention particulier à la ventilation des bâtiments. En effet, l’apport d’air neuf ne peut plus être assuré par les fuites d’air. Ainsi, à l’intérieur des bâtiments RT2005, 67% de l’air neuf vient de déperditions thermiques alors que pour les bâtiments soumis à la RE2020 les déperditions thermiques ne sont que d’environ 20-30%. Ces enjeux de renouvellement d’air ont de surcroît également été mis sur le devant de la scène pendant la gestion de la pandémie de COVID-19 et les différents dispositifs mis en œuvre au travail et/ou pendant les périodes de confinement. De nombreux bâtiments de bureaux notamment ont par exemple dû prévoir une mise en route de la ventilation quasi 7 jours sur 7 et 24h sur 24, afin d’assurer la sécurité sanitaire des occupants.
De la même manière, les enjeux de ventilation naturelle ou mécanique sont fondamentaux dans les logements, afin d’assurer une qualité de l’air minimum voire d’éviter des désagréments tels que les moisissures, qui peuvent être dangereuses pour les habitants.
Toutes ces contraintes entraînent donc mécaniquement des consommations énergétiques plus importantes, qui pèse sur les émissions de gaz à effet de serre du bâtiment.
Allier confort et économies d’énergie pour une stratégie de décarbonation efficace
Cependant, il existe des synergies importantes entre le confort et la décarbonation des bâtiments :
- D’abord, l’amélioration de la qualité thermique des logements permet de diminuer les consommations énergétiques mais aussi la surmortalité en hiver, la propension de maladies respiratoires et les difficultés associées à la facture énergétique en particulier dans le cas des passoires thermiques. Au nombre de 4,8 millions en France, ces logements très mal isolés entraînent des difficultés à chauffer le bâtiment l’hiver, le rafraîchir l’été ainsi que l’accumulation d’humidité pouvant entraîner moisissures et soucis de santé : dans ce cas, mener la transition du parc de logements constitue réellement une démarche de santé publique.
- Un autre exemple est celui de la végétalisation des espaces. La présence de nature à proximité, dans un rayon de 250 à 500 mètres, diminue les risques de nombreuses maladies : cardiovasculaire, diabète, cardiaque ischémique, cérébro-vasculaire, et respiratoire, pour un effet cumulé d’un risque de mortalité réduit de 8 à 12%. Du côté de la décarbonation, l’installation de toitures végétalisées ou de murs végétalisés permet de réduire les consommations de chauffage et de climatisation. Par ailleurs, la végétalisation constitue un puits carbone qui permet de contribuer à la neutralité planétaire.
Ces synergies prouvent que confort, bien-être et décarbonation sont des enjeux compatibles voire complémentaires. Une des clefs pour les allier est de faciliter l’appropriation de l’espace par les occupants. Pour ce faire, ceux-ci doivent être informés lors de l’installation de nouveaux équipements, et consultés régulièrement via notamment des enquêtes de satisfaction. Par ailleurs, rendre possible un suivi des consommations énergétiques ainsi que de la qualité de l’air dans les bâtiments, permet aux occupants de pouvoir ajuster leurs comportements.
La réappropriation des espaces et équipements pourrait même également passer par une simplification des technologies en place. En effet, des études sociologiques ont montré que la complexification des thermostats dans les logements entraîne des surconsommations énergétiques ainsi qu’une baisse du confort pour les habitants qui ne savent plus forcément les utiliser correctement. Les techniques low-tech, plus accessibles, pourraient donc également être une solution pour faciliter la réappropriation de l’espace tout en permettant de réduire massivement toute forme de consommation. Elles présentent également l’avantage de pouvoir être co-imaginées avec les occupants qui en étant plus actifs seront plus enclins à adopter les bons réflexes et plus satisfaits de leur environnement.
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