GIEC : le rôle du bâtiment face à l’urgence climatique

Conclusion d’un cycle d’étude qui aura duré plus de 5 ans, le GIEC a publié en début de semaine la synthèse de son 6ème rapport (AR6 SYR). Celle-ci agrège les conclusions des publications qui ont échelonné ce sixième cycle afin de projeter une vue globale de la situation climatique actuelle et à venir. La situation est critique et les conclusions du GIEC alertent sur l’importance d’une accélération des efforts d’atténuation si l’on souhaite maintenir l’évolution climatique dans un cadre permettant de concrétiser suffisamment rapidement des mesures d’adaptation.

 

Les impacts du changement climatique ne peuvent plus être ignorés

« Il est clair que l’influence humaine a réchauffé l’atmosphère, les océans et les terres. » (AR6 SYR A.2.1, 2023). Ce dernier rapport du GIEC est sans équivoque sur l’origine du bouleversement climatique, dont il n’est plus question d’évoquer seulement les impacts à venir, car on observe déjà les premières conséquences du réchauffement. Le rapport dresse d’ailleurs la liste des impacts négatifs déjà à l’oeuvre sur l’accès à l’eau et la production alimentaire, la santé et le bien-être, mais aussi les infrastructures, et les villes.

Ces bouleversements ne sont cependant que les prémices du changement climatique global à venir. Le GIEC travaille sur un modèle de projections constitué de différents scénarios et tous tablent sur une forte hausse des températures. Sur le graphique suivant on constate que selon tous les scénarios envisagés par le GIEC, une hausse de la température moyenne de 2°C par rapport aux niveaux de température de 1850-1900, au moins ponctuellement, est inévitable. Dans le cas du scénario intermédiaire l’atteinte de ces 2°C supplémentaires se concrétiserait pour de bon autour de 2050, et la température moyenne continuerait d’augmenter au-delà de 2100.

 

Fig. 1 : Évolution des températures par scenario (Source : Figure SPM.1 (c) – AR6 SYR)

Cette hausse de la température moyenne provoquera non-seulement une plus grande intensité des impacts négatifs mentionnés plus haut, une hausse de la fréquence des catastrophes naturelles liées à ce dérèglement, mais surtout un changement systémique qui affectera l’humanité et le vivant dans leur ensemble. Le graphique ci-dessous développe cet aspect, en mettant en avant par région, et pour chaque scénario de réchauffement :

  1. La proportion d’espèces animales et de végétation maritime potentiellement exposées à des températures dangereuses.
  2. Le nombre de jours par an auxquels l’hyperthermie représenterait un risque mortel pour l’être humain.

Fig. 2 : Risques pour l’humanité et le vivant par intervalle de réchauffement (Source : Figure SPM.3 (a & b) – AR6 SYR)

L’urgence d’agir

Une part de ces évolutions climatiques n’est pas réversible. Cependant il est possible de les limiter par des efforts rapides et en profondeur permettant de réduire nos émissions de gaz à effet de serre (GES). Cette inflexion est essentielle, d’autant que, d’après les projections du GIEC, la trajectoire établie par les politiques actuelles ne nous permet pas d’infléchir nos émissions de GES, alors qu’il faudrait une nette diminution pour pouvoir limiter le réchauffement à 2°C (cf. Graph ci-dessous). C’est donc un net changement de cap que le rapport appelle de ses vœux puisque les horizons pour l’instant déterminés par les actions mises en oeuvre se situent entre 2.2°C et 3.5°C de réchauffement (avec une valeur moyenne de 3.2°C).

Fig. 3 : Trajectoires passées et prospectives d’émissions mondiales de GES (Source : Figure SPM.5 – AR6 SYR)

Le virage à effectuer est donc important, et le GIEC insiste avec confiance sur le fait que la fenêtre d’action permettant de « garantir un avenir vivable et durable pour tous » (AR6 SYR A.2.1, 2023) se referme très rapidement. Celle-ci est tout autant restreinte par des boucles de rétroaction physiques qui pourraient être à l’origine de réactions en chaines dramatiques pour le climat, ainsi que les humains, notamment du fait de la vulnérabilités de nos sociétés civiles face aux bouleversements à venir.

Le GIEC met également l’accent sur l’importance des notions d’équité et de justice sociale, elles font partie des moyens de conforter nos capacités d’adaptation en asseyant la stabilité de nos sociétés sur des bases éthiques et équitables essentielles face aux enjeux du changement climatique.

 

La décarbonation de l’immobilier, une brique essentielle

Pour faire face à ce gigantesque défi le GIEC identifie de nombreux leviers, repartis en 5 grands champs d’actions :

  • Production énergétique ;
  • Terres, eau & alimentation ;
  • Installations et infrastructures ;
  • Santé ;
  • Société, économie & revenus.

Le secteur de l’immobilier et du bâtiment est un des acteurs majeurs qui doit être mobilisé sur l’axe liés aux installations et aux infrastructures. Le développement des infrastructures vertes et les renforcement des services écosystémiques constitue une des grandes mesures d’adaptation à disposition de ces acteurs.

D’autres part la l’efficacité énergétique des bâtiments constitue un des principaux leviers d’atténuation relevés par le GIEC avec une réduction nette potentielle des émissions d’ici 2030 de l’ordre de 1,5 GtCO2-eq par an. L’effort à produire est loin d’être anodin, puisque selon les estimations, il est question, pour atteindre ce niveau, de 100 à 200 USD d’investissement par tonne de CO2-eq évitée. Mais le potentiel de réduction est majeur : à l’horizon 2050 le secteur du bâtiment pourrait avoir réduit de 66% sa production annuelle de CO2-eq, soit près de 7 GtCO2-eq.

Fig. 4 : Marge d’atténuation par secteur (Source : Figure SPM.7 (b) – AR6 SYR)

Cette marge de progression oblige le secteur, dans le contexte climatique actuel, et il urgent de tout faire pour la concrétiser au mieux.

 

Cette synthèse du 6ème rapport du GIEC appelle donc à un changement majeur et total pour faire face à l’urgence climatique. Le secteur de l’immobilier doit jouer dans ce tournant un rôle non négligeable. A l’échelle européenne, des textes telles que la taxinomie européenne visant à un fléchage des financements vers les activités durables, ou encore la directive européenne sur l’efficacité énergétique (EPBD) dont le Parlement européen a adopté une révision le 14 mars dernier, doivent notamment poser le cadre d’application vers un secteur neutre en carbone à l’horizon 2050. Plus que jamais, et à toutes les échelles, il est temps d’agir !

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